anaLyse de la vioLence armée au burundi
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ANALYSE DE LA VIOLENCE ARMÉE AU BURUNDI<br />
mars et septembre 2006, suivie loin <strong>de</strong>rrière par le SNR et <strong>la</strong> PNB. La gran<strong>de</strong><br />
majorité <strong>de</strong>s cas imputables <strong>au</strong>x militaires paraissent être <strong>de</strong>s exécutions<br />
sommaires ou <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> torture à l’égard <strong>de</strong> membres ou <strong>de</strong> col<strong>la</strong>borateurs<br />
présumés du Palipehutu-FNL (ONUB, OHCDH-B, 2006c, 2006d, 2006e,<br />
2006g, 2006h, 2006j). En revanche, à partir du mois suivant <strong>la</strong> signature du<br />
cessez-le-feu <strong>de</strong> septembre 2006, <strong>la</strong> répartition s’est radicalement inversée,<br />
<strong>la</strong> PNB passant en première position <strong>de</strong>s <strong>au</strong>teurs <strong>de</strong> vio<strong>la</strong>tions <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong><br />
l’homme commises par les membres <strong>de</strong>s corps <strong>de</strong> défense et <strong>de</strong> sécurité,<br />
avec 74,2 % <strong>de</strong>s cas d’atteintes <strong>au</strong> droit à <strong>la</strong> vie et d’atteintes à l’intégrité<br />
physique entre octobre 2006 et juillet 2007, les militaires n’étant plus<br />
responsables que <strong>de</strong> 15,7 % <strong>de</strong> ces mêmes vio<strong>la</strong>tions.<br />
En 2007, 195 affaires ont été jugées par <strong>la</strong> Cour militaire et le Conseil <strong>de</strong><br />
guerre (République du Burundi, Ministère <strong>de</strong> <strong>la</strong> Défense nationale et <strong>de</strong>s<br />
anciens combattants, 2007). Un tiers <strong>de</strong>s affaires initialement prévues ne<br />
sont finalement jamais passées en jugement, ce qui tend à indiquer que le<br />
système juridique militaire manque d’efficacité ou <strong>de</strong> ressources. Un tiers<br />
<strong>de</strong>s affaires jugées en 2007 concernaient une perte d’arme par négligence,<br />
11,3 % une désertion, 10, 3 % un meurtre, 8,7 % <strong>de</strong>s coups et blessures<br />
volontaires, 6,7 % un viol et 3 % un vol qualifié. Ces chiffres montrent que <strong>la</strong><br />
plupart <strong>de</strong>s cas concernent <strong>de</strong>s f<strong>au</strong>tes disciplinaires et non <strong>de</strong>s vio<strong>la</strong>tions<br />
<strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> l’homme. Dans certains cas, <strong>de</strong>s pressions politiques peuvent<br />
étouffer certaines affaires, concourant <strong>au</strong> sentiment d’impunité <strong>la</strong>rgement<br />
ressenti par <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion (voir section III.C).<br />
La police<br />
D’après l’Observatoire <strong>de</strong> <strong>la</strong> violence <strong>armée</strong>, les policiers sont responsables <strong>de</strong><br />
9 % <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> violence <strong>armée</strong> enregistrés entre août 2007 et décembre<br />
2008 (PNUD, 2007a ; 2008a). Entre 2006 et 2008, 119 cas <strong>de</strong> torture commis<br />
par <strong>de</strong>s policiers ont été présentés à l’ONG Avocats sans frontières (ASF)<br />
(HRW, 2008b, p. 31). Dans une étu<strong>de</strong> sur <strong>la</strong> torture menée dans les provinces<br />
<strong>de</strong> Bujumbura-Mairie, Bujumbura Rural, Bubanza et Muramvya par <strong>la</strong> Ligue<br />
Iteka en novembre 2007, les policiers ont été cités comme <strong>au</strong>teurs <strong>de</strong>s tortures<br />
par 86 % <strong>de</strong>s personnes interrogées 106 (Ligue Iteka, 2007b, pp. 8–14).<br />
Les motifs <strong>de</strong> torture semblent différer selon les provinces. Selon les<br />
personnes interviewées <strong>la</strong> torture est principalement utilisée pour « punir » à<br />
Muramvya, Bubanza et Bujumbura Rural. A Bujumbura-Mairie, 50 % <strong>de</strong>s<br />
personnes interviewées ont affirmé que <strong>la</strong> torture était employée pour<br />
extorquer <strong>de</strong>s aveux, 35 % pour punir et 15 % pour obtenir <strong>de</strong>s renseignements<br />
(Ligue Iteka, 2007b, p. 15). En octobre 2007, <strong>de</strong>s policiers travail<strong>la</strong>nt<br />
pour le Groupement mobile d’intervention rapi<strong>de</strong> (GMIR) ont torturé une<br />
vingtaine <strong>de</strong> personnes qu’ils soupçonnaient d’appartenir <strong>au</strong> Palipehutu-FNL<br />
(HRW, 2008b, pp. 9–11).<br />
Evoluant <strong>au</strong> sein <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion puisqu’ils ne sont pas casernés, les<br />
policiers sont be<strong>au</strong>coup plus libres <strong>de</strong> leurs faits et gestes que les militaires.<br />
Les sa<strong>la</strong>ires <strong>de</strong>s agents <strong>de</strong> <strong>la</strong> PNB ont <strong>au</strong>gmenté en 2007 mais les<br />
moins gradés ne gagnent encore que 40 000 FBU (35 USD) par mois, ce qui<br />
suffit à peine à les loger 107 . Mal payés, peu encadrés et armés, certains<br />
éléments <strong>de</strong> <strong>la</strong> police commettent parfois <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> banditisme. Même<br />
si l’existence <strong>de</strong> tels actes est reconnue par les <strong>au</strong>torités, il est souvent<br />
difficile d’i<strong>de</strong>ntifier les agresseurs avec certitu<strong>de</strong> étant donné que certains<br />
civils revêtent <strong>de</strong>s tenues militaires et policières pour commettre <strong>de</strong>s délits<br />
(Small Arms Survey, 2008, p. 11) ou que certains membres <strong>de</strong>s forces <strong>de</strong><br />
sécurité ne portent pas leur uniforme quand ils commettent <strong>de</strong>s exactions.<br />
Lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> série <strong>de</strong> fouilles et <strong>de</strong> saisies d’armes qui a eu lieu début 2008,<br />
les policiers ont trouvé à plusieurs reprises <strong>de</strong>s tenues policières et<br />
militaires chez <strong>de</strong>s civils 108 .<br />
Le Service National <strong>de</strong> Renseignement<br />
En octobre 2006, le prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> République a admis que le SNR s’était<br />
rendu coupable <strong>de</strong> bavures <strong>au</strong> cours d’interrogatoires, d’actes <strong>de</strong> corruption<br />
et d’abus <strong>de</strong> pouvoir (Butoyi, 2006). Cette même année, les agents du SNR<br />
étaient soupçonnés d’avoir commis 38 exécutions extrajudiciaires et d’être<br />
responsables d’<strong>au</strong> moins 13 cas <strong>de</strong> tortures (HRW, 2006b, pp. 13, 24).<br />
Anciennement connu sous le nom <strong>de</strong> « Documentation nationale », le SNR,<br />
créé par une loi <strong>de</strong> 2006, rend directement compte à <strong>la</strong> prési<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
République. Il est généralement perçu par <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion comme l’instrument<br />
<strong>de</strong> répression du pouvoir (Small Arms Survey, 2008, p. 17) et est souvent<br />
montré du doigt pour ses exactions : arrestations et emprisonnements<br />
arbitraires, interrogatoires brut<strong>au</strong>x, non respect <strong>de</strong>s procédures. Les<br />
victimes n’osent en général pas porter p<strong>la</strong>inte, car le SNR jouit <strong>de</strong> protection<br />
en h<strong>au</strong>t lieu (Small Arms Survey, 2008, p. 17).<br />
Le SNR a <strong>la</strong>rgement participé à <strong>la</strong> lutte contre le Palipehutu-FNL, notamment<br />
par le biais <strong>de</strong> détentions arbitraires—parfois dans <strong>de</strong>s lieux c<strong>la</strong>n<strong>de</strong>stins et,<br />
souvent, bien <strong>au</strong>-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s dé<strong>la</strong>is lég<strong>au</strong>x. La Ligue Iteka montre qu’en 2006,<br />
ce phénomène touchait surtout les quartiers nord <strong>de</strong> Bujumbura-Mairie et <strong>la</strong><br />
province <strong>de</strong> Bujumbura Rural (Small Arms Survey, 2008, p. 19). Au cours <strong>de</strong><br />
ces détentions, les présumés rebelles sont parfois torturés à coups <strong>de</strong><br />
matraque, <strong>de</strong> barres <strong>de</strong> fer, <strong>de</strong> ceintures et <strong>de</strong> fils électriques (Small Arms<br />
Survey, 2008, p. 18 ; Ligue Iteka, 2007a, p. 46). Selon <strong>la</strong> Ligue Iteka, en 2006<br />
73<br />
LES MANIfESTATIONS DE LA VIOLENCE ARMÉE<br />
i<br />
ii<br />
iii<br />
iv