Histoire - Memoria
Histoire - Memoria
Histoire - Memoria
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
partenance à une communauté<br />
qui affirme progressivement son<br />
identité. C’est ce qui a fait écrire<br />
à l’historien Mahfoud Kadache : «<br />
Le fait essentiel dans la vie politique<br />
algérienne des années qui<br />
ont précédé 1945 réside dans le<br />
progrès considérable du mouvement<br />
nationaliste révolutionnaire<br />
et dans le ralliement des élus et<br />
des réformistes à la politique de la<br />
patrie algérienne, de rejet de l’assimilation<br />
et de l’indépendance. »<br />
Le mouvement dit<br />
« réformiste » se radicalise<br />
Ce qu’on a considéré comme<br />
réformistes, les représentants<br />
des élites sociales qui ont été la<br />
première expression du mouvement<br />
national (Mouvement Jeune<br />
Algérien, Fédération des Elus,<br />
partisans de Ferhat Abbas) ont<br />
très longtemps privilégié la lutte<br />
politique et le respect de la légalité.<br />
Ils vont nettement évoluer à<br />
partir des années 1930. Le succès<br />
électoral du Front populaire<br />
en France en 1936 leur fait espérer<br />
une évolution en Algérie. Ils<br />
croient en une France plus égalitaire<br />
et multiconfessionnelle où<br />
les Algériens musulmans auraient<br />
les mêmes droits que leurs concitoyens<br />
chrétiens et israélites. Ils<br />
répondent à l’appel à l’unité d’Ibn<br />
Badis pour constituer le Congrès<br />
musulman et appuient le projet<br />
Blum Violette qui prévoit une<br />
amélioration de la situation des<br />
Algériens et un élargissement des<br />
droits. La charte revendicative du<br />
peuple algérien, adoptée en juin<br />
1936, parlait alors du « rattache-<br />
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .<br />
8 Mai 1945<br />
<strong>Histoire</strong><br />
ment pur et simple à la France ».<br />
Ils renouvellent leur confiance<br />
au Front populaire malgré le<br />
refus de la Chambre d’examiner<br />
le projet Blum Violette. En<br />
décembre 1937, Ferhat Abbas<br />
dénonce le reniement du gouvernement<br />
français qui n’arrive pas<br />
à imposer des réformes et parle<br />
de la colonisation comme d’un «<br />
phénomène impérialiste ». Retraçant<br />
l’historique de la Fédération<br />
des élus, il en relève les insuffisances<br />
qui auraient résidé selon<br />
lui dans l’absence de l’éducation<br />
politique et sociale de la masse<br />
musulmane. C’est à travers le<br />
Manifeste du peuple algérien du<br />
31 mars 1943 que les élus réformistes<br />
parlent d’abolition de la<br />
colonisation et de l’application<br />
du droit des peuples à disposer<br />
d’eux-mêmes. Dans le document<br />
remis le 11 juin 1943 au général<br />
Catroux, ils réclament un état indépendant<br />
: « A la fin des hostilités,<br />
l’Algérie sera érigée en Etat<br />
algérien doté d’une constitution<br />
propre élaborée par une Assemblée<br />
algérienne constituante élue<br />
au suffrage universel par tous les<br />
habitants de l’Algérie. »<br />
Jusqu’en 1944, l’association des<br />
oulémas a gardé une certaine<br />
réserve sur le plan des revendications<br />
politiques, concentrant<br />
son action sur la lutte patiente et<br />
de longue haleine pour renforcer<br />
l’identité nationale et ancrer<br />
le refus de l’assimilation et le<br />
développement au sein du peuple<br />
algérien d’un fort sentiment d’appartenance<br />
à une communauté<br />
propre. Dans son mémoire à la<br />
( 26 )<br />
commission des réformes, Bachir<br />
El Brahimi parlait en 1944 d’un<br />
gouvernement algérien responsable<br />
devant un parlement algérien.<br />
L’assimilation est rejetée<br />
Au moment où éclatent les événements<br />
de 1945, l’idée nationale<br />
algérienne est profondément ancrée<br />
au sein de la population et<br />
même les modérés parmi les élites<br />
rejettent l’assimilation. Pour Mahfoud<br />
Kadache, « le Manifeste fut<br />
l’acte qui concrétisait officiellement<br />
l’option des intellectuels et des<br />
élus qui rejoignaient les nationalistes<br />
». Pour lui, « les AML furent<br />
le fruit d’un compromis entre les<br />
organisations nationalistes, (révolutionnaire<br />
et réformiste). Le<br />
PPA accepta de se rallier à l’idée<br />
d’une république fédérée, les élus<br />
se rallièrent à la patrie algérienne<br />
et abandonnèrent la thèse de l’assimilation<br />
». Ce fut la deuxième<br />
tentative de regroupement de<br />
forces politiques nationales. Dans<br />
le Congrès musulman de 1936, le<br />
mouvement nationaliste populaire<br />
(Etoile Nord-Africaine puis Parti<br />
du peuple algérien) était resté à<br />
l’écart. Dans les AML, il est fortement<br />
présent et joue le rôle d’entraînement.<br />
En 1936, les Algériens<br />
croyaient que les changements<br />
politiques intervenus en France<br />
pouvaient entraîner l’amélioration<br />
de la situation des Algériens. En<br />
1944, les données ont changé. La<br />
revendication d’une Algérie indépendante<br />
est largement partagée<br />
par les militants nationalistes regroupés,<br />
les plus modérés accep-<br />
Supplément N° 13 - Mai 2013.