Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro
de la Prensa-Basm Özeti
La vaste majorité des Turcs souhaitent l'adhésion
de leur pays à l'Europe
ISTANBUL
de notre correspondante
Alors que le gouvernement turc
met hâtivement la dernière touche
à une série de réformes politiques,
qui faisaient partie des engagements,
à court terme, pris le
19 mars 2001 dans le cadre du Programme
national pour l'adhésion,
une polémique fait rage en Turquie
sur les conditions d'entrée à
l'Union européenne. Le 7 mars, le
général Tuncer Kilinç, secrétaire
général du Conseil national de sécurité
(MGK) -l'organe composé
essentiellement de militaires, qui
décide des grandes orientations du
pays -, a jeté un pavé dans la mare.
Déplorant le fait que «la Turquie
n'ajamais reçu la moindre assistance
de l'Union européenne» et que
« l'UE a une vue négative des problèmes
qui préoccupent la Turquie », le
général a suggéré un rapprochement
avec «la Russie et même
l'Iran, sans oublier les Etats-Unis »,
avant de se rétracter en évoquant
« un point de vue personnel ».
Ces déclarations sont intervenues
quelques semaines après l'interception
illégale et la publication
- par le magazine Aydinlik - du
courrier électronique de Karen
Fogg, représentante à Ankara de
l'Union européenne. La correspondance
de MmeFogg a donné lieu à
un flot d'éditoriaux nationalistes
qui révélaient le ressentiment de
leurs auteurs à l'égard de l'Europe
et une ignorance profonde de ce
qu'est l'Union européenne.
Les critères de Copenhague, qui
s'appliquent à tous les pays candidats,
sont perçus comme des obstaeies
dressés spécialement à l'intention
d'Ankara. D'où des sentiments
souvent contradictoires: le désir
d'être acceptés par l'UE tout en
soupçonnant les Européens de vouloir
diviser la Turquie, comme à
l'époque de la première guerre
mondiale.
Au sein de la coalition gouvernementale,
le débat est tendu. Le premier
ministre Billent Ecevit, converti
à la cause européenne, affirme
que l'entrée à l'DE est un «droit inaliénable
de la Turquie ». n joue un
rôle d'arbitre et fait fréquemment
usage de son sifflet pour mettre fin
aux échanges hostiles entre le vicepremier
ministre, Mesut Yilmaz, dirigeant
du Parti de la Mère patrie
(ANAP, droite libérale), qui veut
accélérer les réformes, et le dirigeant
du Parti de l'action nationaliste
MHP, Devlet Bahçeli, qui freine
des quatre fers. Le MHP souhaite
que la Turquie impose ses propres
conditions en tenant compte de ses
« sensibilités» locales afin d'entrer
dans l'DE avec sa «fierté nationale»
intacte. «Le MHP ne peut pas faire
de compromis sur l'éducation en langue
kurde ou l'abolition de la peine
de mort », a déclaré M. Bahçeli.
Mesut Yilmaz a suggéré d'organiser
un référendum, mais sa proposition
a été rejetée.
Un récent sondage effectué par
Strateji Mori pour CNN-Turk indique
que 75 % des Turcs souhaitent
l'adhésion de leur pays à l'Europe,
même si 25,3 % seulement croient
que ce but pourra être atteint dans
les cinq prochaines années et 45 %
sont convaincus que l'Europe ne
L'armée turque est divisée
OÙ SE SITUEL'ARM~ETURQUEface au processus
d'adhésion à l'Union européenne? C'est la question
qui se pose après l'attaque virulente contre
Bruxelles lancée récemment par le général Tuncer
Kilinç,qui est à la t!te du Conseil national de sécurité,
J'arbitre du jeu politique turc.
Les " vuespersonnelles" du général Kilinç, pour le
moins surprenantes puisque Ankara a souvent accusé
Téhéran d'encourager les organisations islamistes
locales et de soutenir le PKK,ont fait l'effet d'un
pavé dans la mare en Turquie, où les propos d'officiers
de haut rang sont rarement pris à la légère.
Bien que les militaires jouent désormais lel,lr rôle en
coulisse après avoir pris le pouvoir à trois reprises
entre 1960 et 1980, "armée continue d'exercer une
influence considérable sur la politique du pays par le
biais du Conseil national de sécurité, qui réunit les
dirigeants civils et militaires du pays et soumet ses
" recommandations .. au gouvernement En 1997, le
premier ministre Necmettin Erbakan avait été forcé
de démissionner après avoir refusé d'appliquer des
mesures anti-islamistes exigées par les généraux.
veut pas d'eux. Le manque dè confiance
des Turcs à l'égard de leurs
propres politidens explique en partie
cette attitude: l'enquête Eurobaromètre
pubHée par la Commission
européenne indique que les Turcs
ont une vision très pessimiste de
leur futur. 56 % d'entre eux estiment
que leurs conditions de vie
sont moins bonnes aujourd'hui
qu'elles ne l'étaient il y a 5 ans et
41 % craignent qu'elles empirent
dans les cinq ans à venir. « Les politiciens
parlent d'honneur national,
mais regardez dans quel état est le
pays, déclare une femme de ménage
de 40 ans. Nous voulons des conditions
de vie meilleures pour nos
erifants. »
Secouée par une crise financière
sérieuse qui l'avait amenée au bord
de la faillite, la Turquie a été forcée
de se toumer vers le FMI, à qui elle a
emprunté la somme record de
31 milliards de dollars. Les partisans
de l'UE se plaignent que leur tâche
soit rendue plus difficile par les
maladresses des Européens dans
leurs relations avec Ankara. «Nous
avons l'impression que les besoins de
la Turquie ne sont pas pris en considération
», affirme Volkan Vural, qui
dirige le secrétariat général pour les
affaires européennes. «Les Européens
ont une approche négative.sur
Chypre », se plaint également
M. Vural. Bruxelles a déjà annoncé '
que l'ile méditerranéenne figurerait
parmi les prochains candidats
admis au sein de l'Union, même si .
les négociations en vue de mettré
fin à la division de l'ile n'aboutissent
pas. Pourtant des changements
s'opèrent lentement. Mais surtout,
Avertissement voilé à Bruxelles? Signe d'une division
interne au sein des forces armées? Le message
du général a donné une nouveile ampleur à la controverse
sur J'adhésion d'Ankara à l'UE. Contredisant
les propos de son collègue, le chef de l'étatmajor,
le général Huseyin Kivrikoglu, a réaffirmé
que J'adhésion à l'UE était une" nécessitégéostratégique
.. pour la Turquie. Mais dans un récent article,
le chef de l'armée turque avait lui aussi donné libre
cours à sa frustration, affirmant que" de nombreux
pays européens continuent d'abriter, de soutenir et
de protéger les membres d'organisations qui opèrent
contre la Turquie", Les autorités turques critiquent
Bruxelles pour n'avoir pas inclus le PKKet l'organisation
d'extrême gauche OHKP-Csur la liste des organisations
terroristes. Fidèle à la mission d'Atatürk,
"armée soutient en principe le projet européen tout
en sachant que l'adhésion affecterait sa position
privilégiée dans la société. Les généraux perçoivent
certaines réformes comme un danger pour le pays.
N.P.
«même ceux qui 'l'expriment de
façon contradictoire ne souhaitent
pas la suspension du processus d'adhésion,
affirme Volkan Vural. Ces
débats ont lieu alors que nous faisons
de réels progrès. »
.mCINCIS DIS AUTO.lds
Des changements, impensables
récemment, sont en cours. Ainsi le
premier ministre Ecevit vient d'an-
'noncer que la possibilité d'introduire
des émissions en kurde sur les chaînes
de télévision étatiques serait discutée
lors de la prochaine réunion du
Conseil national de sécurité (MGK).
Les amendements constitutionnels
adoptés en octobre sont un modeste
pas en avant
Mais la réticence des autorités, qui
crée l'impression que ces réformes
sont imposées à la Turquie plutôt
qu'adoptées pour le bien de ses
citoyens, n'encourage pas l'application
des nouvelles lois. «Pour que le
processus sefasse plus aisément, i/ est
essentiel que les mi/ieux concernés se
penchent de plus près sur ce qu'est
l'Union européenne, comment elle
fonctionne et comme elle se vit, en visitant
por exemple leurs homologues
dans les pays membres. Cela permettra
à l'UEde mieux connaître la Turquie et
cela atténuera les inquiétudes de la
Turquie, explique Karen Fogg. Il y a
encore beaucoup àfaire sur ce plan. »
ft•• "at
MERCREDI 27 MARS 2002
Nicole Pope
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