., LIBERA nON (SUITE) régime <strong>de</strong> Bagdad « incapable d'assurer lui-même le contrôle <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te zone ». De plus, le PDK d'Irak entr<strong>et</strong>ient <strong>de</strong>s relations suivies avec la République islamique <strong>et</strong> bénéficie <strong>de</strong> SO!! ,~outien matériel. Ainsi, la principale faiblesse du mouvement kur<strong>de</strong> - sa dispersion sur plusieurs pays - risque paradoxalement <strong>de</strong> représenter, au moment <strong>de</strong> 1'« Opération Soleil », un avantage relatif. 20.10.1984 Kur<strong>de</strong>s: p~;~ières ombres sur
LIBERA TION . (S UITE) ché en vain <strong>de</strong>s toil<strong>et</strong>tes. Apprenant que les paysans utilisaient la rivière pour toute salle <strong>de</strong> bain, le capitaine scandalisé, a pris <strong>de</strong>s mesures énergiques : I( Je vous donne 15 jours pour construire un endroit clos <strong>de</strong>vant chaque maison. Si vous ne le faites pas, votre muktar (chef <strong>de</strong> village) sera puni. Il Mais les I( mehm<strong>et</strong>cik », comme les surnomme la presse turque avec une fierté attendrie, n'ont pas débarqué en force dans ce Far East du Kurdistan turc pour faire l'éducation sanitaire <strong>de</strong>s villageois. Leur opération <strong>de</strong> chasse aux séparatistes marxistes léninistes du PKK (Parti <strong>de</strong>s travailleurs kur<strong>de</strong>s) a pris l'allure d'une véritable guerre contre la population accusée <strong>de</strong> coopérer avec les « terroristes ». Hakkari, capitale <strong>de</strong> la province frcmtalière avec l'Iran <strong>et</strong> l'Irak, prisonnière <strong>de</strong> pics rocailleux <strong>et</strong> enneigés, s'est transformée en garnison. De I 000 avant l'opération, les soldats sont maintenant 3 000, selon l'estimation d'un avocat, soit I pour 7 habitants. Ils sont partout, inévitables : dans les rues, pataugeant dans la boue,à la poste, expédiant, l'arme en bandoulière, une l<strong>et</strong>tre à leur famille <strong>de</strong> 1'« Ouest» (aucun <strong>de</strong>s appelés envoyés iei n'est originaire <strong>de</strong> l'Est kur<strong>de</strong>), sur les routes contrôlant I('s véhieules ou encore parqués dans <strong>de</strong>s camions rouges couverts d'enluminures réquisitionnés pour l'occasion comme transport <strong>de</strong> troupes. Prise par le mauvais temps, l'armée précipite les opérations. A défaut d'une intervention d'envergure contre les séparatistes r<strong>et</strong>ranchés en Irak, les militaires ont entrepris un ratissage accéléré <strong>de</strong>s villages, dans une zone a reproché un capitaine comme si ces . paysans kur<strong>de</strong>s en chal var, casqu<strong>et</strong>te: <strong>de</strong> 120 kilomètres le long <strong>de</strong> la frontière baptisée « opération soleil ». <strong>et</strong> sabots, étaient coupables <strong>de</strong> leur dénuement. Que Bagdad ait donné son accord Dans ce village sans eau ni électricité, où l'on n'a jamais aperçu l'om- du PKK <strong>et</strong> <strong>de</strong>s peshmergas <strong>de</strong> Mas- pour une attaque turque <strong>de</strong>s troupes bre d'une télévision, d'une radio ou d'un journal, les militaires ont cher. soud Barzani en territoire irakien, personne ne s'en émeut vraiment à Hakkari. Recroquevillés sur leur haine <strong>de</strong>s militaires turcs, les gens subissent avec angoisse les incursions armées dans leurs villages <strong>et</strong> dans leur mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vie. I( Ils sont arrivés en hélicopt~re <strong>et</strong> ils ont rassemblé les hommes dans un camp », raconte un vieux, la tête enserrée dans un foulard noir <strong>et</strong> blanc. Son village, Kazan, à 30 kilomètres <strong>de</strong> Cukurca, la ville frontalière, est quasiment inaccessible. Il compte 43 familles. I( Ils nous ont alignés, les mains sur la t<strong>et</strong>e comme <strong>de</strong>s bandits, ils nous ont fouillés ainsi que nos maisons. Ils ont arr~té 10 hommes au hasard <strong>et</strong> les ont emmenés à Hakkari, ligotés dans un camion», ajoute-t-i1. Sur les, dix, huit dont son fils étaient hier toujours en détention, S jours après le ratissage. Pâle, les yeux légèrement tuméfiés,un ouvrier agricole <strong>de</strong> Isikli porte son effroi sur la figure. Libéré mercredi après 20 jours à la garnison militaire d'Hakkari, il n'ose pas r<strong>et</strong>ourner dans son village car, démuni <strong>de</strong>s papiers d'i<strong>de</strong>ntitié comme la plupart <strong>de</strong>s paysans, il craint une nouvelle arrestation. Il ne sait ni lire ni écrire ne connait pas sa date <strong>de</strong> naissance <strong>et</strong> ne parle qu'à peine le turc. Par. <strong>de</strong>ssus tout, il ne comprend pas pourquoi il a été arrêté. Tremblant, il raconte: I( D'abord, ils m'ont rasé les çheveux, puis ils m'ont j<strong>et</strong>é dans un cachot tout seul. De temps en temps, ils me donnaient un peu d'eau <strong>et</strong> un bout <strong>de</strong> pain. Pour les interrogatoires, ils me bandaient les yeux. Ils étaient <strong>de</strong>ux, un interpr~te qui parlait en kur<strong>de</strong> <strong>et</strong> un autre qui me frappait avec sa matraque. Ils posaient toujours les memes questions: I( qui sOnt les Apocular (surnom <strong>de</strong>s militants du PKK) ? où se cachentils ? » A la fin, j'ai signé un papier <strong>et</strong> ils m'ont relliché. Je ne sais pas ce que j'ai signé, j'avais les yeux bandés. Comme je ne sais pas écrire ils m'ont tenu la main. » , Selon le Premier ministre Turgut Ozal, 1 71S personnes ont été interpellées, <strong>de</strong>puis le début à la mi-aoOt, <strong>de</strong>s opérations « anti-terroristes » dans l'Est. 696 ont été relâchées alors que 692 ont été déférées <strong>de</strong>vant les tribunaux <strong>de</strong> l'état <strong>de</strong> siège. 138 criminels <strong>de</strong> droit commu" ou trafiquants capturés inci<strong>de</strong>mment vont passer <strong>de</strong>vant la justice civile. Les au.tres sont toujours sous interrogatOITe. Annonçant ces chiffres, M. Ozal a ajouté: « Nous <strong>de</strong>vons rester calmes, l'Etat ne doit pas utiliser les métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s terroristes. » Une mise au point plus que nécessaire. Selon <strong>de</strong>s témoignages, même <strong>de</strong>s femmes ont été battues ou insultées lors du ratissage. Plusieurs paysans ne comprenant pas le turc aurait été tués la nuit sur <strong>de</strong>s chemins par <strong>de</strong>s soldats affolés les prenant pour <strong>de</strong>s militants. Tuzluca, un village considéré comme rebelle où l'armée n'entrait pas avant les oPérations, a été totalement déporté. Le simple fait <strong>de</strong> possé<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s stocks <strong>de</strong> chaussures, <strong>de</strong> vêtements ou <strong>de</strong> nourriture vaut d'être considéré comme suspect <strong>de</strong> coopération avec les séparatistes. Or dans ces villages frontaliers reculés, les paysans pour survivre, se sont toujours livrés aux trafies <strong>de</strong> bétail ou <strong>de</strong> marchandises vers l'Iran ou vers l'Irak. Pour faire cesser ces infiltrations <strong>et</strong> « affamer» les séparatistes qui se ravitaillaient dans les villages, les autorités militaires ont imposé un rationnement draconien. Alors que les paysans viennent habituellement à c<strong>et</strong>te époque, chercher leur nourriture <strong>de</strong> base à Hakkari pour tout l'hiver, les quantités autorisées sont <strong>de</strong>puis un mois sévèrement limitées. « A vont tout achat en gros, il faut obtenir l'autorisation du comman<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> l'état <strong>de</strong> si~ge qui établit les besoins <strong>de</strong>s familles, explique un avocat d'Hakkari. Ensuite dans les magasins, il faut présenter c<strong>et</strong>te permission ainsi qu'aux contrOles routiers.» Sur les ISS 000 habitants <strong>de</strong> la province, 81 000 sont totalement iIIétrés. Il n'y a que 3 ans qu'on accè<strong>de</strong> à Hakkari par une route asphaltée. « Dans les villages, raconte un mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong> Cukurca, beaucoup n'ont m~me pas idée <strong>de</strong> ce que représente l'électricité. Par ignorance, ils souhaitent la construction d'une mosquée plutOt que l'électrification. Les gens restent totalement étrangers à l'Etat. Tout ce qu'ils connaissent d'Ankara, ce ne sont que ses soldats. » En ne s'attaquant qu'à l'armée, les Apocular parviennent à se faire passer pour <strong>de</strong>s justiciers. Selon les chiffres officiels, ils ont tué jusqu'à présent 18 militaires. A Hakkari personne n'ignore qu'ils ont également abattu 6 civils ces <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rnières semaines, <strong>de</strong>s commerçants qui travaillaient pour le MIT (services <strong>de</strong> rensei. gnement). R<strong>et</strong>ranchés <strong>de</strong>puis 4 ans à la frontière, les militants avaient établi <strong>de</strong>s relations <strong>de</strong> voisinage avec les paysans. Ils venaient s'approvisionner dans les villages prenant d'office la nourriture si on refusait <strong>de</strong> la leur donner. Les villageois qui connaissent la montagne aussi bien que les séparatistes, n'ignorent pas leurs caches. Aujourd'hui, ils ont l'impression <strong>de</strong> payer pour n'avoir pas combattu, eux qui sont désarmés face à <strong>de</strong>s hommes armés, ou dénoncé les « terroristes ». Ils ne sont pas au bout <strong>de</strong> leurs frayeurs. La rumeur court que les Apocular viendront se venger <strong>de</strong> ceux qui les auront I( vendus ». Corinne TAOR 20
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