2. Introduction : situation générale actuelle <strong>de</strong>s enfants vivant <strong>au</strong>Bénin2.1. La place <strong>de</strong> l’enfant dans la société béninoise : rôle et statut soci<strong>au</strong>x 1Appréhen<strong>de</strong>r la situation <strong>de</strong>s <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’enfant en Afrique et précisément <strong>au</strong> Bénin nécessite<strong>de</strong> saisir le statut <strong>de</strong> l’enfant à la fois dans la société traditionnelle et dans la sociétécontemporaine.Les représentations <strong>de</strong> l’enfant et <strong>de</strong> son éducation dans la société béninoise divergent <strong>de</strong>snormes et <strong>de</strong>s instruments internation<strong>au</strong>x relatifs <strong>au</strong>x <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’enfant, particulièrement enmilieu rural mais <strong>au</strong>ssi chez les personnels travaillant avec <strong>de</strong>s enfants comme lesenseignants. Si on souhaite un changement <strong>de</strong> comportement <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s <strong>au</strong>torités et <strong>de</strong> lapopulation dans son ensemble vis-à-vis <strong>de</strong>s <strong>droits</strong> <strong>de</strong>s enfants, il est important <strong>de</strong> prendre encompte en premier lieu les mentalités, voire les croyances, et <strong>de</strong> considérer les rapports àl’enfant dès sa naissance. Il semblerait que la disparition progressive <strong>de</strong> la notion <strong>de</strong> famille<strong>au</strong> sens large, et les formes traditionnelles <strong>de</strong> solidarité qui en découlent, laissent un vi<strong>de</strong>plutôt que d’être compensées volontairement par d’<strong>au</strong>tres pratiques entraînant <strong>de</strong>sconséquences néfastes sur les modèles éducatifs.Plus que leurs <strong>droits</strong>, les <strong>de</strong>voirs <strong>de</strong> l’enfant sont clairement définis, notamment en fonction<strong>de</strong>s classes d’âge. Ils sont accomplis sous le regard <strong>de</strong>s parents mais <strong>au</strong>ssi <strong>de</strong> toute lacommun<strong>au</strong>té éducatrice <strong>de</strong> laquelle l’enfant dépend, et dévoilent une obéissance totale,aveugle <strong>au</strong>x adultes, <strong>au</strong>x personnes âgées considérées par be<strong>au</strong>coup comme détentrices dusavoir et <strong>de</strong> la sagesse. Les enfants n’ont généralement pas droit à l’expression <strong>de</strong> leur opinionni à la parole mais apprennent leur rôle <strong>au</strong> sein <strong>de</strong> la commun<strong>au</strong>té où l’idée d’épanouissementindividuel ou d’émancipation n’existe pas. De plus, l’adolescence est mal cernée car on est àla fois considéré comme « jeune » jusqu’à la retraite et « adulte » dès l’âge <strong>de</strong> 7 ans, quand ils’agit d’effectuer les trav<strong>au</strong>x domestiques, <strong>au</strong>x champs ou à l’atelier participant <strong>de</strong>l’apprentissage et <strong>de</strong> la socialisation.D’un point <strong>de</strong> vue socio-économique, l’enfant ai<strong>de</strong> souvent à supporter la charge <strong>de</strong>s parentsplus que l’inverse. Il représente un investissement et lorsqu’il <strong>de</strong>vient une lour<strong>de</strong> charge pourla famille, il est possible <strong>de</strong> le confier. Avec la « marchandisation » <strong>de</strong> la société, le systèmedu « confiage », ou placement <strong>de</strong> protection, est <strong>de</strong>venu une source <strong>de</strong> profit pour laparentèle, 2 dont bénéficient <strong>au</strong>ssi souvent trafiquants et exploiteurs. Avec la dilution <strong>de</strong>s lienssoci<strong>au</strong>x et <strong>de</strong> la solidarité du clan, l’enfant <strong>de</strong>vient, quand il est déshérité, vulnérable à latraite, en proie à la maltraitance et <strong>au</strong>x sévices ainsi qu’<strong>au</strong>x persécutions morales.Grâce à la sensibilisation par les ONG et avec la participation <strong>de</strong>s acteurs loc<strong>au</strong>x pourl’i<strong>de</strong>ntification <strong>de</strong>s enfants en situation difficile, la population s’habitue peu à peu àdébanaliser la souffrance <strong>de</strong>s enfants, et change progressivement <strong>de</strong> regard par rapport à leurs<strong>droits</strong>. La scolarisation est davantage admise même pour les filles. Toutefois les loisirs oul’expression <strong>de</strong> son opinion sont peu perçus comme <strong>de</strong>s <strong>droits</strong>. Un énorme travail <strong>de</strong>sensibilisation <strong>de</strong>s populations, <strong>de</strong> la famille jusqu’<strong>au</strong>x professionnels en contact avec lesenfants, doit se poursuivre et se développer.1 Réflexion apportée par Mme Agnés Bogacki, <strong>de</strong> l’ONG ANDIA.2 Ensemble <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> la famille élargie.10
2.2. Le statut juridique <strong>de</strong> l’enfant2.2.1. Les différents âges : la définition <strong>de</strong> l’enfant (article 1 CRC)Comme dans la plupart <strong>de</strong>s ordres juridiques, en droit béninois, l’âge légal <strong>de</strong> l’enfant diffèreselon les matières.En matière civile, d’après l’article 459 du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong>s personnes et <strong>de</strong> la Famille, est mineuretoute personne qui n’a pas encore atteint l’âge <strong>de</strong> 18 ans.En matière pénale, l’âge <strong>de</strong> la responsabilité pénale pleine et entière est fixé à 18 ans (article 1<strong>de</strong> l’Ordonnance 69-23 du 10 juillet 1969 relative <strong>au</strong> jugement <strong>de</strong>s infractions commises parles mineurs <strong>de</strong> moins <strong>de</strong> 18 ans). Néanmoins, dès l’âge <strong>de</strong> 13 ans un mineur peut voir saresponsabilité pénale engagée selon <strong>de</strong>s règles et procédures particulières. Il est notammentjusticiable <strong>de</strong>vant une juridiction spécialisée ou un juge <strong>de</strong>s enfants et peut être condamné àune peine privative <strong>de</strong> liberté. Avant 13 ans, un enfant est considéré comme pénalementirresponsable et ne peut se voir condamné à une sanction pénale et a fortiori à une peineprivative <strong>de</strong> liberté.En matière d’éducation et <strong>de</strong> scolarité, l’instruction scolaire est théoriquement obligatoire etgratuite <strong>au</strong> Bénin entre 6 et 11 ans. Mais en pratique, l’éducation n’est souvent pas gratuite et<strong>de</strong> ce fait, peut difficilement être rendue obligatoire.Corrélativement, en droit du travail, la Convention 138 <strong>de</strong> l’OIT sur l’âge minimumd’admission à l’emploi ratifiée par le Bénin établit l’âge minimum d’accès à l’emploi à 14ans, âge repris par le Co<strong>de</strong> du travail béninois qui interdit également le travail <strong>de</strong> nuit pour lesenfants <strong>de</strong> moins <strong>de</strong> 14 ans. Par dérogation, l’âge minimum pour <strong>de</strong>s trav<strong>au</strong>x légers estabaissé à 12 ans <strong>au</strong> Bénin. 3L’âge du mariage est <strong>de</strong> 18 ans pour les garçons <strong>au</strong>ssi bien que pour les filles selon l’article123 du nouve<strong>au</strong> Co<strong>de</strong> <strong>de</strong>s personnes et <strong>de</strong> la famille, s<strong>au</strong>f pour certaines dispenses légalementprévues. Cet âge constitue également <strong>de</strong> fait l’âge minimal <strong>de</strong> consentement sexuel.2.2.2. Les princip<strong>au</strong>x textes relatifs à la protection <strong>de</strong>s enfants (article 4 CRC)A. Droit internationalL’article 147 <strong>de</strong> la Constitution établit la supériorité <strong>de</strong>s accords et traités internation<strong>au</strong>x parrapport <strong>au</strong>x lois nationales, sous réserve <strong>de</strong> réciprocité.a) Convention <strong>de</strong>s Nations Unies relative <strong>au</strong>x <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’enfant entrée en vigueur le2 septembre 1990Relativement <strong>au</strong> processus <strong>de</strong> soumission <strong>de</strong>s rapports étatiques <strong>au</strong> Comité <strong>de</strong>s <strong>droits</strong> <strong>de</strong>l’enfant, le Bénin est en retard puisqu’il <strong>de</strong>vait rendre son <strong>de</strong>uxième rapport périodique en3 Exception prévue par la Convention 138 elle-même.11