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Les Homes Indiens en Guyane française - Guyaweb

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3.1.8. L’usage de la langue maternelle<br />

Par respect pour les anci<strong>en</strong>s p<strong>en</strong>sionnaires des <strong>Homes</strong> <strong>Indi<strong>en</strong>s</strong> de <strong>Guyane</strong>, nous avons<br />

choisi de ne pas développer les maltraitances subies par certains d’<strong>en</strong>tre eux. De nombreuses<br />

femmes et beaucoup d’hommes ont évoqué ce point. Il s’agit, <strong>en</strong> général, du premier sujet<br />

abordé lors de nos <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>s. Nos interlocuteurs nous ont toujours signalé qu’ils étai<strong>en</strong>t<br />

infligés lorsque l’un d’<strong>en</strong>tre eux parlait sa langue maternelle.<br />

Si, lors de la création des <strong>Homes</strong>, le désir de conserver la culture d’origine des<br />

p<strong>en</strong>sionnaires était réel, très vite celui-ci a disparu pour laisser la place à une politique<br />

d’assimilation. Michel Lohier, commissaire préfectoral des Galibis écrivait <strong>en</strong><br />

1972 (p. 157) : « Une ère nouvelle, à l’instar du Brésil, fera disparaître le mot Indi<strong>en</strong> qui fera<br />

place à celui de Guyanais, dont ils sont les vrais <strong>en</strong>fants ». Françoise Gr<strong>en</strong>and nous rappela à<br />

ce propos les paroles du père Barbotin 69 dans les années 1970 : « Pour faire d’un petit indi<strong>en</strong><br />

un bon chréti<strong>en</strong>, il faut d’abord <strong>en</strong> faire un orphelin ».<br />

Pascale Cornuel, histori<strong>en</strong>ne, a eu la g<strong>en</strong>tillesse de nous rapporter une conversation<br />

qu’elle a eue avec sœur Anne-Marie, décédée il y a quelques années et qui était la mémoire du<br />

Home de Mana. Voici des extraits de cette conversation : « Sœur Anne-Marie avait comm<strong>en</strong>cé<br />

à appr<strong>en</strong>dre la langue des <strong>en</strong>fants [le Kali’na], c’est alors qu’est arrivé l’ordre de<br />

Monseigneur Marie de les assimiler avec obligation de parler exclusivem<strong>en</strong>t le français. Tous<br />

ces <strong>en</strong>fants étai<strong>en</strong>t internes car l'objectif, ai-je compris, étant de les assimiler, il ne fallait pas<br />

qu'ils revi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t trop souv<strong>en</strong>t dans leur famille. […] Sœur Anne-Marie ajoutait <strong>en</strong>suite : et<br />

maint<strong>en</strong>ant, on respecte les langues, c'était une autre époque. Elle ajoutait : "il fallait<br />

obéir" ».<br />

L’interdiction de parler la langue maternelle pr<strong>en</strong>d une grande place dans les<br />

témoignages recueillis. Certains de nos r<strong>en</strong>dez-vous ont donné lieu à des explications<br />

familiales. Lorsque Madame Simone nous a expliqué, devant ses deux <strong>en</strong>fants, tous deux<br />

adultes et par<strong>en</strong>ts, qu’<strong>en</strong>trée au Home de Saint-Laur<strong>en</strong>t à l’âge de deux ans, il lui avait été<br />

impossible d’appr<strong>en</strong>dre le kali’na comme langue maternelle, ses deux <strong>en</strong>fants ont compris<br />

pourquoi elle n’avait pu la leur transmettre. Sa fille m’a expliqué sa honte de ne pas parler sa<br />

langue vecteur important de la culture kali’na. Il a été décidé, par l’<strong>en</strong>semble de la famille, de<br />

mettre tout <strong>en</strong> œuvre pour que les petits-<strong>en</strong>fants de la famille parl<strong>en</strong>t la langue de leur peuple.<br />

69 1909-1993, prêtre de l’Ordre du Saint-Esprit.<br />

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