Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro
de la Prensa-Baszn Özeti
Ankara marchande son soutien
à Bush contre l'Irak
Le vice-président américain Dick Cheney est arrivé hier à
Ankara, dernière étape d'une tournée au Proche-Orient, pour
,
N
o
N
~
évoquer une éventuelle extension de la campagne antiterroriste
à l'Irak. Un millier de poHciers anti-émeutes ont été déployés
dans la capitale pour empêcher d'éventuelles manifestations
antiaméricaines. Quelque SOpersonnes « suspectes ~
ont été interpellées. La base turque d'lncirlik, dans le sud du
pays, avait été massivement utilisée par les Etats-Uois lors de
la guerre du Golfepour frapper l'Irak. Elle abrite des appareils
américains et britanniques chargés de surveiller la zone d'exclusion
aérienne au nord de l'Irak.
Istanbul :
de notre correspondant
Éric Biegala
« L'Irak a les mains liées et
il n 'y a aucun besoin d'entreprendre
une action militaire»
contre Bagdad ... Cette thèse,
répétée ce week-end à Barcelone
par le premier ministre
Bülent Ecevit, était celle qu'il
comptait défendre hier face à
Dick Cheney. Mettant en avant
les conséquences économicopolitiques
d'un affrontement
américano-irakien, les Turcs
veulent éviter toute opération
à leurs frontières qui pourrait
faire dérailler leur économie
encore convalescente ... Reste
que la détermination de l'administration
Bush pousse certains
à imaginer de monnayer
un éventuel soutien au puissant
allié américain, quitte à
loucher avec appétit sur le pétrole
du Kurdistan d'Irak ...
« Il ne faut pas dire « non»
aux États-Unis, ce serait une
erreur. Nous devons négocier
notre participation à une action
américaine et demander
la revitalisation des accords
de 1926 », explique une
source proche de l'état-major.
Ces accords, signés au début
du siècle entre la toute jeune
Turquie kémaliste et l'Angleterre,
alors puissance tutélaire
en Irak, prévoyaient la cession
à la Turquie de 10 % des
royalties issues de l'exploitation
des puits de pétrole de
Kirkuk et Mossoul pendant
vingt-cinq ans. « La Turquie
doit exiger un droit de regard
sur l'après-Saddam et notamment
sur l'organisation du territoire
irakien », précise la
même source. Les militaires
turcs ont clairement averti
qu'un Kurdistan indépendant
en Irak du Nord serait pour
eux un« casus belli »....
Autonomes depuis 1991 et
protégés par l'aviation angloaméricaine,
les Kurdes irakiens
ont établi dans le nord
du pays une administration indépendante
du régime de Bagdad.
Elle s'autofinance grâce
aux taxes prélevées sur les
échanges avec la Turquie et
les Nations unies lui versent
également une quote-part du
revenu pétrolier irakien autorisé.
Depuis 1997, l'armée d'Ankara
est implantée en Irak du
Nord et empêche la presse de
s'y rendre. Les estimations
quant au nombre de soldats
turcs varient entre un millier
d'hommes et deux divisions.
« Nous avons suffISamment de
puissance de feu sur place
pour empêcher un Kurdistan
indépendant. Nous voulons
pouvoir continuer d'y garantir
l'autonomie des Kurdes et des
Turcomans », explique encore
la même source. Ankara a organisé
les Turcomans irakiens
pour soutenir ses ambitions locales
et surtout saboter l'embryon
d'État kurde en train de
se constituer.
Quant à la revendication
« pétrolière », elle répond en
fait à une suggestion avancée
dès novembre dernier par les
Américains eux-mêmes.
William Safire, ancien
conseiller de Richard Nixon,
plaidait dans le New York
Times pour qu'Ankara annexe
le nord de l'Irak et fasse main
basse sur son pétrole en guise
de rétribution : « L'Irak du
Nord, c'est 2 millions de barils
par jour et l'Union européenne
serait trop heureuse d'accueillir
une Turquie nantie
d'une telle manne. » Quelques
semaines plus tard, l'ancien
directeur de la CIA James
Woolsey appelilit à son tour à
I!IZone
de peuplement
. kurde
Cl Zones d'exclusion
aérienne
• Cham~
11\ pétrolifères
IRaffinerieS
Liens possibles entre l'Iran,
l'Irak et Al Qaida
une guerre contre Sadd am
avec l'aide d'Ankara. Selon lui,
la peur de voir s'établir un
Kurdistan indépendant pourrait
être circonscrite « en donnant
à la Turquie un rôle de
garant de la stabilité du Nord
irakien et en lui octroyant un
accès aux puits de pétrole ».
Le régime de Saddanl Hussein
semble lui-même prêt à
monnayer son pétrole. Selon
la presse kurde irakienne, des
négociations se seraient ainsi
déroulées en janvier entre la
Turquie et n;ak, Bagdad offrant
une partie de son or noir
pour acheter la neutralité
turque en cas de conflit avec .
les Etats-Unis.
Pour Hasan Köni, spécialiste
du Proche-Orient à l'université i
d'Ankara, les conséquences
d'une appropriation du pétrole
irakien seraient immédiates :
« si la Turquie concrétisait ce
genre de prétentions, elle se
':,'. 100m
,-
)''';''
-'
, ,-
mettrait à dos tous les pays
arabes. comme
les pays européens
... Réactiver
les accords
de 1926, c'est
un rêve, une
vision issue
tout droit du
passe », ajoute-t-il.
Pour le moment, le premier
ministre Bülent Ecevit, qui a
longtemps entretenu d'excellents
rapports avec le régime
de Sadd am Hussein, refuse
obstinément d'envisager toute
action contre llrak. « Il faudrait
que les généraux arrivent
à lui faire changer
d'avis », poursuit-on du côté
des faucons. De façon significative,
Dick Cheney a demandé,
et obtenu, de pouvoir
s'entretenir avec le chef
d'état-major turc, ce qui
pas prévu par le proto-
n'était
cole.
IRAN
l.:esagences de renseignement américaines n'ont pas exclu l'hypothèse
d'une implication de l'Irak et de l'Iran dans les attentats du
11 septembre, a indiqué hier le directeur de la CIAGeorge Tenet «Il
nefait aucun doute qu'il y ait eu des contacts (irakiens) et des rapports
avec l'organisation Al Qaida », a-t-il déclaré devant une commission
du Sénat américain. « Ceserait une erreur que d'exclure la
, possibilité d'un soutien étatique de la part de l'Iran ou de l'Irak.
Nous verrons où les preuves nous mèneront », a-t-il poursuivi.
51