september-2010
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« Nijinski était un vrai<br />
virtuose, il donnait<br />
l’impression de pouvoir<br />
rester suspendu en l’air »<br />
Léon Bakst, s’intéressaient au ballet et il vit qu’à travers eux la<br />
danse était prête à changer, comme l’opéra avec Wagner, dit<br />
Pritchard. Il a vu qu’il pouvait imprimer sa marque ».<br />
Pour ça, il lui fallait une star. Il la trouva avec Nijinski.<br />
« C’était un vrai virtuose, ses sauts étaient d’une légèreté qui<br />
donnait l’impression qu’il pouvait rester suspendu en l’air,<br />
dit Pritchard. Les danseurs-hommes étaient passés de mode<br />
et cela faisait longtemps qu’on n’avait pas vu ça [ils furent au<br />
centre du succès des Ballets russes]. Il avait aussi beaucoup de<br />
présence sur scène et pouvait changer d’un rôle à l’autre. »<br />
Or, Nijinski était sous contrat avec les Ballets impériaux<br />
russes. On n’a jamais su le rôle de Diaghilev, qui avait une<br />
liaison avec le danseur, dans le scandale suivant. Nijinski<br />
apparut sur scène en Russie sans l’habituel « caleçon<br />
de modestie ». Il fut renvoyé et Diaghilev en profi ta. Un<br />
télégramme à ses bailleurs de fonds français indique son<br />
modus operandi : « Terrible scandale. Utiliser publicité. »<br />
Ce schéma s’est répété tout au long des débuts des Ballets<br />
russes. L’Oiseau de feu de Stravinsky, chorégraphie de Michel<br />
Fokine et magnifi ques costumes de Bakst, avait été un succès<br />
en 1910, mais Diaghilev, Stravinsky et Nijinski en voulaient<br />
toujours plus. Pendant que Stravinsky, découvert par<br />
Diaghilev, travaillait sur son ballet suivant, Nijinski préparait<br />
ses débuts de chorégraphe dans L’après-midi d’un faune de<br />
Debussy au Châtelet. C’était quelque chose de différent, de<br />
court, avec huit danseurs – Nijinski et sept nymphes – qui<br />
se fi nissait avec Nijinski se déhanchant impudiquement audessus<br />
d’un tissu abandonné par une nymphe. Le public fut<br />
atterré.<br />
« À l’époque, on ne s’attendait pas à voir une simulation<br />
de l’acte sexuel sur scène, dit Pritchard. Par la suite, il a mis de<br />
l’eau dans son vin, mais cela lui valut beaucoup de publicité. »<br />
La polémique de l’année suivante fut encore pire avec une<br />
véritable émeute au Théâtre des Champs-Élysées. Cette fois,<br />
c’est la musique de Stravinsky pour Le sacre du printemps qui<br />
provoqua l’indignation, ses rythmes complexes et dissonants<br />
déclenchant des cris de colère et des disputes violentes.<br />
« Personne n’avait jamais rien vu de tel, dit Pritchard. Les<br />
couleurs éclatantes, les martèlements de la musique et de la<br />
chorégraphie – tous ces éléments ont horrifi é le public. »<br />
Mais l’avant-garde fut charmée, ce qui permit à Diaghilev<br />
de commanditer des artistes et couturiers comme Prokofi ev<br />
et Strauss, Picasso, Miro, Matisse et Chanel. Mais le talent<br />
de Diaghilev pour la publicité était subtil : il savait aussi se<br />
montrer discret. Les scandales avaient lieu à Paris mais tout<br />
était plus calme quand les Ballets russes allaient à Londres.<br />
« Diaghilev était très sensible au fait que Londres était plus<br />
conservatrice, donc pour le battage publicitaire, vous alliez à<br />
METROPOLITAN 103