ACTANCE ET CHANGEMENTS DE VALENCE EN KRYZ Gilles - IFEA

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14 G. AUTHIER On trouve beaucoup plus souvent la même forme dérivée intransitive dans un sens antipassif, avec un prime actant (S ; Z) ; il s’agit ici d’un autre verbe, « moins transitif », puisqu’il ne peut s’employer avec un actant humain : 76. vul ugval-yu brebis(F).ABS manger.INTR-PRES.F « La brebis paît », et non ***« la brebis, ça se mange ». Le perfectif non marqué est ambigu et labile, de sens antipassif ou transitif : 77. vul ula-d-u brebis(F).ABS manger.PF-AOR-F « La brebis mangea », ou bien « Quelqu’un (précédemment mentionné) a mangé la brebis ». La forme perfective marquée analytiquement comme détransitive ne peut avoir qu’un sens antipassif, et spécifiquement inchoatif : 78. vul ugval-a xhidu brebis manger.INTR-ADJ être-AOR-F « La brebis se mit à paître », et non***« la brebis fut mangée ». Le kryz se démarque nettement des langues daghestanaises déjà connues sous ce rapport, et montre que le fait qu’une langue soit globalement ergative ne l’empêche pas d’avoir une voix passive et n’implique pas forcément la prépondérance d’une voix antipassive. Il est possible qu’une influence de l’azéri puisse rendre compte de ce phénomène, mais il convient en tout état de cause d’éviter certaines généralisations rapides sur l’absence de voix passive dans les langues ergatives : le kryz partage cette compatibilité avec, entre autre, les langues maya et eskimo. A c c r o i s s e m e n t s d e v a l e n c e V o i x c a u s a t i v e d e s i n t r a n s i t i f s m o n o a c t a n c i e l s Les verbes intransitifs moins agentifs – de changement d’état physique ou psychologique ou d’attitude corporelle plus ou moins involontaire – ont tous une tournure complexe causative constituée d’une forme d’origine adverbiale subordonnée à l’auxiliaire « faire ». L’accord est déterminé sur les deux éléments du groupe verbal par le prime actant du prédicat causé : 79. gada-r riş °u-b-ğar-a / v-asar-a v-ar-d-u garçon-ERG fille.ABS PV-F-croire-ADJ F-trembler-ADJ F-faire-AOR-F Le garçon a persuadé / fait trembler la fille. 80. riş.i-r gada °u-r-ğar-a / asar-a ar-id fille-ERG garçon(ABS) PV-M-croire-ADJ trembler-ADJ faire-AOR.M La fille a persuadé / fait trembler le garçon. L a v o i x f a c t i t i v e La plupart des verbes transitifs ont une tournure analytique causative – qu’on appellera « factitive » pour la distinguer de la précédente – constituée
ACTANCE ET CHANGEMENTS DE VALENCE EN KRYZ d’un nom verbal à désinence de datif à valeur finale et de l’auxiliaire « donner ». Dans celle-ci, l’agent ergatif du prédicat primaire (causataire) est rétrogradé au datif, comme en azéri ; l’objet contrôle l’accord des deux éléments du groupe verbal : 81. riş.i-r gada-z lem v-at.a-z vu-d-u fille-ERG garçon-DAT âne(F).ABS F-frapper-DAT donner.PF-AOR-F La fille a fait battre l’âne par le garçon ≈ donné l’âne à battre au garçon. V a r i a t i o n s d e v a l e n c e à i m p a c t s é m a n t i q u e o u m o d a l P a i r e s s u p p l é t i v e s Les verbes intransitifs les plus agentifs – essentiellement des verbes de mouvement volontaire à préverbes spatiaux – n’ont pas, en kryz, de dérivation causative, ce qui est un phénomène typologiquement fréquent. Ils suppléent cet accroissement de valence par des verbes formés sur d’autres racines, mais partageant les mêmes préverbes : 82. barkan q’acil-a °a-b-ç’-d-u cheval(F)(ABS) écurie-IN PV-F-entrer-AOR-F Le cheval entra dans l’écurie. 83. gada-r barkan q’acil-a °a-b-ğu-d-u garçon-ERG cheval(F)(ABS) écurie-IN PV-F-faire.entrer-AOR-F Le garçon fit entrer le cheval dans l’écurie. V o i x d é c a u s a t i v e - i n c h o a t i v e Il existe pour les verbes intransitifs involontaires des formes auxiliées marquées comme inchoatives. La détransitivation est obtenue par substitution de l’auxiliaire « être, devenir » à l’auxiliaire causatif « faire », sans qu’on puisse affirmer s’il s’agit de dérivation ou (plutôt) de formations parallèles : 84. gada-r riş v-asar-a v-ar-d-u garçon-ERG fille(ABS) F-trembler-ADJ F-faire.PF-AOR-F Le garçon fit trembler la fille. 85. riş v-asar-a xhi-d-u fille(ABS) F-trembler-ADJ être-AOR-F La fille se mit à trembler. La forme non inchoative, synthétique, de ces verbes de changement d’état existe aussi, comme vu plus haut (riş v-asur-d-u « la fille trembla »). V o i x c o n a t i v e d e s v e r b e s d e p e r c e p t i o n Les verbes intransitifs de perception sont a priori involontaires, mais biactanciels, avec une construction de l’expérient au datif (cf. supra). Ils admettent généralement une tournure complexe de sens volontaire, « conatif », dont la morphologie est identique à celle du causatif des autres intransitifs non volontaires, mais sans accroissement de valence. L’expérient est dans cette tournure traité comme un agent – promu à l’ergatif – tandis que 15
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