Même - Revue des sciences sociales

emprisonnant de l’espace et gelant du
temps.
Le cyberjoueur est un être du masque
et le masque est une représentation, une
image. Le masque est le lieu privilégié de
la liberté du joueur, autorisant la transformation
de la réalité en fonction de
modèles qui ne trouvent pas leur source
dans la réalité réelle mais dans une réalité
imaginaire.
Safranski (1999 : 279) relève que le
monde est celui que l’on s’imagine être
tel par des images qui ne reflètent pas la
réalité mais prennent la place de cette
dernière, formant un monde second qui
peut infléchir et même dicter ce que l’on
comprend (com-prendre, c’est prendre
avec soi) du monde premier. L’imagination
utilise certes les matériaux présents
chez celui qui imagine – impressions,
expériences, désirs, obsessions, convictions,
croyances –, toutefois elle produit
alors quelque chose de nouveau.
Et c’est bien cette innovation amenée
par l’image qui vient lui donner sa valeur,
tant sur le plan ontologique que sur celui
du désir et du plaisir.
Les cyberimages pourraient-elles, à
terme, modifier nos manières d’être au
monde, de penser le monde et d’agir
sur lui, notre Weltanschauung ? Sur cette
possibilité fascinante, je laisserai le dernier
mot à Abraham Moles : « Toute création
influence directement aussi bien son
milieu que les créations ultérieures, et la
création des images animées engendrera,
à travers l’ordinateur, un nouveau langage,
une nouvelle réalité »…
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152 Revue des Sciences Sociales, 2005, n° 34, “Le rapport à l’image”
Notes
1. Sloterdijk, 2000 : 31.
2. Le site www.rendez-vous3d.com, par
exemple, proposait à l’automne 2004
deux cent cinquante figures d’avatars.
3. Le nombre actuel des Otaku dans le seul
Japon est estimé à 2,85 millions de personnes,
selon l’étude du Nomura Research
Institute (Kitabayashi, 2004).