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Guy Nagel<br />
Se surveil<strong>le</strong>r ou punir<br />
Des dents avaient grincé à l’époque : certaines au nom de la rigueur de<br />
l’édifice pénal (cf. Alain Prothais), d’autres émues par la situation des<br />
victimes… Quoiqu’il en soit, <strong>le</strong> statu quo édifié avec <strong>le</strong>s associations<br />
allait tenir jusqu’à la moitié des années 2000. Au nom de la notion de<br />
responsabilité partagée (Je me protège / Je protège <strong>le</strong>s autres, ni victimes<br />
ni coupab<strong>le</strong>s juste malades), aucune qualification péna<strong>le</strong> ne pouvait<br />
être retenue. C’était la pierre angulaire de la prévention. Le moyen<br />
de limiter toute forme de stigmatisation et d’encourager tout un chacun<br />
à se faire dépister et à se protéger systématiquement lors de tout rapport<br />
sexuel. Le revirement effectué par <strong>le</strong>s juridictions répressives françaises<br />
n’est pas anodin. En effet, que restera-t-il de la responsabilité partagée<br />
si <strong>le</strong> juge pénal s’en mê<strong>le</strong> ? La pénalisation est el<strong>le</strong> possib<strong>le</strong> en l’état actuel<br />
des choses ou même souhaitab<strong>le</strong> ? Faut-il édicter un texte spécial ?<br />
La société gagne-t-el<strong>le</strong> à enfermer ces prévenu(e)s ? Autant d’interrogations<br />
liées à une problématique que l’on croyait pourtant dépassée…<br />
Pas de délit sans texte, pas d’infraction sans intention de la commettre<br />
Qualifier un fait d’infraction péna<strong>le</strong> suppose <strong>le</strong> plus souvent la réunion<br />
d’un doub<strong>le</strong> élément : conscience (Je sais que c’est mal) et intention<br />
(C’est ce que je veux) délictuel<strong>le</strong>s. A l’exception d’un certain nombre<br />
d’actes involontaires (notamment l’homicide involontaire) et des<br />
contraventions (qui contrairement aux crimes et aux délits ne supposent<br />
pas l’intention de commettre <strong>le</strong> comportement défectueux), tout délit<br />
suppose que son auteur l’ait voulu. A défaut, la juridiction ne pourra<br />
entrer en voie de condamnation et <strong>le</strong> prévenu ou l’accusé devra dès<br />
lors être relaxé, l’infraction n’ayant pu être constituée faute d’élément<br />
moral. C’est d’ail<strong>le</strong>urs au nom de ce principe fondateur, que la Cour de<br />
Cassation, en 1998, avait estimé qu’un séropositif poursuivi pour avoir<br />
contaminé ses partenaires suite à des relations sexuel<strong>le</strong>s non protégées<br />
ne pouvait être condamné pour empoisonnement : si il y avait eu bel et<br />
bien transmission d’un virus (la solution était déjà connue et acceptée<br />
en droit pénal), conscience du risque de transmission et des conséquences<br />
sur la vie et la santé de la victime, il avait été jugé qu’en raison<br />
du fait que l’accusé n’avait pas l’intention de contaminer autrui 12 , il<br />
1 Le prévenu ayant, vraisemblab<strong>le</strong>ment, recherché à avoir, tout simp<strong>le</strong>ment, des relations<br />
sexuel<strong>le</strong>s<br />
2 Il est à noter que l’arrêt de la Cour d’Appel de Rouen du 22 septembre 1999, qui était<br />
entré en voie de condamnation au même visa, soutenait que « l’atteinte corporel<strong>le</strong> n’a<br />
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