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Histoire - Memoria

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Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .<br />

Portrait<br />

de l’école coranique de son village natal. Au lendemain<br />

de la mort du chef de famille, la mère décide de<br />

s’installer à Sétif avec ses enfants car elle ne peut s’occuper<br />

seule de la terre. En ville, elle devient employée<br />

de maison et son maigre revenu lui permet tant bien<br />

que mal de nourrir sa petite famille. Mais en dépit de<br />

tous les sacrifices consentis, Bouzid et ses frères et<br />

sœurs vivent dans la misère et le dénuement. Cette<br />

injustice va contribuer à éveiller chez Bouzid, l’esprit<br />

nationaliste. D’ailleurs, il n’a pas encore quinze ans<br />

quand il commence à travailler pour aider sa mère.<br />

Embauché comme manutentionnaire dans une unité<br />

de torréfaction appartenant à un certain Blon puis à<br />

la charcuterie Zara, il y travaille d’arrache-pied afin<br />

de pouvoir rapporter quelques victuailles à sa famille.<br />

Mais, en même temps, il découvre un autre monde,<br />

celui du militantisme. En effet, le milieu de la manutention<br />

étant à l’époque truffé de syndicalistes et de<br />

nationalistes, il rentre très vite en contact avec eux<br />

et finit par en faire partie. Il finit par passer tout son<br />

temps libre avec ses frères auprès desquels il renforce<br />

ses convictions politiques. Bien qu’elle ignore tout<br />

des activités de son fils, sa mère s’inquiète pour lui.<br />

Lorsqu’elle le pressait de questions, il se contentait de<br />

lui répondre : « Si je tombe au champ d’honneur, lance<br />

à ma mémoire des youyous.»<br />

Personne, au sein de son proche entourage, ne saura<br />

rien de ses activités politiques, préparées dans un<br />

premier temps chez les scouts musulmans, avant qu’il<br />

n’intègre le Parti du peuple algérien (PPA), très présent<br />

dans toute la région des hauts plateaux sétifiens.<br />

Bouzid Saâl, à l’instar de milliers d’adhérents du parti<br />

de Messali Hadj, n’a plus qu’un seul idéal : l’indépendance<br />

de l’Algérie.<br />

Lyakout, l’une des sœurs du martyr, confiera lors<br />

d’un entretien qu’à la veille des événements tragiques,<br />

son frère Boudjemaâ découvre en sortant de la maison<br />

l’emblème national accroché au niveau de la rampe de<br />

Paolo. Revenant sur ses pas, il appelle sa mère en lui<br />

disant : « Viens voir ce qu’a fait ton fils Bouzid que tu<br />

considères comme un saint. » Et Mabrouk leur cousin<br />

d’ajouter encore : « Si ton fils sort demain, il ne<br />

reviendra pas. » Des remarques qui ne laissent pas<br />

Bouzid indifférent puisqu’il leur répond : « Ecoutez,<br />

si vous êtes avec la France, moi, je ne le suis pas »,<br />

8 Mai 1945<br />

( 20 )<br />

puis s’adressant pour la dernière fois à sa mère, il dit :<br />

« Mère, je réitère ma récurrente demande. Si je meurs,<br />

lance à ma mémoire des youyous... » La maman reste<br />

interdite, ne prononçant aucun mot. « Le lendemain,<br />

Bouzid se réveille comme à l’accoutumée à l’aube, me<br />

demande un café et part à jamais », avait confié encore<br />

Lyakout qui nous a quittés en 2005 (*)<br />

Theldja Nouar qui, au moment des faits, avait à<br />

peine 12 ans, a été témoin de ces événements. Elle se<br />

souvient de Bouzid Saâl (**), vêtu d’une vieille chemise<br />

de scout, bleu pâle, mal repassée. Elle se rappelle<br />

aussi l’homme en complet gris qui l’abattit froidement<br />

après avoir tiré une première fois en l’air. Mme Nouar<br />

n’a pas oublié ce long youyou poussé par les femmes et<br />

qui a déchiré le silence pesant provoqué durant d’interminables<br />

secondes par les coups de feu. « Ce fut ensuite<br />

la débandade, tout le monde courait dans tous les<br />

sens, des gens tombaient pendant que d’autres coups<br />

de feu claquaient dans le ciel sétifien, et j’ai été obligée<br />

de me sauver chez moi», ajoute la vieille femme.<br />

Première victime de ces ignobles massacres, Bouzid<br />

Saâl sera enterré dans une fosse commune creusée au<br />

cimetière de Sidi Saïd avec 24 autres martyrs.<br />

Plus de 45000 manifestants seront tués en ce jour<br />

funeste. La mère de Bouzid apprendra la terrible nouvelle<br />

par un parent. Malgré la douleur de la perte de<br />

son enfant, elle sera fière d’apprendre que son fils est<br />

mort en martyr.<br />

Hassina Amrouni<br />

(*)El Watan du 8/5/2005<br />

(**) Horizons du 7/5/2012<br />

Supplément N° 13 - Mai 2013.

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