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anaLyse de la vioLence armée au burundi

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ANALYSE DE LA VIOLENCE ARMÉE AU BURUNDI<br />

(African Centre for the Constructive Resolution of Disputes), par exemple,<br />

enregistre un t<strong>au</strong>x <strong>de</strong> succès d’environ 35 % dans ses tentatives <strong>de</strong> médiation<br />

147 . D’<strong>au</strong>tres conflits sont réglés par le biais <strong>de</strong>s Bashingantahe, qui ren<strong>de</strong>nt<br />

une justice traditionnelle basée sur le consensus et <strong>la</strong> réconciliation. La loi du<br />

20 avril 2005 portant sur l’organisation <strong>de</strong> l’administration communale prévoit<br />

que les Bashingantahe travaillent avec les élus commun<strong>au</strong>x pour résoudre les<br />

conflits <strong>de</strong> proximité, dont les conflits fonciers font partie 148 .<br />

L’action <strong>de</strong> <strong>la</strong> Commission nationale <strong>de</strong>s terres et <strong>au</strong>tres biens (CNTB),<br />

centrée sur le nive<strong>au</strong> local et <strong>la</strong> médiation, correspond à cette volonté <strong>de</strong><br />

régler les conflits sans passer par <strong>de</strong>s tribun<strong>au</strong>x déjà surchargés et peu<br />

efficaces. Créée en 2006 sous l’égi<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Vice-prési<strong>de</strong>nce pour tenter <strong>de</strong><br />

répondre à ces problèmes, elle représente <strong>la</strong> quatrième initiative (après les<br />

commissions mises en p<strong>la</strong>ce en 1977, en 1992 et en 2000) visant à ai<strong>de</strong>r les<br />

rapatriés à récupérer leurs biens fonciers et à régler les litiges 149 (RCN, 2004,<br />

p. 9, 12, 17) 150 . Comme son nom l’indique, cette nouvelle Commission dépasse<br />

par son mandat les seuls conflits fonciers pour prendre en compte également<br />

les « <strong>au</strong>tres biens » que les réfugiés et dép<strong>la</strong>cés ont pu perdre <strong>au</strong> moment <strong>de</strong><br />

leur départ : ce<strong>la</strong> inclut par exemple les maisons détruites, les véhicules<br />

volés à leurs propriétaires, les comptes bancaires spoliés, etc. 151<br />

La tâche principale <strong>de</strong> <strong>la</strong> Commission est le règlement <strong>de</strong>s conflits fonciers,<br />

grâce à <strong>de</strong>s re<strong>la</strong>is loc<strong>au</strong>x 152 . Elle doit également faire l’inventaire <strong>de</strong>s terres<br />

appartenant à l’Etat (terres domaniales) et récupérer les terres illégalement<br />

acquises pendant <strong>la</strong> guerre 153 , pour les redistribuer <strong>au</strong>x sinistrés qui en ont<br />

besoin. A l’heure actuelle, <strong>la</strong> CNTB cherche encore à définir les bases <strong>de</strong> son<br />

fonctionnement. Les particuliers qui occupent indûment une terre doivent<br />

certes <strong>la</strong> restituer, mais rien n’a encore été décidé en termes <strong>de</strong> ce qu’il sera<br />

possible <strong>de</strong> leur donner en échange (compensation financière ou <strong>au</strong>tre<br />

terre)—si tant est qu’une telle compensation puisse être attribuée 154 . Sur un<br />

total <strong>de</strong> 18 832 p<strong>la</strong>intes déposées—dont un peu plus <strong>de</strong> 10 000 pour les seuls<br />

biens fonciers, principalement dans les provinces situées à l’ouest du<br />

pays)—seules 358 ont pu être réglées (272 par arrangement à l’amiable, 86<br />

par décision <strong>de</strong> <strong>la</strong> CNTB), c’est-à-dire 2 % du total (CNTB, 2008).<br />

Le gouvernement du Burundi a par ailleurs <strong>la</strong>ncé un projet <strong>de</strong> réforme du co<strong>de</strong><br />

foncier et a mis en p<strong>la</strong>ce un Comité Technique Interministériel chargé <strong>de</strong> mener<br />

cette révision. En septembre 2008, le comité a é<strong>la</strong>boré une « lettre <strong>de</strong> politique<br />

foncière » visant à définir une stratégie opérationnelle (Nkurunziza, 2008).<br />

iii. coûts et conséquences : soigner<br />

et accompagner les victimes<br />

iii.A. La prise en charge médicale <strong>de</strong>s victimes<br />

Les effets <strong>de</strong> <strong>la</strong> violence <strong>armée</strong> sont accentués par le manque d’accès <strong>au</strong>x<br />

soins <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion burundaise, un état <strong>de</strong> fait dénoncé par <strong>de</strong> nombreuses<br />

organisations (voir par exemple MSF, 2004 et HRW, 2006a). Les structures<br />

<strong>de</strong> soins sont pourtant nombreuses, malgré les <strong>de</strong>structions c<strong>au</strong>sées par<br />

<strong>la</strong> guerre : l’Organisation mondiale <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé (OMS) indique que 80 % <strong>de</strong>s<br />

Burundais habitent à moins <strong>de</strong> cinq kilomètres d’un centre <strong>de</strong> santé (OMS,<br />

non daté, p. 17). Le réel problème se situe <strong>au</strong> nive<strong>au</strong> du manque <strong>de</strong> personnel<br />

qualifié et d’équipement, ainsi que <strong>de</strong> l’impossibilité dans <strong>la</strong>quelle se<br />

trouvent <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s patients <strong>de</strong> payer les soins dans les hôpit<strong>au</strong>x qui<br />

disposent, eux, <strong>de</strong> personnel.<br />

Le Burundi manque <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins. En 2004, on en comptait en moyenne 3 pour<br />

100 000 habitants (PNUD, 2007b, p. 250). Une gran<strong>de</strong> partie du personnel<br />

qualifié a quitté le pays pendant <strong>la</strong> guerre, et peu sont revenus. Une trentaine<br />

seulement <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins sont formés par an (contre 300 infirmières), et le<br />

faible nive<strong>au</strong> <strong>de</strong>s sa<strong>la</strong>ires pousse nombre d’entre eux à s’expatrier. Parmi<br />

ceux qui restent, peu acceptent <strong>de</strong> quitter Bujumbura, car les sa<strong>la</strong>ires sont<br />

encore plus bas en-<strong>de</strong>hors <strong>de</strong> <strong>la</strong> capitale 155 . Les dépenses publiques <strong>de</strong> santé<br />

sont particulièrement faibles <strong>au</strong> Burundi (0,97 % du PIB en 2005, contre 4,1<br />

% <strong>au</strong> Rwanda et 2,9 % en Tanzanie par exemple) 156 .<br />

L’OMS a entrepris <strong>de</strong> donner une formation en chirurgie légère à quelques<br />

mé<strong>de</strong>cins 157 , mais ce<strong>la</strong> reste <strong>la</strong>rgement insuffisant pour offrir une possibilité<br />

<strong>de</strong> traitement à toutes les victimes <strong>de</strong> violence <strong>armée</strong>. Les blessures par<br />

balle, par exemple, provoquent souvent <strong>de</strong>s fractures et <strong>de</strong>s lésions<br />

osseuses, mais l’hôpital Prince Régent Charles qui est avec ses 600 lits le<br />

plus grand hôpital <strong>de</strong> Bujumbura, ne dispose même pas d’un orthopédiste<br />

qualifié. Il doit compter sur un généraliste qui dispose d’un peu d’expérience<br />

dans le domaine orthopédique et qu’il emploie comme vacataire 158 . L’hôpital<br />

militaire <strong>de</strong> Kamenge ne peut traiter ni les cas <strong>de</strong> chirurgie maxillo-faciale, ni<br />

ceux <strong>de</strong> neurochirurgie, qui représentent un certain nombre <strong>de</strong>s cas <strong>de</strong><br />

89<br />

COûTS ET CONSÉqUENCES<br />

i<br />

ii<br />

iii<br />

iv

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