Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

CORDE
urquie: pendaison d'un militant
d'extrême-gauche
Condamné à mort depuis trois ans, un militant de l'organisation Dev Yol
a été pendu hier matin. Cette exécution est la deuxième depuis lareprise au début du mois,
de l'offensive militaire contre les séparatistes kurdes.
,...
It)
26.10.1984
eS
Ankara
H
(de notre correspondante).
idir Asian, 26 ans, a été pendu
hier matin comme prévu. Le militant
de Dev Y01 (la voie révolutionnaire),
la principale organisation
clandestine de l'extrême gauche tur-
Que, est mort à 6h30 en présence de
ses avocats, à la prison de Burdur , à
cent kilomètres au nord de la côte
méditerranéenne .
Asian, d'origine kurde, avait été
condamné à mort en juillet 1981 pour
« tentative de renversem6llt par la
violence de l'ordre constitutionnel,
afin d'~tablir un r~gime marxiste-
I~niniste », un « crime» passible, se-
,Ion le code pénal, de la peine capitale.
Issu d'une famille de fermiers de
Tunceli, à 600 km d'Ankara, comptant
sept enfants, il avait rejoint Dev
Yol dès son entree à l'université
d'Ankara. Traqué par la police et
l'extrême droite, il avait laissé tomber
les études pour s'enfuir à Izmir, la
grande ville sur la mer Egée. C'était
en 1980. Là, comme partout ailleurs,
« loups gris» et militants d'extrême
gauche se livraient une bataille féroce
•
pour le contrôle des Quartiers, des
universités, des coopératives, des administrations.
Le 16 février, barricadés
depuis une semaine dans leur
bastion de Gultepe, un Quartier populaire
d'Izmir, les militants de Dev Yol
tentent d'empêcher la police de les
déloger. Dans la fusillade QlIi suit,
trois policiers sont tués. Sur les 88
« révolutionnaires » arrêtés après ces
affrontements, trois, dont Asian, seront
condamnés à mort et ciilq à la
prison à vie. Il n'a cependant jamais
été établi que le jeune militant ait luimême
tué un de ces policiers.
Hidir Asian est le 27ème « extrémiste»
pendu depuis le coup d'Etat
militaire de septembre ~80 (vingt de
gauche et sept de droite). Alors
qu'aucune exécution n'était intervenue
depuis seize mois, période correspondant
à la-mise en place d'un
régime civil à Ankara, lIyas Has, un
autre militant de Dev Yol de 29 ans,
a été pendu le 7 octobre à Izmir.
Ce retour soudain de la corde a
coïncidé comme par hasard avec l'offensive
hardie des séparatistes kurdes
dans l'est du pays, qui a fait plus de
20 morts dans les rangs -de l'armée.
Le 3 octobre, lors de sa tournée dans
la région, le président Evren, dont
trois membres de l'escorte avaient été
tués dans une embuscade, sortait de
ses gonds pour justifier l'exemplarité
de la peine de mort : « Nous allons
capturer ces terroristes, les passer en
jugement. Ne pas les ex~cuter et
nourrir toute leur vie ces traîtres qui
ont tir~ sur nos soldats, pourriez-vous
accepter cela? » « Non, non », a crié
la foule empressée. « Il est hors de
question d'abolir la peine de mort »,
a tonné le général.
La démonstration n'a pas tardé. Le
même jour, dans l'après-midi, soit
quelques heures seulement apres le
discours d'Evren, l'assemblée se saisissait
du dossier de la condamnation
d'Hidir Asian sur laquelle elle doit se
prononcer, en vertu de la constitution.
Bien que les députés du Parti
populiste (opposition du centregauche)
votent contre, arguant du
fait que le militant n'a pas été COilvaincu
de meurtre, l'exécution est entérinée.
Le lendemain, le parlement
ratifie la condamnation d'lIyas Has.
Dès son retour à Ankara le S, Evren
refuse de le gracier. L'ordre d'exécution
de Has est immédiatement publié
au journal officiel, dont une
édition pour spéciale accélérer a même encore été imprimée
la procédure.
Vingt-quatre heures plus tard, lIyas
Has est pendu. Hidir Asian ne devra
qu'à ses recours avocats qui désespéré ont introduit invoquant un
son
« ~tat mental» d'avoir vécu jusqu'à
hier 6h30.
La campagne lancée par les communistes
français ne démocrate» en faveur du « Hidir Asian n'a jeune
pas
eu la moindre répercussion' en Turquie,
bien qu'André Lajoignie se soit
personnellement déplacé à Anka:a le
12 octobre avec une délégation pour
tenter d'obtenir sa grâce. Les interventions
pays européens de la France ont également et d'autres
été vaines.
La Turquie, dernier pays européen
à appliquer la peine capitale,
compte encore environ 200 condamnés
à mort, alors que les grands
procès de masse entamés après le
coup d'Etat ne sont pas terminés.
Vingt d'entre eux, dont les dossiers
sont déposés à l'assemblée, s'attendent
quasiment à être exécutés d'un
jour à l'autre.
• « La France, a déclaré le porteparole
du ministère des Relations
extérieures, observe que la peine
capitale vient d'être appliquée en
Turquie pour la seconde fois en
quelques semailles à l'issue d'un
procès politique. Elle ne peut que
déplorer cette exécution. alors
qu'avec d'autres pays occidentaux,
elle avait entrepris des démarches ».
Par ailleurs, le sénat a observé
jeudi matin une minute de silence
« en témoignage d'indignation»
devant l'exécution du jeune Turc
Hidir Asian, à l'initiative de Mme
Helene Luc, présidente du groupe
communiste.
Cortnne TAOR