Correcteurs de meunerie - FOOD MAGAZINE

l’INTERVIEW
« Les opérateurs
marocains n’ont plus la
capacité à vendre du goût »
Food Magazine
L’étude McKinsey a identifié le
secteur agroalimentaire comme
l’une des branches les plus
porteuses pour les années à
venir. Cependant, personne ne
sait exactement ce que prévoit
cette étude pour le secteur. Elle
préconise quelle contribution de
l’Etat par exemple ?
Hakim Marrakchi
McKinsey est une étude qui a tout
simplement identifié les secteurs pour
lesquels le Maroc peut avoir une politique
volontariste, payante à long terme.
L’étude n’a pas définit un plan stricto
sensu pour le développement de l’agroindustrie.
Elle a développé des exemples
de mesures qui pourraient être prises,
à même de favoriser l’émergence de
certaines filières et plus particulièrement
celles de la transformation des fruits et
légumes, de l’oléiculture et de la pêche.
Sachant que ce qui est applicable à ces
sous-filières est transposable sur les
autres.
Cependant des recommandations
ont été émises.
Peut-on savoir lesquelles ?
Ecoutez, pour pouvoir atteindre un
certain niveau de différenciation, il faut
tendre vers le développement de marques
et cela signifie également qu’il y a un
marché intérieur dynamique contrôlé,
surveillé et normalisé. Ce sont les types
de mesures qui sont préconisés par
McKinsey. Elles ont fait leurs preuves
ailleurs dans le monde, il n’y a pas de
raison que ce ne soit pas le cas chez nous.
Il est évident, vu sous cette angle, que
l’effort à fournir est considérable. Ceci
pour la simple raison qu’au Maroc,
le secteur de l’agro-industrie est peu
normalisé, que les contrôles s’effectuent
seulement sur les lieux de production
qui sont identifiés et que le contrôle aux
frontières se fait selon des méthodes et
principes hérités d’une autre époque, peu
adaptés au contexte de la mondialisation
et du libre-échange que nous vivons
actuellement. De plus, les professionnels
ne sont pas associés aux dispositifs de
surveillance alors qu’ils ont une expertise
certaine à faire prévaloir. Ces facteurs
pénalisent lourdement les producteurs
locaux.
L’accès à la matière première dans des
conditions de prix et de volume adéquats
est un autre préalable auquel il faut
ajouter la nécessaire organisation des
ressources.
Le secteur souffre également d’un
manque flagrant en matière de
ressources humaines qualifiées.
Comment les industriels vivent-ils
cette situation ?
Très mal. L’agro-industrie est le seul
secteur identifié par le plan Emergence
Hakim Marrakchi
Etroit, éclaté et peu normalisé, le marché local offre de moins en moins de possibilités
aux agro-industriels en filigrane de l’exacerbation de la concurrence notamment. Ces
derniers manquent de visibilité et subissent les retombées de certaines décisions
hasardeuses prises par les pouvoirs publics notamment en matière de libre-échange.
Hakim Marrakchi, Président de la Fédération Nationale de l’Agroalimentaire, livre le
sentiment des industriels du secteur.
qui soit à même d’employer une
main d’œuvre peu qualifiée. Mais le
niveau d’emploi est lié aussi au niveau
d’encadrement. Dans les faits, un
cadre supérieur ou moyen encadre
une soixantaine d’employés. Et donc
l’impact de ce secteur est beaucoup
plus important que les autres secteurs
considérés en matière de création de
l’emploi. Et puisque le pays dispose d’une
importante main d’œuvre peu qualifiée,
toute stratégie de développement
passe inéluctablement par le secteur
agroalimentaire. Or, aujourd’hui on
constate une inflation au niveau des
salaires des cadres qui est en notre
défaveur. Les autres secteurs ont la
possibilité d’opérer en off-shoring
bénéficiant au passage d’importants
rabais fiscaux qui leur permettent de
puiser dans notre réservoir de cadres.
En matière de recherche et de
R&D, la branche s’est dotée d’un
centre technique. Aujourd’hui
peut-on mesurer son impact sur
l’activité et son développement ?
Pour qu’on puisse faire de la R&D
d’une manière pérenne, nous avons
besoin de mettre en place un cadre
adéquat en matière de normalisation, de
réglementation et de contrôle du marché.
Nous avons mis en place des laboratoires
d’essais au niveau du CETIA pour nous
permettre justement de nous positionner
en tant que force de suggestion pour
FOOD MAGAZINE - N° 1 / JUIN 2008 23