03.03.2014 Views

M - Institut français de l'éducation

M - Institut français de l'éducation

M - Institut français de l'éducation

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

176 JOURNAL DES INSTITUTEURS ET DES INSTITUTRICES —P-. W déc. 38<br />

•<strong>de</strong> son idéal <strong>de</strong> pureté, le trompait avec un artiste<br />

raté qui jouait du violon dans les brasseries et<br />

était un peu ivrogne et déjà vieux, elle ne lui<br />

inspira plus que du dégoût, une sorte d'insurmontable<br />

Tépulsion presque physique. Il ne put même<br />

plus la regar<strong>de</strong>r. Et, s'il la garda par" pitié, il<br />

cherchait à l'éviter. Mais elle essayait <strong>de</strong> réveiller<br />

son amour, elle s'attachait à ses pas, s'imposait<br />

sans cesse à lui. Quand elle s'est jetée sur sa poitrine,<br />

dans la barque, ce contact, son haleine ont<br />

déclenché en lui une vague'irrésistible d'humeur<br />

et <strong>de</strong> haine...<br />

Pourtant, dans sa nouvelle vie, il ne cherche pas<br />

à se punir par la souffrance <strong>de</strong> cet acte mortel<br />

dont il ne sait encore s'iliut volontaire. ILcherche<br />

le bonheur. . i .<br />

« Il se cache, s'écrie-t-il, au bout d'un chemin mal<br />

tracé et qui n'est jamais le même pour <strong>de</strong>ux d'entre<br />

nous. A sa recherche, on tâtonne, on erre, on perd pied,<br />

on souffre tant et plus, sans même avoir le droit <strong>de</strong> se<br />

complaire dans cette souffrance. Et, pourtant, on n'a<br />

rien <strong>de</strong> mieux à faire sur la terre, j'en suis BÛT : ôhercher<br />

le bonheur, pas le plaisir, tu comprends, le complet épanouissement<br />

<strong>de</strong> l'être, sa plénitu<strong>de</strong>, la fleur <strong>de</strong> l'arbre et<br />

le divin rayon 1 »<br />

Philosophie un peu confuse peut-être, et qui se<br />

rattache par <strong>de</strong>s liens assez lâches aux événements<br />

précé<strong>de</strong>nts. Toutefois, Frédéric entend continuer<br />

« sa marche vers cette âme qu'il appelait :<br />

pureté, bonheur ou plénitu<strong>de</strong> selon les jours, sans<br />

qu'aucun nous puisse jamais exprimer son éternel<br />

et merveilleux attrait ».<br />

C'est pourquoi, repoussant les avances <strong>de</strong> la<br />

Louchotte, qui rêve <strong>de</strong> l'épouser, il déci<strong>de</strong> brusquement<br />

d'aller passer l'été à l'Alpe — au habert<br />

<strong>de</strong> Marcien, au-<strong>de</strong>ssus du Haut-du-Seuil — avec<br />

les troupeaux, comme berger. Désormais, c'est par<br />

les notations d'un carnet qu'il se met à rédiger<br />

— sorte <strong>de</strong> journal <strong>de</strong> sa vie — que nous connaissons<br />

son évolution morale en même temps que<br />

sa vie parmi les êtres simples qui l'accompagnent.<br />

Il se sent, au début, encore mal guéri. « Je suis un<br />

homme touché, écrit-il, et je crois que mes compagnons<br />

l'ont compris obscurément. » Mais, à la<br />

fin <strong>de</strong> l'été, il s'estime revenu au calme intérieur.<br />

« Autrefois, je ne me trouvais bien nulle part. J'avais<br />

sans cesse le besoin <strong>de</strong> fuir, <strong>de</strong> m'éva<strong>de</strong>r, mais ce besoin,<br />

je l'ai dépassé ; désormais, je crois porter en moi-même<br />

ma propre paix. Cependant une inquiétu<strong>de</strong> parfois me<br />

traverse : le sentiment que tout est accompli et que j'ai<br />

connu te meilleur. Comme ce qui vit ne peut pas stagner,<br />

vers quels chemins <strong>de</strong>vrai-je à l'avenir porter mes pas ! »<br />

Ce problème n'aura pas à être résolu, car un<br />

court épilogue nous apprend que, pendant un<br />

terrible orage qui éclate sur l'Alpe, Frédéric sort<br />

•du chalet malgré la défense <strong>de</strong>s montagnards pour<br />

aller mettre le troupeau en sûreté, et, frappé par<br />

la foudre, meurt carbonisé.<br />

EN déçit d'une action simple « chargée <strong>de</strong> peu<br />

<strong>de</strong> matière », l'intérêt ne faiblit pas au long<br />

du récit <strong>de</strong> M m e Claire Sainte-Soline, L'analyse<br />

•<strong>de</strong>s sentiments <strong>de</strong> Frédéric Houssais est parfois un<br />

peu subtile, flottante même, et la philosophie à<br />

laquelle il parvient n'est sans doute pas à la portée<br />

<strong>de</strong> tous, et n'a pasla chaleur et la force d'épanouissement<br />

qui emporteraient notre adhésion. Mais<br />

la voie qu'il suit vers la délivrance, les tentations<br />

qui l'assaillent, les crises qu'il traverse, les<br />

efforts qu'il fait pour s'éva<strong>de</strong>r, la sérénité un çeu<br />

triste qu'il conquiert en chargeant la vie <strong>de</strong> guérir<br />

le mal qu'elle lui a fait, cette ascension vers une<br />

vie entièrement dépouillée <strong>de</strong> tout ce qui n'est<br />

pas essentiel captive le lecteur. Il retrouve, en<br />

Frédéric Houssais, ce goût <strong>de</strong> la difficulté, ce<br />

dédain <strong>de</strong>s solutions faciles, cette recherche d'un<br />

bonheur inaccessible au commun et cette peine à<br />

être heureux que l'on discerne souvent chez <strong>de</strong>s<br />

protestants ayant perdu leur croyance, mais qui<br />

ne se sont pas défaits <strong>de</strong>s scrupules moraux, <strong>de</strong><br />

l'horreur du péché, d'une conception puritaine<br />

<strong>de</strong> la vie.<br />

Quelques pages où se retrouvent <strong>de</strong> discrètes<br />

manifestations freudiennes, d'autres, d'un symbolisme<br />

étrange, comme l'invasion <strong>de</strong>s crapauds<br />

sur la route suivie par l'automobile entre Grenoble<br />

et le lac d'Aiguebelette, ajoutent à la richesse du<br />

roman. Mais c'est au cadre que M m e<br />

Claire<br />

Sainte-Soline attache une importance particulière.<br />

Elle se plaît à évoquer les eaux et les bois <strong>de</strong><br />

la Gran<strong>de</strong>-Chartreuse, ses villages et ses alpages.<br />

Ici, c'est le lac d'Aiguebelette :<br />

La nuit avait faiblement pâli ; mais aucune couleur<br />

n'était encore apparue. Le mon<strong>de</strong> était gris d'un bord<br />

<strong>de</strong> l'horizon à l'autre. Non pas d'un gris uniforme, mais<br />

<strong>de</strong> plusieurs nuances <strong>de</strong> gris : le plus blanc, inconsistant,<br />

décelait le lac et les terres basses ; celui auquel une<br />

p.ointe <strong>de</strong> bleu était mêlée venait <strong>de</strong>s collines, et l'autre,<br />

à l'opposé, plus lourd, plus plombé, appartenait à la<br />

gran<strong>de</strong> montagne dont le sommet se profilait sur un ciel<br />

qui ne <strong>de</strong>mandait qu'à se réchauffer <strong>de</strong> rose.<br />

Ailleurs, c'est la montagne au printemps dans<br />

le massif <strong>de</strong> la Chartreuse, l'arrivée au pâturage<br />

« avec ses entonnoirs recouverts d'herbe courte<br />

et toute fleurie, ses éboulis <strong>de</strong> pierres, ses chaos<br />

<strong>de</strong> roches, ses sapins maigres souvent calcinés par<br />

la foudre... » Le livre est une saisissante évocation<br />

<strong>de</strong> la montagne et <strong>de</strong> la vie près <strong>de</strong>s cimes, et<br />

l'atmosphère où il baigne n'est pas le moindre<br />

intérêt <strong>de</strong> cet attachant récit.<br />

PIERRE-L.<br />

BIBLIOGRAPHIE<br />

MAZEYDAT.<br />

MARGUERITE JOUVE : Vanner le vent... (Flammarion;<br />

16 fr.).<br />

Voici, avec Vanner le vent..., le roman <strong>de</strong> 'notre jeunesse<br />

inquiète. Non plus cette (tendre adolescence malléable,<br />

mais la Jeunesse en action qui gar<strong>de</strong>, au milieu<br />

<strong>de</strong>s compromissions du siècle, sa soif d'absolu.<br />

Bourgeois cultivé, le héros <strong>de</strong> ce livre prend cruellement<br />

conscience <strong>de</strong> l'univers dans lequel il évolue, univers<br />

<strong>de</strong> mots et <strong>de</strong> formules ; les théories masquent les<br />

faits, les dogmes escamotent les individus et, • dans ce<br />

flot <strong>de</strong> salive, la réalité fond comme du sucre >.<br />

Cette œuvre passe comme une brûlante avalanche sur<br />

bien <strong>de</strong>s préjugés. Désespoir ? Oui, certes... Mais il y a<br />

toujours chez Marguerite Jouve un accent <strong>de</strong> fraternité<br />

humaine qui implique au fond une secrète espérance.<br />

LESLIE CHARTERIS : Le Saint à New-York, trad.<strong>de</strong> l'angl.<br />

par E. MICHEL-TYL (Fayard ; 10 fr.).<br />

Après une brillante série d'exploits dans son pays<br />

natal, un jeune aventurier anglais, Simon Templar, dit<br />

« Le Saint •, accepte <strong>de</strong> se rendre à New-York pour tenter<br />

<strong>de</strong> débarrasser la gran<strong>de</strong> cité américaine <strong>de</strong>s bandits<br />

qui la terrorisent.<br />

Le héros <strong>de</strong> Leàlle Charteris est déjà connu du public<br />

<strong>français</strong>, dont il a immédiatement conquisla faveur. C'est<br />

que le Saint joint au flegme et à la ténacité britanniques<br />

un vif amour du panache, un profond sentiment <strong>de</strong> la<br />

justice et une témérité gouailleuse qui l'apparentent aux<br />

héros les plus populaires <strong>de</strong> l'aventure <strong>français</strong>e classique<br />

et mo<strong>de</strong>rne.<br />

COURTHS-MAHLÏR : Mon cœur, réveille-toi t Traduction<br />

<strong>de</strong> Nathalie Gara (Flammarion ; 16 francs).<br />

Courths-Mahler poursuit sa carrière ; elle réalise ce<br />

rêve heureux qu'ont formé tant d'écrivains, celui <strong>de</strong><br />

distraire, sans le choquer, sans le décevoir, un large public.<br />

L'héroïne <strong>de</strong> Mon cœur, réveille-toi ! qui nous est<br />

présentée aujourd'hui, ne déparera pas la plus fraîche<br />

galerie <strong>de</strong> portraits <strong>de</strong> femmes.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!