Ce fleuve qui nous sépare - Eux et nous
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insurrection armée. » Suivent des numéros de téléphone pour les lecteurs tentés par la<br />
délation.<br />
Dès ce jour est posée la nouvelle histoire officielle. Elle sera vite enrichie. Un futur<br />
membre du Conseil consultatif national 8 m'expliqua qu'on avait assisté entre le 25 mai<br />
<strong>et</strong> le 4 juin à un scénario à l'iranienne : la vague populaire, toujours plus grosse, venait<br />
jour après jour frapper le roc de l'Etat, jusqu'à ce qu'à la fin le roc se brise <strong>et</strong> que la<br />
vague emporte tout... Je lui répondis tout n<strong>et</strong> qu'il nageait en plein fantasme. Oh certes,<br />
si par millions les Algériens avaient assiégé le pouvoir, Abassi porté par la révolution<br />
n'eut pas dédaigné s'asseoir dans le fauteuil de Chadli, <strong>et</strong> vous l'eussiez approuvé !<br />
Mais la situation était précisément inverse.<br />
En ces jours de juin, certains observateurs jugèrent que les autorités agissaient comme<br />
Gribouille. Pourquoi l'affrontement quand il était inutile, pour ensuite céder sur la<br />
revendication politique du FIS ? Avec le recul on ne peut plus penser de même. L'armée<br />
a parfaitement saisi que pour la première fois, le FIS était maigre <strong>et</strong> nu, qu'il était l'heure<br />
de frapper. Elle se savait détestée, elle a géré pas à pas son offensive. Comme toujours<br />
depuis trente ans, elle s'est appuyée sur la peur.<br />
La peur<br />
Car la peur du désordre est vive en Algérie. Au début de la grève, Horizons écrivait : la<br />
population craint un nouvel octobre. « Un sentiment diffus d'in<strong>qui</strong>étude, voire de peur,<br />
planait dans l'air. » L'armée peut donc pondre des analyses totalement mensongères.<br />
Personne n'est vraiment dupe. L'essentiel est dans la peur installée. Mais il fallait aux<br />
islamistes ou tomber dans le piège, ou rompre l'encerclement. Les bouts de phrases de<br />
Abassi donnent à l'armée un merveilleux grain à moudre, <strong>et</strong> alimentent la machine à<br />
fantasmer.<br />
Ainsi quand l'heure aura sonné de l'hallali contre le FIS, au début de février 1992,<br />
Rachid Mimouni va-t-il à Paris 9 raconter son juin 1991. Après l'intervention militaire, les<br />
islamistes avaient formé, à l'hôpital Mustapha, des commandos d'ordre moral pour<br />
contrôler si les nouvelles accouchées étaient bien légalement mariées. L'horreur. Je me<br />
promis immédiatement d'aller enquêter à l'hôpital Mustapha lors d'un prochain séjour<br />
algérois. En eff<strong>et</strong> dans la presse de ces jours-là on rapportait seulement que les<br />
islamistes occupaient les abords pour acheminer <strong>et</strong> protéger leurs blessés. Je n'eus pas<br />
besoin d'une telle investigation. Avant l'été parut en eff<strong>et</strong> le ré<strong>qui</strong>sitoire de Mimouni<br />
contre le FIS 10. La baudruche se dégonflait. Le commando était formé d'un seul homme,<br />
planton de l'hôpital, <strong>qui</strong> avait manifesté des velléités de contrôle que le médecin sut<br />
8<br />
. Organisme fantoche de soixante membres mis en place par Mohamed Boudiaf au lendemain du putsch<br />
de janvier 1992 pour pallier à l'absence de corps législatif.<br />
9<br />
. Me<strong>et</strong>ing du RCD à la Mutualité à la veille de l'état d'urgence.<br />
10.<br />
op 48<br />
Rachid Mimouni annonça un ouvrage consacré aux exactions islamistes de juin à l'hôpital Mustapha. Une<br />
chose lui était assurée : les islamistes n'avaient aucun moyen de lui répondre. La malédiction parut en<br />
septembre 1993. Puisque c'est un "roman", Mimouni peut fantasmer à loisir. L'ouvrage est trivial <strong>et</strong> ne<br />
mérite pas commentaire.<br />
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