01.07.2013 Views

Ce fleuve qui nous sépare - Eux et nous

Ce fleuve qui nous sépare - Eux et nous

Ce fleuve qui nous sépare - Eux et nous

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Il y aurait contresens à lire dans vos derniers mots le quelconque assentiment à une<br />

stratégie putschiste, le plus p<strong>et</strong>it accord à l'exercice d'un pouvoir dictatorial minoritaire.<br />

<strong>Ce</strong> dont vous êtes sûr, à tort, c'est que l'immense majorité du peuple ne peut que faire<br />

sienne votre vue. 11 Les témoins de votre prêche affirment que vous avez prononcé les<br />

paroles ci-dessus citées tout empli de tristesse. La victoire du FIS vous accable. D'abord<br />

à cause du score que vous trouvez ridiculement bas. Surtout, de ce passage de l'Islam<br />

par les fourches caudines de l'urne, que tout-à-coup vous ne comprenez plus. Vous avez<br />

tout fait pour que le FIS travaille dans la légalité. Et vous voilà, après ce pas de courage,<br />

saisi au tréfonds de vous-même par l'ampleur du mécompte. Dans c<strong>et</strong>te entreprise<br />

humaine, il y a quelque chose que vous n'aviez pas prévu. Parce que n'est jamais prévu<br />

l'obstacle quand on a l'audace de l'audace. Vous vous interrogez vous-même <strong>et</strong><br />

publiquement, ce <strong>qui</strong> fait preuve de singulière richesse.<br />

« Comment ce concept de démocratie, <strong>qui</strong> <strong>nous</strong> est étranger, a-t-il envahi ce pays au<br />

point que depuis les événements d'octobre, on le trouve dans toutes les bouches ? »<br />

Aïssa Khelladi, <strong>qui</strong> vous cite ici, ajoute : « <strong>Ce</strong>tte question qu'il a posée, sans doute pour<br />

lui-même, constitue un aveu de taille ainsi que le plus bel hommage qu'un homme de<br />

sa trempe puisse rendre aux démocrates. » 12 Aïssa Khelladi est le seul démocrate<br />

algérien <strong>qui</strong> ait compris votre personnalité. Car c<strong>et</strong>te question de la démocratie ne vous<br />

<strong>qui</strong>ttera plus. Déjà votre mot sur la victoire de l'Islam <strong>et</strong> non de la démocratie fait aveu.<br />

Vos électeurs ont bien sûr voté pour l'Islam. Mais ils ont voté, Cheikh, ils ont voté !<br />

<strong>Ce</strong>s deux réalités : vous n'êtes pas la majorité écrasante, <strong>et</strong> la démocratie emporte<br />

légitimité, font pour vous contradiction absolue avec vos certitudes. <strong>Ce</strong>tte contradiction<br />

va vous travailler insidieusement, vous remuer de fond en comble <strong>et</strong> porter son brandon<br />

jusqu'à l'implosion de juin 1991. Juin 1991 n'est pas compréhensible hors de la lumière<br />

de c<strong>et</strong>te tristesse avouée de juin 1990, <strong>et</strong> de c<strong>et</strong>te interrogation <strong>qui</strong> vous traverse, de<br />

ce dilemme dont l'urgence vous brûle <strong>et</strong> dont vous ne verrez issue qu'à le laisser<br />

débrouiller par l'histoire.<br />

Un mot d'Islam peut faire clé de c<strong>et</strong>te journée. La démocratie vous glisse dans le cœur<br />

une fitna, c'est-à-dire une épreuve, une discrimination, un obstacle qu'il vous faut<br />

affronter puisque vous avez le courage de refuser de ne le voir pas. A la même heure,<br />

une poignée de vos ennemis, les communistes, effarés par le verdict de l'urne, ne vont<br />

plus songer qu'à briser l'urne, c'est-à-dire à porter dans la cité la fitna, dans son sens<br />

dérivé le plus courant : division meurtrière de la communauté. La démocratie pénètre<br />

en vous, pour votre inconfort, dans l'instant où, pour leur confort, elle les déserte.<br />

*<br />

L'idée de fonder un parti religieux politique est apparue dans votre esprit, en même<br />

temps que dans celui de Cheikh al Hachemi Sahnouni. 13 Vous proposez un « Front<br />

11<br />

. Cf.interview du nouvel élu tête de liste FIS à Sétif, bien représentatif de la sensibilité des cadres FIS :<br />

"Nous <strong>nous</strong> attendions à des résultats beaucoup plus importants." in AR n°7.<br />

12<br />

. op 43. Aïssa Khelladi ajoute : "<strong>Ce</strong>s derniers prendront-ils un jour conscience que ce n'est pas à eux<br />

que Ali Benhadj doit faire peur, mais aux autres, à tous les "faux dévots" <strong>et</strong> les vrais re<strong>qui</strong>ns que sa<br />

détention arrange?"<br />

13<br />

. cf.el Mounqid, cité in op 59.<br />

39

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!