15.10.2007 ET - FSP

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16 DOSSIER: le stress du psychothérapeute PSYCHOSCOPE 11/2007 tients, est crucial. Cependant, selon les ambulanciers que nous avons accompagnés, le sens du travail ne peut pas se résumer à cet aspect, et les personnes qui lui accordent une trop grande place n’arrivent pas à «tenir le coup» et abandonnent souvent la profession. La réalité des situations d’intervention ambulancière se caractérise relativement rarement par la mise en œuvre d’actions permettant directement et sans équivoque de sauver la vie du patient. Les ambulanciers sont plus souvent amenés à s’assurer de la stabilité de l’état du patient et à préserver cet état pour une courte période de temps. Cependant, cet aspect est porteur de sens, tant par le puissant symbole qu’il procure à la profession au niveau de la société qu’au niveau du ressenti subjectif des personnes qui effectuent ce métier. On peut aussi lui associer la satisfaction procurée par le fait d’aider son prochain. Il nous semble même que cet aspect, plus général et moins spectaculaire – presque banal –, est par son caractère quotidien davantage porteur de sens que le fait de sauver des vies. Les ambulanciers sont amenés à accomplir des gestes techniques pouvant être complexes et très délicats. De telles situations ne suffisent pas pour donner un sens au travail. Selon les ambulanciers rencontrés, l’expression de la compétence par la mise en œuvre de gestes délicats ou techniquement complexes peut même représenter une source de frustration pour les personnes qui leur accordent une trop grande importance. Souvent, ces gestes sont accomplis par d’autres intervenants qui en ont la responsabilité et ces gestes ne sont délégués qu’exceptionnellement aux ambulanciers. Pour la majorité des personnes rencontrées, cet aspect n’était tout simplement pas important. Points de rupture: le travail perd son sens La durée de l’intervention peut parfois être très courte, ce qui limite les possibilités d’interaction avec le patient. De plus, la durée entre les interventions est parfois très brève et le réengagement de l’unité est effectué sans délai. Dans un tel contexte, les ambulanciers disposent de peu de temps entre les interventions pour effectuer la remise en état des équipements et les diverses tâches administratives (rapports) liées à l’intervention. Ce contexte pousse les ambulanciers à accélérer l’intervention, ce qui contribue à diminuer les opportunités d’interaction avec le patient. Ce type de problème se développe aussi en raison de la spécialisation de certains services. Un élément qui a été mentionné souvent par les ambulanciers rencontrés concerne le fait d’être confronté à la misère et la solitude d’autrui, notamment de patients âgés laissés à eux-mêmes. Plusieurs intervenants ont mentionné ressentir une grande tristesse et un sentiment d’impuissance face à ce type de situation. Pour les ambulanciers, c’est «lourd à porter» et cela devient à la longue très pénible à vivre. Cet aspect touche le côté sauveteur de l’ambulancier et met en évidence la futilité des soins prodigués en comparaison des besoins réels de ces patients. Cela met aussi en évidence l’importance du sentiment d’être utile et d’aider son prochain et permet de constater à quel point la perte de sens consécutive à l’insatisfaction de ce besoin peut être source de souffrance. Le psychologue clinicien, de son côté, a également souvent choisi son métier parce qu’il lui paraît important d’aider autrui, d’améliorer la qualité de vie de ses patients et de diminuer la souffrance humaine en général. Il doit toutefois faire face à des situations où il est impuissant, ce qui peut être une source de souffrance importante pour celui qui s’identifie personnellement à cette «mission». Et chez les psychologues cliniciens ? Nous n’avons pas réalisé d’enquête portant sur les psychologues cliniciens directement, mais nous pensons qu’il existe certains points communs concernant les raisons du choix de ce métier si on les compare avec une population d’ambulanciers. En effet, le sens du travail est primordial pour expliquer ce choix de carrière et de vie dans ces deux professions. L’aspect relationnel prend une place essentielle dans le travail, et cette relation revêt une nature particulière: le psychologue est là pour guider, rassurer, réconforter, «aider à révéler ce qui est enfoui» et aider le patient à dépasser sa souffrance. Nous pouvons alors imaginer qu’aider et sauver son prochain peuvent représenter des motivations importantes également pour ces professionnels. Toutefois, ce type de relation implique aussi la confrontation avec la souffrance humaine et le processus psychothérapeutique peut être long et ne pas aboutir. La souffrance du patient peut être diminuée, comprise, verbalisée, mais elle ne disparaît pas nécessairement. Que se passe-t-il alors lorsque le psychologue n’a pas «réussi» à aider autrui ? Ne se sent-il pas impuissant et comment vit-il cela (d’autres raisons expliquent certainement le choix de ce métier telles que la compréhension du fonctionnement du psychisme, la découverte d’autrui, l’échange interpersonnel, etc.) ? Ajoutons à cela le caractère imprévisible de certains patients, les responsabilités importantes quant aux décisions thérapeutiques et le manque de reconnaissance des patients et nous nous trouvons dans une situation qui peut mener à l’usure professionnelle et à la souffrance. Les situations à risque pour la santé mentale de ces professionnels sont celles où ces derniers se sentent responsables des échecs thérapeutiques et se les attribuent. Le sentiment de ne pas être capable de faire face aux exigences de la relation peut déboucher sur un
processus de dévalorisation de soi. Le travailleur risque alors de se «surimpliquer» dans son activité pour faire face et, à terme, la «surimplication» pourrait déboucher sur une «usure mentale». Conclusion Pour préserver sa santé mentale et son identité personnelle au travail, il semble important de bien connaître les motivations qui ont amené à choisir un métier et les différents aspects qui y sont porteurs de sens pour soi. Le métier permet-il de répondre à ces attentes ? Ces dernières sont-elles compatibles avec l’activité réelle dans une certaine organisation ? Certaines attentes sont-elles contradictoires avec les moyens à disposition pour répondre aux exigences du métier ? Si c’est le cas, il est important de s’en rendre compte avant de se rendre responsable des échecs, de la perte de sens du métier et d’entrer dans un processus de «surimplication» et de dévalorisation de soi. Bibliographie Autissier, D., & Wacheux, F, (2007). Manager par le sens. Paris: Eyrolles - Editions d’Organisation. Lévy-Leboyer, C. (2007). Re-motiver au travail. Paris: Eyrolles - Editions d’Organisation. Pauchant, T.C., & Mitroff, I. (1995). La Gestion des crises et des paradoxes. Montréal: Editions Québec/Amérique – Presse HEC. Peters, S., & Dr Mesters, P. (2007). Vaincre l’épuisement professionnel. Paris: Robert Laffont. Sahy, F. (2007). Souffrance au travail, motivation et implication: quelle corrélation ? Actes de la deuxième journée de recherche sur le management de la santé et de la sécurité au travail, Groupe Ecole supérieure de commerce, St-Etienne. Les auteurs Sandrine Corbaz-Kurth possède une licence en psychologie du travail délivrée par l’Université de Neuchâtel (Suisse) et un master en «Ergonomie et conception des systèmes de production» réalisé à l’Université Panthéon-Sorbonne (Paris 1). Elle a travaillé durant sept ans à l’Institut universitaire romand de Santé au Travail (IST) en qualité d’ergonome et de psychologue du travail. Elle s’intéresse particulièrement aux aspects de «culture», «valeurs» et significations du travail en lien avec la santé mentale et vit depuis peu aux Etats-Unis, où elle compte continuer ses recherches dans ce domaine. Marc Arial est né en 1970 au Québec (Canada) et a gran- di à Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier. Il est diplômé (Bachelor et Master) du département des Relations Industrielles de l’Université Laval, où il a débuté sa car- rière de chercheur dans le domaine de l’ergonomie. Il a effectué son doctorat à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Zurich. Il dirige depuis octobre 2005 le Groupe de recherche en ergonomie cognitive et psychophysiologie à l’Institut universitaire romand de Santé au Travail (IST) à Lausanne. Adresse Institut universitaire romand de Santé au Travail, rue du Bugnon 21, 1005 Lausanne. www.i-s-t.ch Zusammenfassung Eine sinnvolle Arbeit bedeutet für alle Menschen immer auch eine Tätigkeit, die eine Art «Daseinsberechtigung» gewährt. Dies rechtfertigt die Zeit, die Energie und das Engagement, die die Individuuen in ihre Arbeit investieren. Für Sandrine Corbaz-Kurth und Marc Arial ist klar, dass die Sinnhaftigkeit der Arbeit die Motivation und die psychische Gesundheit der Arbeitnehmenden wesentlich beeinflusst. In der heutigen Gesellschaft bedeutet Arbeit nicht nur die Möglichkeit, zu leben und seine täglichen Bedürfnisse zu erfüllen, sondern spielt auch eine Rolle bei der Bewertung und der Entwicklung des eigenen Selbstbildes. Und dieses Selbstbild wiederum ist für die psychische Gesundheit der Individuen zentral. 17
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