112 | <strong>Guide</strong> <strong>climatique</strong> de la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> et du <strong>Croissant</strong>-<strong>Rouge</strong> | Etude de cas : Nicaragua Etude de cas : Nicaragua | <strong>Guide</strong> <strong>climatique</strong> de la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> et du <strong>Croissant</strong>-<strong>Rouge</strong> | 113effectuées pour comparer la sécurité des structuresen dur et les tambos traditionnels pour les gens quifont face aux menaces de vents violents et desinondations.Alerte par radioSur un autre aspect de l’histoire de l’Ouragan Félix,tous était d’accord : le moyen par lequel la nouvellede l’approche de la tempête a été diffusé était parune simple radio FM.Une des stations est Radio Caribe, un partenairedu projet HIER sur le changement <strong>climatique</strong> avecl’organisation néerlandaise Freevoice. Le directeurKennny Lisby Johnson a expliqué que les premièresprévisions qui indiquaient que l’Ouragan Félix toucheraitleur partie de la côte étaient apparues le samediet ont tout de suite été diffusées. L’alerte rougea été émise le lundi aux alentours de minuit.« Après que le comité d’urgence ait été activé le lundimatin, les autorités ont commencé à passer desavertissements officiels et des alertes », dit-il. « Nousétions sur les ondes quand l’ouragan a atteint la terreet a touché notre antenne qui a été presque entièrementdétruite. »Lisby croit que les avertissements ont payé : « beaucoupde personnes ont été évacuées à temps ou onteu le bon sens d’évacuer par leurs propres moyens.Les formateurs ont reçu ce qui fallait faire en cas decatastrophes et cela a été bénéfique.D’autres stations de radio, comme La Voz Evangélicade la Costa Atlántica étaient directement en contactavec le NHC à Miami. « Notre antenne est tombéeentre quatre et cinq heures du matin », dit le directeurSalvador Sarmiento Alvarado « Mais le toit esten grande partie intact ».Francisco Osejo, un bénévole de la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong>,est un assistant technique sur le projet climat baséà Puento Cabezas. Immédiatement après Félix, il apassé la majeure partie de la semaine, à aider àtransporter les blessés de l’aéroport ou de la portemaritime à des centres médicaux en ville. Par rapportà la réponse de la communauté, il a vu uneamélioration certaine en comparaison avec l’OuraganBeta deux années auparavant : les comitésvoisins où le projet avait marché ont demandésdes feuilles de données véritables qu’ils pouvaientutiliser pour fournir l’information sur les dommageset pertes.Selon Osejo : « Il est très important que les gens sachentce qu’est le changement <strong>climatique</strong> et ce qu’ilspeuvent faire contre cette menace. Il les touche tousdifféremment, » dit-il.« Malgré les dommages importants, les dommageshumains ont été minimes dans les régions où nousavons travaillé. »Le signal d’ouraganDes catastrophes sans précédents mettent en évidencedes nouveaux domaines de vulnérabilité.L’Ouragan Félix a démontré au Nicaragua qu’il nesuffit pas de se préparer aux assauts des vents etdes inondations. Des stratégies doivent être développéespour faire face à des vents particulièrementdésastreux (l’abri de Betania financé par les Pays-Bas s’est effondré car il était construit sur des piliersen hauteur, en prévision d’inondations) et à des situationsoù une évacuation n’est pas possible.Dans beaucoup de villages Miskito dans le RAAN,les gens sont restés dans ou sous leurs maisons caril n’y avait pas de lieu d’évacuation – ou les bâtimentsconsidérés, sûrs étaient complets.Mauricio Rosales, directeur général de la météorologieà l’Instituto Nicaragüense de Estudios Territoriales(Ineter), dit qu’il y a eu une « augmentation dunombre d’ouragans saisonniers dans les Caraïbes »– y compris 2005, la saison de tous les records –« mais nous avons aussi eu plus de tempêtes decatégorie 4 et 5 dans la région ». Contrairement àl’Ouragan Stan par exemple, un ouragan relativementfaible de catégorie 1, qui a été en fait intégrédans un ensemble de pluies torrentielles qui se sontabattues sur l’isthme centre-américain en 2005, provocantsdes inondations et des coulées de boue quiont conduit à 2.000 morts.Peu avant que l’Ouragan Felix se soit abattu sur laCôte atlantique au début de l’année, Ramon ArnestoSosa, le chef de l’agence principale de préventiondes catastrophes nicaraguayenne, a raconté auxjournalistes à Managua qu’il y avait environ 50.000personnes qui étaient particulièrement exposées car,par nécessité, elles habitent « à côté des rivières ousur des flancs de collines ou sur des îlots ». Mais iln’était pas sûr de savoir si le plus grand danger venaitdu vent, des inondations ou voir des deux.Up In Smoke, Latin America and the Caribbean,le troisième (2006) rapport du groupe de travailsur le changement <strong>climatique</strong> et le développementau Royaume-Uni, souligne que les gouvernementsd’Amérique Centrale sont moins centralisés quecelui de Cuba – souvent considéré comme un modèled’évacuation obligatoire face aux menacesd’ouragan – et « les risques encourus sont plusvariés et répandus, les populations plus importanteset plus dispersées. La corruption est aussi unproblème. »« Il peut y avoir un manque de volonté politiquedans des gouvernements nationaux de réduire lesrisques des plus pauvres », ajoute le rapport.Cependant (et le programme changement <strong>climatique</strong>de la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> le démontre certainement dans lecas du Nicaragua) « la volonté d’améliorer la préparationexiste souvent, en particulier au niveau local ».SécheresseEn demandant sans détour ce qu’il pense être lapreuve du changement <strong>climatique</strong> au Nicaragua,la réponse de Mauricio Rosales est le changementdes saisons agricoles. « La chose principale »,explique-t-il « est que dans toutes les parties du paysoù ils ont semé des plantations, la saison des plantationsa changé. »« La température de l’air est en augmentation, et ladifférence entre les températures minimales et maximalesa diminué. »Francisco Osejo attire aussi l’attention sur les zonesarides. « Le nord est particulièrement touché », dit-il,« la région autour de la ville d’Ocotal, Estelí, NuevaSegovia, des parties de Chinandega et León. Cesdernières années, la sécheresse a empiré et les gensont perdu beaucoup de récoltes et cela a égalementaugmenté les problèmes nutritionnels. »Un nouveau programme soutenu par la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong>néerlandaise est en ce moment en cours dans lenord-est.Des scientifiques à Ineter croient que la chute la plussignificative des précipitations annuelles aura lieudans la région nord-ouest déjà sèche. Des précipitationsdans la région centrale et au sud du Pacifiquepourraient se réduire de maximum 1.800 mm par anjusqu’à 1.000 mm – ce qui augmenterait de façonsignificative la zone affectée par les sécheresses.Les meilleures données d’Ineter indiquent que le climat,dans des régions du Nicaragua au moins, étaitdéjà en train de changer et devenir plus séc, alors lechangement <strong>climatique</strong> aggrave ce phénomène.La mauvaise nouvelle pour le peuple Miskito est quela zone « sèche » est maintenant en train de s’étendreà l’est, à partir du nord-ouest caniculaire, et englobebeaucoup de sites isolés et vulnérables toutau long des 800 kilomètres de la Rivière Coco quisert de frontière avec le Honduras.En mai, la journaliste Annie Kelly du Guardian annonçaitdepuis San Carlos – un site près d’unerivière à l’intérieur des terres de l’Amérique centrale– que pendant le mois de la saison des pluies, etdurant un mois déjà, quand habituellement la rivièreétait transformée en un torrent, la rivière venaitaux chevilles et des pirogues luttaient pour avanceren amont ».
114 | <strong>Guide</strong> <strong>climatique</strong> de la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> et du <strong>Croissant</strong>-<strong>Rouge</strong> | Etude de cas : NicaraguaLes dégâts causés par l’ouragan Félix à Krukira, Nicaragua. Toutes les constructions en bois se sont effondrées. Les quelquesbâtiments restés intacts étaient en dur. Photo: Alex Wynter/Fédération internationale de la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> et <strong>Croissant</strong>-<strong>Rouge</strong>.Dans le village de Siksayari, le berceau de1.400 membres du peuple Miskito, un technicienvolontaire du ministère de l’Agriculture nicaraguayena indiqué que la population était privée des alimentsde base, comme le sel et l’eau potable pendantplus d’un mois. « Il n’y a pas de routes », dit-il.« Personne n’avait prévu que la rivière se dessécheraitet les bateaux de provisions ne pourraient plusaller là-bas. Actuellement, l’eau est trop pollué et lesmaladies comme le choléra et la tuberculose sonten augmentation. »FatalismeLa région atlantique du Honduras et du Nicaraguaest éloignée et difficilement accessible, et se situeà des centaines de miles des capitales des deuxpays, par des routes inadaptées et pas très sûres,à travers la jungle et les régions montagneuses.Longtemps, la région n’était pas dans la préoccupationdes gouvernements centraux de Managua etTegucigalpa.Le Nicaragua a été à l’origine choisi comme pilotepour le projet de changement <strong>climatique</strong> de la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> en raison de sa situation géographique, sapauvreté, et avant tout, à cause de la vulnérabilitécriante de ses populations fragiles le long des côteset au bord des rivières.La bonne idée de la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> était que si unemeilleure préparation aux catastrophes, en réponseaux impacts du changement <strong>climatique</strong>, puisse êtremise en place ici, cela serait possible partout.Quand Cony Silva Martinez, une psychologue, acommencé à travailler comme coordinatrice de projet,basée à Managua, elle savait que la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong>nicaraguayenne sur le terrain aurait besoin de faireface au défi de ce qu’elle appelle le « fatalisme basésur la religion » de tous les centre-américains ruraux.« Sur la Côte Atlantique du moins, » ajoute Silva, « oùle danger provient des ouragans, les gens commencentà réaliser que les catastrophes dont ils devraients’inquiéter, ne sont pas entièrement naturelles. »Cony Silva a commencé à travailler avec la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> comme psychologue, immédiatement aprèsl’Ouragan Mitch, pour aider les gens à reconstruireleur vie. Elle est convaicue de l’importance de l’élémentpsychologique dans la prise de conscience –essentiel à des programmes de changement <strong>climatique</strong>sur la Côte Atlantique.Malgré la tragédie des Miskito Keys, où les gensqui avaient manqué de se faire évacuer ont probablementscellé leur destin, la conclusion provisoireaprès l’Ouragan Felix doit être que cela a soulignéla volonté des Miskitos à survivre dans leurs territoiresisolés.« Nos collègues nicaraguayens nous ont dit quenous devions essayer d’atteindre les jeunes avecdes messages de préparation aux catastrophes », ditEsther Barend, la coordinatrice basée au Guatemalapour les projets changement <strong>climatique</strong> de la <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> néerlandaise en Amérique Centrale, qui estarrivé à Managua le jour avant l’arrivée de Félix.Cependant après Félix, quels messages ? « Les évaluationsinitiales de vulnérabilité que nous avions effectuéesont indiqué que les gens craignaient surtoutles inondations », dit Barend. « Félix est cependantune tempête de catégorie 5 et, du moins sur la côte,il n’y avait pas beaucoup d’inondations. »Désormais, la réalité est qu’il pourrait y avoir unconflit entre la préparation aux catastrophes etla préparation à des vents violents. « Le dernierendroit où tu souhaiterais être lors d’un ouragande 5 ème catégorie est en hauteur dans un bâtimentélevé », ajoute Barend. « Félix a rajouté un défi majeurà ce programme, mais nous sommes déterminésà le relever. »