Chaîne du froid Chaque maillon compte ! - FOOD MAGAZINE

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l’inTervieW Aujourd’hui, notre axe de développement principal est le surgelé Le groupe Mobigen, avec sa célèbre marque de biscuits Henry’s, âgée de 80 ans aujourd’hui, a opéré une diversification réussie dans le secteur du froid négatif, en tant que producteur et importateur de glaces, de surgelés, et tout récemment en investissant dans une usine de fabrication de plats cuisinés surgelés. Le Directeur Général des filiales, Salah-Eddine El Ayoubi, nous explique la stratégie de l’entreprise, qui mise désormais sur ces nouveaux produits comme relais de croissance. FOOD Magazine Avant tout, pouvez-vous nous présenter les activités du groupe ? Salah-Eddine El Ayoubi Dans l’agroalimentaire, nous opérons dans deux domaines séparés : le sec, avec la biscuiterie en chef de file, mais aussi du négoce de produits d’épicerie et complémentaires, et le froid négatif, avec une grosse activité dans les glaces, et tout ce qui est alimentation pour le food service. Dans ce dernier segment, nous allons de la laiterie à la chaîne, type McDonald’s, Accor, Friday’s, KFC, etc. Notre système de distribution livre directement aussi bien les grandes que les toutes petites structures. Même au niveau du sec, nous sommes connus pour avoir 50% de notre activité qui va directement à l’épicerie. C’est notre concept de business. Sur tout le Maroc, des dizaines de milliers de clients sont organisés en tournées ; ces tournées sont servies par des véhicules, et le tout est coordonné par un système de suivi et de contrôle par GPS pour donner le meilleur service possible. Concernant nos marques les plus connues, FOOD MAGAZINE - N° 17 / Du 15 Déc. 2009 au 15 Jan. 2010 32 nous avons bien sûr Henry’s, avec la marque ombrelle Gourmet’s Club sur les plats cuisinés, les glaces, les biscuits. C’est une ancienne marque qui existait depuis plus de 20 ans sur le biscuit premium et qui a vocation à devenir une marque de produits à partager, pour la famille. Les marques de produits d’impulse sont couvertes par Henry’s. Même démarche sur Pingouin, qui est une marque ombrelle de glaces, avec des marques produits connues comme Titan, Pingo… Ce sont toutes des marques marocaines. A côté de cela, nous sommes distributeurs de marques prestigieuses de glaces des groupes Unilever et Nestlé : Magnum, Solero, Extrême, Carte d’Or, etc. Notre démarche est d’être en même temps un fabricant local et un importateur, pour avoir une offre multisegments. Nous ne prenons pas des marques pour les mettre les unes à côté des autres comme des médailles. Nous partons d’une étude du marché et nous cherchons celles qui répondent le mieux aux segments. Sur certains, il faut de la notoriété, du premium, des produits chers, donc des petites quantités, cela ne justifie pas des investissements lourds, donc nous importons. Par contre, sur des segments qui demandent du prix, de la qualité certes mais de l’entrée de gamme, des petits formats, on fabrique sans hésiter car on touche une cible beaucoup plus grande. C’est un Salah-Eddine El Ayoubi, Directeur Général de Pingouin, Paty’s et Henry’s marché d’offre et de prix, mais attention, nous sommes certifiés ISO 22000, nous avons une exigence de contrôle qualité et de sécurité alimentaire coûteuse, mais que nous pouvons offrir du fait de notre taille. Vous apprenez beaucoup quand vous êtes sous-traitant pour des opérateurs comme McDonald’s, KFC, ... Nous avons des audits spécifiques, selon leurs normes, qui sont parfois plus contraignantes que les normes internationales. Mais tout cela fait que c’est vivant, il y a des challenges techniques, d’organisation, de procédures, pour pouvoir fabriquer en même temps des produits à 1 Dirham et d’autres à 10. Pingouin est la doyenne et le leader du secteur des glaces. Quels sont les ingrédients de son succès ? Cette marque a été la première à avoir une approche marketing du marché, c’est-à-dire à installer des marques et à les faire durer dans le temps. Cela a permis de capitaliser sur un historique, contrairement à des artisans ou des petits fabricants qui n’ont jamais créé de marque pour leurs glaces. Jusque dans les années 90, beaucoup de glaces se vendaient en vrac. Ce sont des considérations sanitaires qui ont imposé aux fabricants d’emballer leurs produits, et donc d’y apposer une marque. Mais Pingouin était précurseur sur ce volet, ce qui fait que lorsque les autres marques ont commencé à exister, elle avait déjà 20 ans d’avance. Les marques se construisent avec le temps. Ce n’est pas une décision marketing. La consommation de glaces reste très faible au Maroc. Quel est le réel potentiel de développement du secteur et quels sont les freins à lever ? Sur un marché de glace mature, il s’avère que un litre sur deux est consommé à la
maison, en famille. Le reste est de l’impulse, consommé en général dans la rue. Au Maroc, la consommation de glace à domicile est très très faible, pour ne pas dire quasiment inexistante. Donc vous avez déjà tout un pan de consommation qui n’existe pas, parce que les ménages ne sont pas équipés, parce que les gens ne sont pas motorisés ou n’ont pas de sac isotherme et ne peuvent pas aller acheter une glace et la ramener à la maison. Aujourd’hui, c’est notre plus grand frein. Quant à l’impulse, c’est une consommation qui existe au Maroc, nous l’avons construite saison par saison, mais là on se heurte au pouvoir d’achat. Logistiquement aujourd’hui, nous sommes capables de livrer n’importe quel point de vente dans n’importe quelle ville du Maroc, mais la consommation, nous sommes en train de la construire. Pour vous donner un exemple, il y a 20 ans, la quasi-totalité des glaces étaient mangées à Casablanca sur la Corniche. Aujourd’hui on a construit un réseau, et dans les quartiers populaires de toutes les villes du Maroc, la glace est à moins de 100 mètres de la maison. C’est le résultat de plusieurs années de travail. N’oubliez pas que c’est une activité saisonnière et je dirais, entre guillemets, que nous avons une organisation de « moussem » : comme avant le moussem, quand l’été approche, on ramène les tentes, on les remonte et on vend ! Et on démonte à la fin de la saison… Nous avons toute une organisation nationale, avec des dépôts, des gens qui apportent des congélateurs : nous amenons tout ça à nos clients et ensuite nous récupérons le tout et nous faisons la maintenance. Donc le travail n’est pas continu sur l’année. Voilà donc les principaux freins : les infrastructures et les habitudes de consommation à la maison d’un côté et de l’autre le pouvoir d’achat. La glace reste un produit de plaisir, qui n’est pas considéré comme un produit de nutrition. A tort, car une glace est faite avec du lait, c’est un produit riche. Il n’y a pas de raison de donner un yaourt et pas une glace. C’est encore un frein psychologique. Sur les marchés matures, les gens savent ce qu’est une glace. Ici, si vous demandez à quelqu’un de quoi est fait un crème glacée, vous allez être très surpris par la réponse ! On ne fait pas le lien entre la glace et les matières premières qu’il y a dedans. Vous aviez lancé d’ailleurs une glace en forme de pot de yaourt. Oui, c’est dans cet objectif. Aujourd’hui, chez la ménagère, l’acte d’achat du yaourt pour ses enfants est automatique. En épousant la forme du yaourt, on facilite l’acte d’achat de glace. Vous avez innové en 2006 avec les glaces Al Aksa, aux parfums typiquement marocains. Quel est aujourd’hui votre bilan sur ce concept ? Tous nos actes marketing depuis 2006 ont été axés sur « comment faire entrer la glace à la maison ». Al Aksa répondait à un type de consommation festif. Ce n’est pas un produit qui va devenir un leader, mais un complément de gamme, une manière induite de dire à la ménagère qui a l’habitude de présenter des gâteaux marocains chez elle : « présentez une glace aussi ». C’est aussi une manière de lui donner la culture de la glace à domicile, et réussir cela passe par une multitude d’actions. La consommation de glaces évoluet-elle quand même ? Oui, elle évolue parce que l’équipement des ménages évolue, parce que les prix des produits de dessert concurrents évoluent : quand les pommes passent à 25 Dirhams, la glace, qui faisait office de dessert cher, devient meilleur marché. Et puis surtout on se heurte à un problème en basse saison : les volumes étant faibles, un certain nombre de points de vente arrêtent de distribuer des glaces. Mais la grande distribution, en ayant un rayon surgelés permanent, fait que l’offre est présente aujourd’hui toute l’année. Tout cela converge vers une croissance. Contrairement à ce que l’on croit, le plat cuisiné est une démarche pour faire entrer la glace à la maison. En effet, sous la même marque, le plat cuisiné nous permet d’offrir du chiffre d’affaires à nos distributeurs en hiver, ce qui va les inciter à garder un meuble froid toute l’année et habituer le consommateur à descendre chez l’épicier pour y trouver des pizzas, des pâtes surgelées et de la glace. Tous nos tests consommateurs montrent que parmi tous les achats qui arrivent à la maison au retour du supermarché, le premier produit qui disparaît est la glace. Donc le besoin, le marché est là. Mais nous luttons contre des freins psychologiques, d’organisation, logistiques. Le marché de la glace au Maroc est unijambiste. Quand nous aurons deux jambes, nous pourrons aller beaucoup plus vite. En attendant, nous avançons à cloche pied ! Vous avez donc lancé en 2008 une gamme de plats cuisinés, que vous venez d’étoffer encore cette année. Quels sont les premiers résultats ? Sur notre activité surgelés, nous avons 3 marchés complètement différents. Le premier est le food service : c’est le marché le plus évolué aujourd’hui, car pour des raisons économiques et de saisonnalité, les opérateurs ont l’habitude de travailler avec du surgelé. Ils en connaissent la valeur nutritionnelle et sanitaire. Nous opérons par de l’importation directe de produits basiques, comme par exemple les crevettes ou les frites. Au début, quand on proposait des frites surgelées à des restaurateurs, des snacks, ils comparaient le prix à celui des pommes de terre. Il a fallu des années pour leur expliquer que pour comparer les prix, il fallait regarder les pertes, le coût de fabrication, de cuisson, le stock d’avance… Et aujourd’hui, c’est un produit qui s’écoule par dizaines et dizaines de tonnes par client sur l’année. Le deuxième créneau est celui du plat cuisiné : c’est un produit surgelé dont la force est le faible temps de préparation. Une barquette de 400 g de lasagnes est prête en 8 minutes au micro-ondes. Si vous deviez préparer ces mêmes lasagnes, imaginez le temps qu’il faudrait ! Nous ne proposons pas aux gens des plats qu’ils ne savent pas faire, nous leur offrons un service à domicile, tout comme un livreur de pizza. Ensuite, le 3 ème marché est l’aide culinaire : c’est un produit intermédiaire car il y a des ménagères qui n’acceptent pas de prendre un produit tout prêt et de le donner à leur enfant. Donc on leur propose un produit qui, au lieu d’enlever tout le temps de préparation, en enlève les étapes les plus importantes. Par exemple, des boulettes de kefta assaisonnées précuites, que la ménagère va personnaliser avec un œuf, de la sauce… Nous n’avons rien inventé, nous avons analysé comment les marchés mûrs se sont construits et nous refaisons ici le chemin. On ne peut pas sauter d’étape. Il faut aller à la vitesse des changements consuméristes. Notre frein de développement est la capacité du consommateur à changer ses habitudes. Mais la vie active fait que cela va évoluer tout doucement. Selon vous, le consommateur marocain est donc prêt pour ce genre de produits ? FOOD MAGAZINE - N° 17 / Du 15 Déc. 2009 au 15 Jan. 2010 33
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