01.07.2013 Views

Ce fleuve qui nous sépare - Eux et nous

Ce fleuve qui nous sépare - Eux et nous

Ce fleuve qui nous sépare - Eux et nous

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Le 25 au soir, trois membres du Majliss du FIS apparaissent à la télévision pour signifier<br />

leur dissidence. Bachir F'kih déclare : « Abassi Madani est un danger pour le FIS <strong>et</strong> les<br />

musulmans. » La rue crie à la traîtrise, mais les mâchoires de l'étau se rapprochent fort.<br />

Abassi croit encore à la négociation, <strong>et</strong> pose cinq revendications : levée immédiate de<br />

l'état de siège <strong>et</strong> du couvre-feu, arrêt de la violence <strong>et</strong> de l'effusion de sang,<br />

réintégration des grévistes, élargissement des personnes arrêtées <strong>et</strong> cessation de toute<br />

poursuite, annonce officielle des échéances des élections législatives <strong>et</strong> présidentielles.<br />

El Moudjahid commente : « De toute évidence, Abassi Madani a perdu le sens de la<br />

mesure. » 19 Les demandes sont pourtant modérées. Mais c'est la mesure de la réalité<br />

que ne prend pas le président du FIS.<br />

Les derniers mots<br />

Le 28, à Kouba, Abassi menace du djihad si la pression militaire ne diminue pas. C'est<br />

le mot qu'il ne fallait pas prononcer. Nezzar faisait tout depuis des semaines pour qu'il le<br />

soit. <strong>Ce</strong> n'était qu'une menace. Mais elle est typique de ce qu'en Algérie on appelle un<br />

dépassement. Non pas tant le franchissement d'une limite légale, que le bris d'un<br />

consensus tacite, le non-respect d'un ordre social <strong>et</strong> de la hiérarchie <strong>qui</strong> en est clef de<br />

voûte.<br />

<strong>Ce</strong> <strong>qui</strong> vous a perdu, c'est c<strong>et</strong>te contradiction entre la contestation démocratique d'une<br />

loi, la demande de modification d'une loi électorale, <strong>et</strong> la tolérance dans vos cortèges<br />

d'un mot d'ordre entendu, « République islamique sans vote ». Vous avez cru avoir<br />

stratégiquement deux fers au feu, le bull<strong>et</strong>in <strong>et</strong> le djihad, <strong>et</strong> ce flou vous a engloutis. Les<br />

hommes sont toujours, même s'ils l'ignorent, beaucoup plus naïfs que machiavéliques.<br />

Quand vous serez à terre, la boue se déversera contre vous à tombereaux, sans crainte<br />

de la réplique. On répétera alors que vous étiez d'un cynisme inouï, à vouloir par la<br />

démocratie tuer la démocratie. Si telle avait été la stratégie, la gestion de juin eût été<br />

tout autre. Vous eussiez vu d'emblée que vous aviez proposé aux Algériens un acte<br />

difficile (la grève) pour un but bien loin de leurs préoccupations (le découpage des<br />

circonscriptions). Dès le début de l'offensive de Nezzar, vous eussiez constaté que les<br />

grandes masses ne s'embrasaient pas, <strong>et</strong> opéré un repli rapide, contracté telle alliance<br />

politicienne provisoire <strong>et</strong> rompu l'encerclement par l'adresse aux citoyens, en sautant sur<br />

ces kbech lostraly, sur la trêve de l'Aïd ou sur n'importe quoi <strong>qui</strong> perm<strong>et</strong>te au peuple de<br />

dire : ce que dit là le FIS, c'est bien la vérité ! <strong>et</strong> de vous tendre paume ouverte la main<br />

droite.<br />

Mais vous ne vouliez ni alliance ni compromis, parce que vous vouliez la République<br />

islamique, celle de la difficulté. Votre gestion de juin fut tout sauf démagogique ou<br />

cynique, <strong>et</strong> demeure témoignage d'une indiscutable honnêt<strong>et</strong>é.<br />

Comme vous aviez attaqué, tous ces mois précédant juin ! Les démocrates, les<br />

berbérisants, la presse, l'Occident, les Juifs <strong>et</strong> j'en passe ! <strong>et</strong> l'armée ! 20 <strong>Ce</strong> <strong>qui</strong> vous<br />

19 . EM, 27-06-1991.<br />

20 . A la veille du déclenchement de la grève, Abassi : "Notre grève sera légale. Au cas où l'armée […]<br />

sortirait dans la rue, <strong>nous</strong> la battrons. Si une goutte de sang venait à couler, je jure par Dieu que <strong>nous</strong> les<br />

87

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!