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Guy Nagel<br />
Se surveil<strong>le</strong>r ou punir<br />
l’heure, la voie de l’incrimination spécia<strong>le</strong> ne semb<strong>le</strong> pas être à l’agenda<br />
par<strong>le</strong>mentaire et nous ne pouvons que nous en féliciter. Néanmoins,<br />
d’autres pays se sont engouffrés sur cette voie. Il ressort d’une étude réalisée<br />
par <strong>le</strong> Sénat en 2005 1 qu’un certain nombre d’états se sont dotés<br />
d’une législation spécifique à l’instar du Danemark qui, depuis 2001,<br />
sanctionne <strong>le</strong> fait de prendre <strong>le</strong> risque de transmettre à autrui certaines<br />
affections (<strong>le</strong> sida étant la seu<strong>le</strong> actuel<strong>le</strong>ment concernée). La peine encourue<br />
est lourde et peut al<strong>le</strong>r jusqu’à 8 années d’emprisonnement. Par<br />
ail<strong>le</strong>urs, <strong>le</strong> Canada va encore plus loin 2 : la cour suprême estimant que<br />
« toute personne séropositive a l’obligation de divulguer sa séropositivité<br />
avant de s’adonner à une activité sexuel<strong>le</strong> qui comporte un risque<br />
important de contamination ». Cette obligation a même été étendue<br />
en 2003 aux personnes qui ont des doutes sur <strong>le</strong>ur séropositivité. Ces<br />
deux législations posent <strong>le</strong> même problème : qu’est ce qu’un rapport à<br />
risque ? Comment entendre in concreto cette formu<strong>le</strong> issue de l’esprit<br />
de juristes ? Si nous pouvons encore comprendre la législation danoise<br />
comme extensive (tout rapport susceptib<strong>le</strong> de contaminer autrui), la<br />
formulation canadienne est plus problématique : qu’est ce qu’un risque<br />
important ? Et au-delà de ça, comment prendre en compte <strong>le</strong>s spécificités<br />
de chacun ? Le Canada poursuivant éga<strong>le</strong>ment ceux qui auraient des<br />
doutes sur <strong>le</strong>ur sérologie, on peut très aisément imaginer une personne<br />
récemment séroconvertie, suite à un rapport non protégé, s’engageant<br />
dans d’autres rapports tout aussi peu protégés, et ignorant son statut sérologique.<br />
Médica<strong>le</strong>ment, <strong>le</strong> risque de contaminer autrui est nettement<br />
plus important dans la période suivant directement la séroconversion :<br />
étant plus « contaminantes », <strong>le</strong>s personnes placées dans cette situation<br />
seraient el<strong>le</strong>s plus coupab<strong>le</strong>s en dépit de <strong>le</strong>ur ignorance légitime de <strong>le</strong>ur<br />
statut sérologique ? La Suède, quant à el<strong>le</strong>, a suivi <strong>le</strong> même chemin :<br />
« dans ce pays, toute personne séropositive est obligée de révé<strong>le</strong>r son<br />
statut avant un rapport sexuel, qu’il soit protégé ou non, sous peine<br />
de poursuites 3 ». En Suisse la situation est légèrement différente : une<br />
personne vivant avec <strong>le</strong> VIH peut être poursuivie et condamnée pour<br />
avoir entretenu des rapports non protégés même si <strong>le</strong> partenaire sexuel<br />
était consentant et informé de son statut sérologique. Ce n’est au fond<br />
que l’application du principe, connu éga<strong>le</strong>ment en droit pénal français,<br />
1 Sénat, Etude de législation comparée n°151, octobre 2005, « <strong>le</strong> traitement pénal de<br />
la transmission du sida par voie sexuel<strong>le</strong> »<br />
2 « Canada : photo à la une », M. Lang<strong>le</strong>t, Le Journal du SIDA, n°198, août 2007<br />
3 « La pénalisation en vitesse accélérée », M. Lang<strong>le</strong>t, Le Journal du SIDA, n°198,<br />
août 2007<br />
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