Ce fleuve qui nous sépare - Eux et nous
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dans la sensibilité de son intime. Et qu'il m'écrive s'il croit savoir que dans le long de<br />
l'Histoire de France un cri de ce pathétique se soit jamais fait entendre.<br />
De la misère comme commencement<br />
C'est dans c<strong>et</strong>te glu d'angoisse, c'est dans c<strong>et</strong> espace absolument non normé, c'est<br />
dans c<strong>et</strong>te anomie d'histoire, qu'arrivèrent, el Hamdou Lilah, les hommes de la Dawa.<br />
Arpentant, par groupes, les ruelles des vieilles villes <strong>et</strong> les chemins fétides des neuves<br />
cités, avec la rigueur des inlassables, ils apportèrent, à l'angoisse ouverte, la réponse<br />
inespérée. Elle se dit en peu de mots : « Yadjouz, la yadjouz », c'est permis, ce n'est<br />
pas permis. En Islam, ceci t'est autorisé, cela t'est interdit.<br />
Quand tous les repères sont évanouis, quand menace le nihilisme, quand la déroute<br />
emmène au bord de la psychose, le seul don <strong>qui</strong> puisse être fait, absolument le seul,<br />
pour le sauv<strong>et</strong>age, c'est le don de la Loi. Quand la barbarie, au sens de la défaite de<br />
toute civilisation, déferle dans l'espace psychique, quand la dissolution menace la<br />
personnalité, le bout de bois, le fétu, le rien à quoi il faut impérativement s'accrocher<br />
s'appelle la Loi.<br />
Je dis les vues du FIS totalitaires, quand vous voulûtes imposer à l'ensemble de la<br />
société algérienne ce <strong>qui</strong> ne faisait nécessité que pour sa moitié. Mais je reste sûr que<br />
pour la jeunesse <strong>qui</strong> s'engoua pour le FIS, le « yadjouz, la yadjouz » était de l'ordre de<br />
l'urgence vitale. Car la loi n'est point contrainte, mais appui. C'est quand est posé un<br />
haram que peuvent se déployer les immenses possibilités du halal. C'est à partir <strong>et</strong> à<br />
partir seulement du haram que l'existence, en humanité, est possible.<br />
Dans le trauma avéré qu'étaient le mensonge des pères <strong>et</strong> la brutalité du vide, les<br />
enfants d'Algérie ne pouvaient se sauver qu'à s'arrimer au plus vite au socle de la loi <strong>qui</strong><br />
leur perm<strong>et</strong>te de voir venir. On ne sort du Chaos qu'avec le distinguo, le un/deux, le jour,<br />
la nuit : c'est ce que le début du monothéisme a apporté au monde. C'est de l'autisme<br />
que les islamistes ont tiré les Algériens de la hogra.<br />
Loin d'être une régression, le « yadjouz, la yadjouz » fait au contraire point de départ.<br />
Les modernistes se sont gaussés. Les islamistes n'enseignaient-ils pas à c<strong>et</strong>te jeunesse<br />
déboussolée avec quel pied, du gauche ou du droit, il fallait entrer dans les WC ?<br />
Quand on est totalement perdu dans ce bas monde, une telle règle toute bête perm<strong>et</strong><br />
de vivre un jour, d'enchaîner le jour suivant, exactement de pouvoir m<strong>et</strong>tre un pied<br />
devant l'autre, <strong>et</strong> lâches sont ceux <strong>qui</strong> veulent r<strong>et</strong>irer à ces enfants le balisage de leur<br />
possible. Le « yadjouz, la yadjouz » fut génial. Non que vous islamistes soyez géniaux :<br />
hommes vous êtes. Mais parce que c'est le génie des peuples que de puiser dans leur<br />
fonds propre les moyens de la survie.<br />
Grâce au don de la Loi, les islamistes algériens ont permis le sauv<strong>et</strong>age ontologique de<br />
la jeunesse de la difficulté .<br />
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