Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

Et ~Jr~JJßt(SUITE)
Mahabad (contre /'Irak et les M. Ghassemlou d'être le Barzani
Kurdes d'Iran) ont été un échec (des années 74-75) des Kurdes
tOlal. L'armée iranienne se désagrège.
Des dizaines d'officiers PD KI s'en défend avec véhé-
d'Iran? Le secrétaire général du
désertellt et rejoignent les rangs mence, lui qui écrivait en 1977 :
du PDKI, ou passeIlt en Irak, car «La triste fin du mouvement
ils ne veulent pas défendre le pouvoir
des mollahs. Ce n'est pas est dangereux, sinon tragique, de
dirigé par Barzani montre qu'il
parce que le régime de Khomeiny faire du machiavélisme le credo
est fort qu'il dure, c'est parce de la lutte politique et de sacrifier
les principes mêmes de la
qu'il n'y a pas de forces de remplacemellt.
» Ce langage est à peu libération nationale à des avantages
tactiques éphémères (4).»
près le même que celui 'que nous
avait tenu quelques jours plus tÔ! Alors que les bureaux politiques
des ~rands partis de l'opposi-
M. Ibrahim Alizadeh, c'est celuI
de tous les opposants iraniens. tion iramenne : PDKI, Komala,
Cependant, à la différence du mais aussi Moudjahidine Knalq,
Komala et des Fedayine Khalqminorité
(autre groupe marxisteléniniste
présent au Kurdistan), le
PDKI pense que le conseil national
de la Résistance (3) est la
seule alternative démocratique au
régime de Khomeiny. Les Moudjahidine
Khal'} (du peuple),
musulmans chiites .. progressistes
», sont, avec le PDKI, la
principale composante du CNR
que M. Bani Sadr a quitté en
avril 1984. Cette association est
violemment reprochée à leur allié
'par le Komala et les Fcdayine. Le
PDKI n'en a cure, estimant que
les Moudjahidine sont la seule
force politique crédible en Iran, et
qui plus est, la première organisation
iranienne à accepter un programme
d'autonomie pour tous
les peuples d'Iran.
ccDu mime caté
de la barricade »
Tous ces mouvements iraniens
se retrouvent aujourd'hui alliés à
l'Irak, premier et seul pays à avoir
créé une région autonome au Kurdistan.
Cette région autonome
serait-elle devenue le lieu de
convergence d,~!' autonomistes
kurdes (tout au moins ceux d'Irak
et d'Iran) ou est-elle le théâtre, à
dix ans d'intervalle, d'une répétition
de l'histoire, comme le pensent
certains observateurs étran-
'gers qui I:' ,soupçonnent
Fedayine Khalq-minorité sont
retranchés à la frontière iranoirakienne
et que les peshmergas
utilisent exclusivement l'Irak
comme voie de passage vers
l'étranger, M. Ghassemlou ne se
considère pas comme l'otage du
gouvernement de Bagdad: «Si
vous regardez une carte du Kurdistan,
vous comprenez que nous
sommes géopolitiquement encer-"
clés. Géographiquement, parce
que nous n'avons pas d'accês à la
.mer. Politiquement, parce que les
pays environnants ,n'ont guère
d'amitié pour les Kurdes (et c'est
le moins qu'on puisse dire pour la
République turque). Si un Etat
nous permet d'avoil' sans condition
pl'éalable un passage vel'S
l'extél'ieul', nous acceptons une
telle coopél'ation. C'est ce qui se
passe avec le gouvemement il'akien.
Nous - Kurdes et gouvernement
irakien - sommes en gue,.,.e
contre le régime de Khomei/lY.
Nous nous tl'ouvons concrètement
du même côté de la barl'icade,
mais nous ne combattons pas. le
régime de Khomeiny pOUf' le'
compte du gouvérnement irakien:
notre combat a commencé bien
avant la guerre irano-il'akienne.
Néanmoins, notre lutte con.vtitue
U/le aide four le gouvernement
irak/en. I y a donc coopératio/1
de fait que /lOUSestimons légitime,
puisque le mouvement de
libération du peuple kurde en
Iran s'en trouvefavol'isé. Nous ne
feron.v jamais ce qu'a fait Mustafa
Barzani à plusieurs reprises,
et ce que follt à présent ses fils
Massoud et Idriss, une alliance
avec un gouvernement étranger,
qui nuirait au peuple kurde.
Ainsi, notre alliance avec l'Irak
n'est pas tournée contre les
Kurdes d'Irak.» Les dirigeants
du Komala, moins soupçonnés de
dépendre de Bagdad, font la
même analyse.
« Notre espoir est en Irak ))
Les autorités irakiennes, quant
à elles, affirment aider les Kurdes
d'Iran parce que leur lutte, qui a
pour but la reconnaissance par
l'Iran des droits que l'Irak a
reconnus à ses Kurdes, est légitime.
M. Hachem Aqrawi, ministre
d'Etat, secrétaire général du
PDK progouvernemental, nous
dit : «Nous avons obtenu ce
pourquoi nous nous battions :
l'autonomie, et nous souhaitons
que les Kurdes d'Iran et de Turquie
aient les mêmes dl'oits que
nous. JI est vrai que, pOUl' le
moment, les grands projets sont
décidés à Bagdad, mais, dans.
l'avenir, la région autonome aura
de plus en plus de pouvoil'. JI n'en
l'este pas moins que la mi$e en
valeur d'un fleuve dépasse le
cadre étroit d'une l'égion. Notre
expérience est originale. POlll' la
première fois, il y a un espoir
pour les Kurdes, et c'est en lI'ak.
Avec le stylo et l'éducation, nous
nous développons, et c'est là
flotre victoire. »
L'Irak de 1984 n'est pas J'Iran
de 1975. 'La région BUlOll0me,
telle qu'elle est, existe bel et bien,
et les responsables kurdes d'Erbil,
Soleymanieh, Duhok ou Bagdad
ne sont pas des fantoches, Ils sont
là en tant que Kurdes. Et leurs
frères d'Iran ne craignent< pas
qu'ùn accord Iran-Irak se .fasse
sur leur dos. car ils comptent
d'abord sur leurs propres forces.
L'appui qu'ils trouvent en lra,k
reste marginal, les peshmergas
utilisent surtout des armes individuelles
disponibles sur le vaste
"marché du Kalachnikov» du
Moyen-Orient. De plus, s'ils ont
l'appui de l'Irak, ils ont aussi celui
de la principale organisation
kurde d'Irak qui est "en train de
négocier avec Bagdad. L'association
bipolaire traditionnelle d'un
mouvement kurde avec le gouvernement
central du pays voisin est
remplacée par celle d'un gouvernement
central (Irak) et du mouvement
kurde du pays voisin dans
sa grande majorité (PDKI,
Komala) , allié à un des mouvements
kurdes d'Irak (UPK).
Ainsi, un renversement brutal
d'alliances, comparable à J'accord
d'Alger de mars 1975, ne conduirait
pas le mouvement nationaliste
kurde d'Iran à la catastrophe.
En ce .sens, l'optimisme des
dirigeants kurdes d'Iran n'est sans
doute pas injustifié.
CHRISTIANE MORE.
(Auteur de les Kurdes
aujourd'hui.
Mouvement national
et par/is politiques.
, Ed. L'Harmattan, Paris.
A paraClre en novembre.)
(1) Le Parti communiste d'Iran a ét~
créé en septembre 1983 par le regroupement
de plusieurs organisation~
marxistes-léninistes. en opposition au'
Toudeh prosoviétique. Il est dirigé par
un des fondateurs du Komala en 1969 :
M. Abdullah Mohtadeh, Kurde originaire
de Bokan.
(2) Le Parti communiste irakien, qui
fut un parti puissant et bien organisé, a
du mal à assumer ses contradictions :
parti prosoviétique, il lulle militairement
contre un $ouvernement soutenu
par l'Union soviétique,
(3) Le CNR a été créé en octobre
1981 à l'initiative de M. Massoud Radjavi,
chef des Moudjahidine du peuple
et de M. Bani Sadr. ancien président de
la République d'Iran en exil, pour
constituer, à la chute de Khomeiny, un
gouvernement provisoire de la République
d'Iran et organiser des élections. Le
PDK y a adhéré le 27 octobre 1981.
(4) Dans Les Kurqes,etle Kurdistan
(Petite collection MaspeI~) ".
Un entretien avec M. Massoud Barzani
L'adversaire irréduc~ible ~e Bagdad
M. Massoud Barzapi, chef
du Parti démocratique du Kurdistan
assume avec son frère
Idriss ' le lourd héritage de la
succession de son père, le générai
Barzani, le prestigieux et
charismatique dirigeant du
Kurdistan irakien décédé en
1979.
Souvent accusé par ses
~détracteurs de s'être inféodé au
régime de Khomeiny, M. Mas-
: soud Barzani affirme que son
, alliance avec Téhéran est
; conjoncturelle et a pour objec-
I tif le renversement du régim,
de Saddam Hussein qui repré:'
sente à ses yeux le principal.
adversaire du mouvement kurde
en Irak.
C'est d'ailleurs son opposition
irréductible aux négociations
qui se déroulent depuis
près d'un an..entre Baedad et
son rival de toujours, M. Jalal
Talabani, qui, pour sa part, a
choisi, .de composer avec le
régime baasiste, qui a empêché
jusqu'à présent ces entretiens
d'aboutir,
Quelque part au Proche-
Orient. L'homme est Jeune, la
stature solide, les traits réguliers.
Refusant l'enregistrement de ses
propos, il parle plus d'une heure
durant, en arabe, et parfois dans
un anglais lent et précis. D'abord
réservé, presque conventionnel, il
affirme ensuite ses convictions
clairement. et sans fioritures.
M. Massoud Barzani, un des
trois fils du héros de la résistance
kurde (PDK) et fédérateur de
l'opposition irakienne. A moins
de quarante ans. il assume un
lourd héritage, à la fois chef charismatique,
descendant d'une
grande famille kurde qui suscite
un vif attachement populaire, et
responsable, selon lui, du prIncipal
parti politique kurde d'Irak.
rismatique, descendant d'une
grande famille kurde qui suscite
un vif attachement populaire, et
responsable, selon lui, du principal
parti politique kurde d'Irak.
M. Massoud Barzani tient à rappeler
que, déjà à l'époque de son
père Mustafa, les décisions du
PDK étaient prises collectivement,
en particulier par le
bureau politique. C'est donc lui
qui est principalement responsable
de la lutte, de ses succès
passés, de ses erreurs aussi : les
choix de 1972 (accepter l'aide
militaire du chah) et de 1975
(faire retraite vers l'Iran après
l'accord d'Alger), en particulier.
~
Cet h~ritage est «douloureux et
omPlexe », et la situation
actuelle est encore compliquée
par les développements de la
uerre irako-iranienne et les
mgérences ~tra~gères, croissantes
dans la région.
Aujourd'hui, les Kurdes tirent
les leçons du passé: ils comptent
d'abord et surtout sur euxmêmes
et se défient « des pièges
et des complots impérialistes JO.
Evoquant l'enlèvement par son
parti de trois experts français au
Kurdistan en décembre dernier,
M. Massoud Barzani condamne
l'attitude de la France, «qui
cherche à consolider le l'égime
de Saddam (Hussein) » en
contradiction avec les idéaux démocratiques
et socialistes, pour
sauvegarder ses intérêts écon