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Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

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8.11.1984<br />

Aydin As/an montant /a gar<strong>de</strong> <strong>de</strong>J'ant l'ambassa<strong>de</strong> <strong>de</strong> Turquie ent~e Psu/ Laurent<br />

<strong>et</strong> Ma<strong>de</strong>/eine Vincent. Sur /a gauche, on reconnaît Guy HermIer <strong>et</strong> Clau<strong>de</strong><br />

Poperen.<br />

,<br />

a<br />

.AydiD Asian<br />

« )'BUlDaDilé ))<br />

Son frère Hidir a été pendu<br />

le 25octobre par la dic~ature turque<br />

Aydin Asian, frère <strong>de</strong> Hidir Asian, ce jeune militant progressiste turc, pendu le<br />

25 octobre <strong>de</strong>rnier dans la prison <strong>de</strong> Burd~r, nous a rendu visite hier à<br />

« l'Humanité I). Grave <strong>et</strong> ému, aydin a remercié notre journal <strong>et</strong> les communistes<br />

français <strong>de</strong>s efforts déployés pour tenter <strong>de</strong> sau.ver son frère <strong>de</strong> la potence. au<br />

. cours d'une réception organisée en son honneur, roland Leroy lui a dit la solidarité<br />

renouvelée <strong>de</strong>s communistes.<br />

« En J'ous accueil/ant, nous rendons hommage au sscrifice dé J'otre frère. un<br />

frère ne se remp/sce pas, même quand on en trouJ'e <strong>de</strong>s mil/ions d'sutres. <strong>et</strong><br />

nous agissons pour que <strong>de</strong>s,millions <strong>de</strong> (reres se serrent autour <strong>de</strong> J'ous. »<br />

Aydin Asian, fils d'une famille « C;'était ,en. février /98~. Le~<br />

d'agriculteurs Ul.l:<strong>de</strong>s <strong>de</strong> six enfants, ouvrI~rs <strong>de</strong> 1 usme T,ans ~ étaIent mIS<br />

dont Hidir était le ca<strong>de</strong>t nous a lon- en greve contre <strong>de</strong>s lIcencIements masguement<br />

parlé, hier, <strong>de</strong> s~n frère. Dès sirs.. le mouvement avait ga!né toytè<br />

l'adolescence, il s'était enflammé pour /a vJ1le.Au cours d'une maD/festatIon,<br />

<strong>de</strong>s idéaux <strong>de</strong> justice <strong>et</strong> <strong>de</strong> liberté. Ces trois policiers avaient été tuts <strong>et</strong> <strong>de</strong>s<br />

mêmes idéaux pour lesquels il est dizaines d'ouvriers <strong>et</strong> d'ouVf/'èr~ arrêmort.<br />

tés. .<br />

D,evenu, ~uvri~~ à l'usine ,Taris, à « Quand nous avons pu enfin .-ie.<br />

.IzmIr, Hldu milite, revendIque ses voir six mois plus tard Hidir nous a<br />

droits d'~omme <strong>et</strong> <strong>de</strong> trav~illeur. , dit qu'il avait été sans ~rrê( torturé. Il<br />

. (~Un Jour, racon.te Aydm" apres les avait le tympal!' crevé <strong>et</strong> <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>nts<br />

evenements <strong>de</strong> Tans, nous 1 avons vu cassées. » ,<br />

à la télévision. Il était prisonnier <strong>et</strong> « Noùs sommes allés voir le procuprésenté<br />

comme un meneur <strong>de</strong> la . reur qui nous a affirmé que mon frère<br />

grève. »<br />

ne risquait pas la mort. Et puis il y a<br />

eu le coup d'Etat. J'ai cherché à revoir<br />

le procureur. Il m'a dit que les choses<br />

1 ne dépendaient plus <strong>de</strong> lui. IL avait<br />

reçu <strong>de</strong>s ordres. Il fal/ait trois viii/!IJ}es<br />

pour compenser la mort <strong>de</strong>s troiS"fJo/iciers.<br />

Mon frère était l'une <strong>de</strong>s trois. »<br />

Rien pourtant ne prouvait qu'il.<br />

était coupable. « A partir <strong>de</strong> ce<br />

moment, mon frère j1 été persuadé<br />

qu'il serait condamné'à mort. Il répétait<br />

dans toutes ses l<strong>et</strong>tres « C'est une<br />

machination». « Mais jamais il ne<br />

s'est laissé abattre. Il écrivait <strong>de</strong>s poèmes.<br />

Il participàit aux luttes <strong>de</strong>s prisonniers.<br />

Il s'est même fiancé, en prison,<br />

avec une jeune fille, ouvrière <strong>de</strong><br />

la même usine, <strong>et</strong> prisonnière comme<br />

lui. EI/e s'appelle Emel. Elle a été condamné<br />

à dixàns. »<br />

Les conditions <strong>de</strong> détention?<br />

« Il était dans une cellule individuelle<br />

dans la prison <strong>de</strong> Budja à Iszmir,<br />

oû il avait été transféré après un<br />

an <strong>de</strong> prison militaire. Des canalisations<br />

ouvertes par terre, un lit <strong>de</strong> bois<br />

<strong>et</strong> un matelas <strong>de</strong> mousse d'un centimètre<br />

d'épaisseur.', La nuit, il fallait se<br />

battre avec les pats qui infestaient la<br />

prison. » Lès 'visites? Autorisées une<br />

föis par an par le gouverneur <strong>de</strong> l'Etat<br />

<strong>de</strong> siège. « Pendant tout le procès, on<br />

l'a réveillé chaque nuit à minuit pour<br />

l'amener dans une bibliothèque oû <strong>de</strong>s<br />

hommes en civill'interrogeaien~ <strong>et</strong> le<br />

torturaient pour le faire avouer. »<br />

L'exécution d'Hidir elle-même s'est<br />

déroulée en violation flagrante <strong>de</strong> la<br />

loi qui stipule que l'avocat doit être<br />

présent. Q1.!and le <strong>de</strong>rnier recours en<br />

grâce a été refusé, le mercredi 24, le<br />

ministre <strong>de</strong> la Justice a fait savoir que<br />

l'exécution n'aurait lieu que le 26.<br />

L'avocat s'est malgré tout rendu<br />

immédiatement à la prison <strong>de</strong> Burdur .<br />

« Quand il est arrivé, raconte Aydin,<br />

le matin du 25, Hidir venait d'être<br />

pendu. Son corps était encore accroché<br />

au gib<strong>et</strong>. Le procureur lui a<br />

raconté les <strong>de</strong>rniers instants d 'Hidir.<br />

Il avait <strong>de</strong>mandé à écrire une l<strong>et</strong>tre ».<br />

On y lit c<strong>et</strong>te phrase: « Je meurs la<br />

tête haute. Je vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> ne pas<br />

avoir <strong>de</strong> peine pour mal; mais <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r<br />

votre peine pour la transformer un<br />

jour en révolte. »<br />

Aydin me montre d'autres l<strong>et</strong>tres<br />

d'Hidir. Des l<strong>et</strong>tres d'espoir <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

fierté. « J'éprouve le bonheur d'un<br />

homme qUI: au XX e siècle, a pris sa<br />

place aux côtés <strong>de</strong>s justes.» Hidir<br />

aimait la vie, au point <strong>de</strong> faire, en prison<br />

<strong>et</strong> présentant sa mort, ce geste<br />

d'espoir: se fiancer. Quand j'ai<br />

<strong>de</strong>mandé à Aydin comment avaient<br />

réagi ses parents à la mort <strong>de</strong> leur fils,<br />

il m'a dit: « Vous savez, mon père a<br />

déjà eu tant <strong>de</strong> peines <strong>et</strong> <strong>de</strong> douiéur. »<br />

FRANÇOISE GERMAIN-ROBIN<br />

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