anaLyse de la vioLence armée au burundi
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ANALYSE DE LA VIOLENCE ARMÉE AU BURUNDI<br />
La violence exercée par le Palipehutu-FNL a changé, tant par sa forme que par<br />
son envergure, <strong>au</strong> cours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rnières années. D’après les chiffres <strong>de</strong> <strong>la</strong> Ligue<br />
Iteka, le nombre d’homici<strong>de</strong>s commis par le Palipehutu-FNL est passé <strong>de</strong> 224<br />
en 2005 (dont 159 personnes exécutées lors du seul massacre du camp <strong>de</strong><br />
réfugiés <strong>de</strong> Gatumba 86 ) à 40 en 2006, avant <strong>de</strong> remonter à 96 en 2007 (Ligue<br />
Iteka, 2006, p. 12 ; 2007a, p. 41 ; 2008, p. 14). Alors que par le passé les<br />
membres du Palipehutu-FNL se rendaient rarement coupables <strong>de</strong> viol—selon<br />
un rapport <strong>de</strong> HRW, le groupe suivait une discipline d’inspiration religieuse et<br />
les violeurs pouvaient être punis <strong>de</strong> mort (HRW, 2004a, p. 7 ; Small Arms<br />
Survey, 2008, p. 23)—ce tabou re<strong>la</strong>tif semble ne plus être <strong>de</strong> mise : les mois <strong>de</strong><br />
février et mars 2008 ont été marqués par plusieurs viols collectifs perpétrés<br />
par <strong>de</strong>s combattants du Palipehutu-FNL (BINUB-DDH, 2008b, p. 7 ; 2008c, p. 3).<br />
Depuis l’arrêt <strong>de</strong>s combats fin mai 2008 et <strong>la</strong> reprise du processus <strong>de</strong> paix, les<br />
combattants du FNL atten<strong>de</strong>nt d’intégrer le site <strong>de</strong> rassemblement <strong>de</strong> Rubira en<br />
province <strong>de</strong> Bubanza afin <strong>de</strong> bénéficier du programme <strong>de</strong> DDR ou <strong>de</strong> commencer<br />
le processus d’intégration. Le fait que les combattants tar<strong>de</strong>nt à être cantonnés crée<br />
un véritable climat d’insécurité : les habitants <strong>de</strong> différentes communes <strong>de</strong> Bubanza<br />
et <strong>de</strong> Bujumbura Rural se disent victimes <strong>de</strong> pil<strong>la</strong>ges (Burundi Tribune, 2009c).<br />
Le nombre <strong>de</strong> membres du Palipehutu-FNL reste sujet à débat. Le FNL a<br />
officiellement déc<strong>la</strong>ré que le groupe armé était composé <strong>de</strong> 21 100 combattants<br />
(IRIN, 2008c). D’après International Crisis Group, ils seraient entre<br />
2000 et 3000 (ICG, 2007, p. 6). Selon une source officielle burundaise, le<br />
gouvernement s’attend à en recevoir entre 5000 et 6000 lors d’un éventuel<br />
regroupement dans les camps <strong>de</strong> cantonnement à c<strong>au</strong>se <strong>de</strong> récents recrutements<br />
<strong>de</strong> masse. Chaque avancée <strong>de</strong>s négociations semble en effet susciter<br />
<strong>de</strong>s recrutements ou <strong>de</strong>s arrivées spontanées <strong>de</strong> jeunes gens souhaitant<br />
bénéficier <strong>de</strong> l’intégration <strong>au</strong> sein <strong>de</strong>s forces <strong>de</strong> défense et <strong>de</strong> sécurité ou du<br />
programme <strong>de</strong> démobilisation (Burundi Tribune, 2009b).<br />
Les « dissi<strong>de</strong>nts »<br />
En septembre 2007, dans <strong>la</strong> commune <strong>de</strong> Buterere, <strong>de</strong>s accrochages ont eu<br />
lieu entre le Palipehutu-FNL d’Agathon Rwasa et 300 dissi<strong>de</strong>nts du mouvement<br />
apparemment désireux <strong>de</strong> cesser le combat armé, sous le regard passif<br />
<strong>de</strong>s forces régulières. Ces affrontements ont provoqué un dép<strong>la</strong>cement <strong>de</strong><br />
popu<strong>la</strong>tion (Studio Tubane, 2007a). Fin septembre et début octobre, les<br />
fidèles d’Agathon Rwasa ont bombardé les dissi<strong>de</strong>nts à plusieurs reprises<br />
(Studio Tubane, 2007b ; 2007c)—<strong>de</strong>ux mois pendant lesquels l’Observatoire<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> violence <strong>armée</strong> a enregistré un net pic d’inci<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> violence <strong>armée</strong><br />
« FNL/FNL » 87 . Certains dissi<strong>de</strong>nts se sont retournés contre <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion locale,<br />
les accusant <strong>de</strong> soutenir le mouvement d’Agathon Rwasa. Des civils ont été<br />
agressés physiquement et <strong>de</strong>s maisons saccagées (Studio Tubane, 2007d).<br />
Le flou reste complet sur l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> ces dissi<strong>de</strong>nts, qui réc<strong>la</strong>ment leur<br />
intégration dans les forces <strong>de</strong> sécurité burundaises 88 . Il pourrait s’agir <strong>de</strong><br />
recrues récentes du Palipehutu-FNL qui, attirées par <strong>la</strong> perspective d’une<br />
démobilisation et d’une intégration dans les forces <strong>de</strong> sécurité, <strong>au</strong>raient rejoint<br />
le mouvement en 2006, <strong>au</strong> moment du cessez-le-feu, et refusé <strong>de</strong> combattre<br />
lorsque le Palipehutu-FNL a quitté le MCVS. Début 2008, 2740 présumés<br />
dissi<strong>de</strong>nts ont été répertoriés par <strong>la</strong> force <strong>de</strong> l’Union Africaine (UA) (Conseil <strong>de</strong><br />
sécurité, 2008a, para.54) et sont répartis entre les camps <strong>de</strong> Randa et <strong>de</strong><br />
Buramata 89 . Les habitants du premier sont désarmés et encadrés par les forces<br />
<strong>de</strong> l’UA, tandis que ceux <strong>de</strong> Buramata ont gardé leurs armes et sont plus ou<br />
moins encadrés par <strong>la</strong> FDN. Les popu<strong>la</strong>tions situées <strong>au</strong>tour <strong>de</strong>s camps ne sont<br />
pas rassurées par <strong>la</strong> présence d’hommes armés dans leur région 90 . Selon une<br />
<strong>au</strong>tre source, les dissi<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> Buramata se rendraient coupables <strong>de</strong> vols et<br />
d’embusca<strong>de</strong>s 91 . A Randa, les dissi<strong>de</strong>nts, armés, sont <strong>de</strong>venus une véritable<br />
source d’insécurité pour <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion environnante (Burundi Réalités, 2007).<br />
II.B.4. Quelles solutions ?<br />
Compte tenu du nombre d’actes <strong>de</strong> violence <strong>armée</strong> qui sont liés, directement ou<br />
indirectement, à <strong>la</strong> poursuite du conflit entre le Palipehutu-FNL et le gouvernement,<br />
il est essentiel que <strong>la</strong> déc<strong>la</strong>ration <strong>de</strong> cessation <strong>de</strong>s hostilités signée le 26<br />
mai 2008 soit respectée. Sur le court terme, afin que les actes criminels commis<br />
par certains membres du FNL à l’égard <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion cessent, il f<strong>au</strong>t que les<br />
combattants du mouvement puissent être cantonnés et commencer rapi<strong>de</strong>ment<br />
les processus <strong>de</strong> démobilisation et d’intégration. Le gouvernement doit<br />
également tenir <strong>de</strong>ux promesses : celle <strong>de</strong> relâcher les prisonniers politiques,<br />
prise <strong>au</strong> moment <strong>de</strong> l’accord <strong>de</strong> cessez-le-feu <strong>de</strong> septembre 2006, et réitérée<br />
lors du sommet <strong>de</strong>s Chefs d’Etat <strong>de</strong> <strong>la</strong> Région <strong>de</strong>s Grands Lacs en décembre<br />
2008, et celle d’intégrer les combattants du Palipehutu-FNL <strong>au</strong> sein <strong>de</strong>s<br />
institutions nationales et dans les forces <strong>de</strong> sécurité, tout en veil<strong>la</strong>nt <strong>au</strong> respect<br />
<strong>de</strong> l’équilibre ethnique <strong>de</strong> ces mêmes forces. Enfin, le Palipehutu-FNL s’est<br />
engagé à s’enregistrer comme parti politique sous un <strong>au</strong>tre nom 92 (Heads of<br />
State of the Great Lakes Region, 2008).<br />
Il est également important <strong>de</strong> prévoir un programme <strong>de</strong> démobilisation,<br />
désarmement et réintégration (DDR) plus performant par exemple en respectant<br />
le calendrier <strong>de</strong>s étapes prévues 93 afin que les bénéficiaires puissent<br />
obtenir l’ai<strong>de</strong> à <strong>la</strong> réintégration tout <strong>de</strong> suite après <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> réinsertion.<br />
Dans ce sens, le gouvernement du Burundi a présenté en janvier 2009 <strong>au</strong><br />
Groupe <strong>de</strong>s Envoyés Spéci<strong>au</strong>x un document <strong>de</strong> stratégie sur <strong>la</strong> réintégration<br />
socio-économique durable <strong>de</strong>s ex-combattants (Groupe <strong>de</strong>s Envoyés Spéci<strong>au</strong>x,<br />
67<br />
LES MANIfESTATIONS DE LA VIOLENCE ARMÉE<br />
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iii<br />
iv