Les actions en cessationSi une différence <strong>de</strong> traitement n’est pas exclue, pour autant que le critère <strong>de</strong>différenciation soit susceptible <strong>de</strong> justification et soit raisonnable, <strong>la</strong> pertinence <strong>de</strong> cettejustification doit s’apprécier par rapport aux buts et aux effets <strong>de</strong> <strong>la</strong> norme considérée.Il doit par ailleurs exister un rapport raisonnable <strong>de</strong> proportionnalité entre les moyensemployés et le but visé 207 .On pourrait soutenir qu’il existe une éventuelle discrimination non justifiéeentre le droit <strong>de</strong> <strong>réponse</strong> <strong>dans</strong> l’audiovisuel, qui exclut <strong>la</strong> possibilité d’interjeter appel<strong>de</strong> <strong>la</strong> décision du juge siégeant comme en référé et le droit <strong>de</strong> <strong>réponse</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>presse</strong>écrite, où toutes les décisions sont susceptibles d’appel. Alors que <strong>dans</strong> les <strong>de</strong>ux cas, unesolution rapi<strong>de</strong> s’impose.Une autre discrimination, non justifiée, pourrait résulter <strong>de</strong> <strong>la</strong> comparaisonentre <strong>la</strong> procédure « comme en référé » re<strong>la</strong>tive au droit <strong>de</strong> <strong>réponse</strong> <strong>dans</strong> l’audiovisuelet les autres procédures « comme en référé » <strong>dans</strong> les autres matières, pour lesquellesaucune restriction n’est prévue quant au droit <strong>de</strong> faire appel 208 .62Le légis<strong>la</strong>teur a, par l’insertion <strong>de</strong>s dispositions <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi du 23 juin 1961 re<strong>la</strong>tive audroit <strong>de</strong> <strong>réponse</strong> <strong>dans</strong> l’audiovisuel, créé une différence <strong>de</strong> traitement entre <strong>de</strong>ux catégories<strong>de</strong> personnes. D’une part, les personnes citées ou désignées <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>presse</strong> écriteet d’autre part, les personnes citées ou désignées <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>presse</strong> <strong>audiovisuelle</strong>.Comme j’ai eu l’occasion <strong>de</strong> l’expliquer ci-<strong>de</strong>ssus, le but poursuivi par le légis<strong>la</strong>teuren supprimant l’appel <strong>dans</strong> l’audiovisuel, est <strong>de</strong> permettre une solution rapi<strong>de</strong> etdéfinitive <strong>de</strong>s litiges. Il me semble qu’on peut légitimement se <strong><strong>de</strong>man<strong>de</strong></strong>r s’il existe unrapport <strong>de</strong> proportionnalité raisonnable entre ce but et l’interdiction <strong>de</strong> l’appel <strong>de</strong> <strong>la</strong>décision rendue par le prési<strong>de</strong>nt siégeant « comme en référé ». De même, <strong>la</strong> différence<strong>de</strong> traitement entre <strong>la</strong> procédure « comme en référé » <strong>dans</strong> l’audiovisuel et les autresprocédures « comme en référé » me paraît difficilement justifiable.Expliquant les raisons du succès <strong>de</strong>s procédures « comme en référé », J. vanCompernolle écrit : « <strong>dans</strong> un certain nombre <strong>de</strong> contentieux mettant en cause <strong>de</strong>s enjeuxéconomiques, sociaux ou individuels importants, <strong>la</strong> nécessité est ressentie <strong>de</strong> pourvoir, rapi<strong>de</strong>ment,à <strong>de</strong>s situations conflictuelles par le prononcé <strong>de</strong> mesures diverses prenant le plussouvent <strong>la</strong> forme d’injonctions négatives ou positives susceptibles <strong>de</strong> mettre immédiatementfin à un comportement répréhensible, indépendamment <strong>de</strong> toute allocation <strong>de</strong> dommages etintérêts compensatoires d’un éventuel préjudice subi. Sous peine <strong>de</strong> n’être pas efficace, cesinjonctions ne s’accommo<strong>de</strong>nt pas <strong>de</strong> <strong>la</strong> lenteur d’une procédure ordinaire, civile ou pénale.Elles ne s’accommo<strong>de</strong>nt pas davantage du caractère provisoire d’une décision normale <strong>de</strong>référé dont l’autorité ne peut assurer un règlement définitif du litige. Tout ceci converge versun juge — le prési<strong>de</strong>nt du tribunal — statuant au fond <strong>dans</strong> les formes du référé » 209 .207. M. Uyttendaele, Précis <strong>de</strong> droit constitutionnel belge — Regard sur un système juridictionnel assez paradoxal,Bruxelles, Bruy<strong>la</strong>nt, 2002, p. 481.208. Voir supra, n° 52.209. J. van Compernolle, « <strong>La</strong> rançon d’un succès … », op. cit., p. 209, n° 3.446
<strong>La</strong> <strong><strong>de</strong>man<strong>de</strong></strong> <strong>de</strong> <strong>diffusion</strong> d’une <strong>réponse</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>presse</strong> <strong>audiovisuelle</strong>Comme on le voit, le but <strong>de</strong>s actions « comme en référé » est le même, quelleque soit <strong>la</strong> matière concernée. Pour autant, comme j’ai déjà eu l’occasion <strong>de</strong> le souligner,le légis<strong>la</strong>teur n’a pas cru nécessaire <strong>de</strong> supprimer <strong>la</strong> possibilité <strong>de</strong> l’appel, chaquefois qu’il instituait une procédure « comme en référé ».63J’estime que <strong>la</strong> solution <strong>la</strong> plus efficace serait <strong>de</strong> prévoir un système <strong>dans</strong> lequel <strong>la</strong> décisiondu premier juge pourrait être déférée à <strong>la</strong> censure du juge d’appel avant qu’elle nesoit exécutée, en prévoyant une procédure réellement rapi<strong>de</strong> en appel.F. Le <strong><strong>de</strong>man<strong>de</strong></strong>ur en droit <strong>de</strong> <strong>réponse</strong> <strong>dans</strong> l’audiovisuelpeut-il saisir le juge <strong>de</strong>s référés 210 ?6465<strong>La</strong> doctrine et spécialement F. Jongen 211 a, à maintes reprises, eu l’occasion <strong>de</strong> soulignerà quel point l’obligation, inscrite <strong>dans</strong> l’article 18 <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi re<strong>la</strong>tive au droit <strong>de</strong> <strong>réponse</strong>,faite au juge <strong>de</strong> statuer « toutes affaires cessantes » sur les actions exercées en vertu <strong>de</strong>cette loi, se révé<strong>la</strong>it souvent en pratique n’être qu’un vœu pieux tant il est vrai que<strong>de</strong>vant certaines juridictions, l’état d’encombrement <strong>de</strong>s rôles et l’existence d’autresaffaires tout aussi, sinon plus, urgentes ne permet pas matériellement au juge <strong>de</strong> traiteren priorité et sans aucun dé<strong>la</strong>i les <strong><strong>de</strong>man<strong>de</strong></strong>s <strong>de</strong> droit <strong>de</strong> <strong>réponse</strong>.Il en serait plus particulièrement ainsi en matière <strong>de</strong> <strong>presse</strong> écrite où <strong>la</strong> loi neprévoit pas procédure « comme en référé » 212 .J’ai déjà eu l’occasion, au chapitre précé<strong>de</strong>nt, <strong>de</strong> développer les aspects essentiels <strong>de</strong> <strong>la</strong>controverse qui divise doctrine et jurispru<strong>de</strong>nce sur <strong>la</strong> question <strong>de</strong> savoir si le juge <strong>de</strong>sréférés peut intervenir, en matière <strong>de</strong> <strong>presse</strong> écrite, pour ordonner au provisoire <strong>la</strong> <strong>diffusion</strong>d’un droit <strong>de</strong> <strong>réponse</strong> 213 . J’analyserai donc brièvement <strong>la</strong> question <strong>de</strong> savoir si210. Il ne s’agit plus ici d’envisager une action introduite par erreur en référé, mais bien <strong>de</strong> se <strong><strong>de</strong>man<strong>de</strong></strong>r si, àcôté <strong>de</strong> l’action « comme en référé », le <strong><strong>de</strong>man<strong>de</strong></strong>ur pourrait encore saisir, au provisoire et en raison <strong>de</strong> l’urgence,le juge <strong>de</strong>s référés d’une <strong><strong>de</strong>man<strong>de</strong></strong> <strong>de</strong> <strong>diffusion</strong> d’une droit <strong>de</strong> <strong>réponse</strong> <strong>dans</strong> l’audiovisuel.211. F. Jongen, « Toutes affaires cessantes », op. cit., p. 900 ; « L’intervention du juge <strong>dans</strong> <strong>la</strong> procédure du droit<strong>de</strong> <strong>réponse</strong> », op. cit., p. 421 ; « L’intervention du juge… », op. cit., p. 290, n° 26.212. M. Hanotiau souligne pourtant qu’« en consultant <strong>la</strong> jurispru<strong>de</strong>nce, on constate que les procédures en correctionnelle,pour refus d’insertion d’un droit <strong>de</strong> <strong>réponse</strong>, se poursuivent à un rythme tout à fait convenable » (op.cit., p. 188). F. Jongen, lui-même, reconnaît que « quelque peu dé<strong>la</strong>issée, <strong>la</strong> voie correctionnelle pourrait cependantretrouver les faveurs <strong>de</strong>s répondants contrariés dès lors qu’elle peut constituer pour <strong>la</strong> partie civile une manière efficace<strong>de</strong> suppléer aux lenteurs d’une procédure au fond <strong>de</strong>vant les chambres civiles : le présent jugement, rendu le25 février suite à une citation directe signifiée le 19 janvier, en atteste » (« Le droit <strong>de</strong> <strong>réponse</strong> au pénal », note souscorr. Bruxelles, 25 février 1993, J.L.M.B., 1993, pp. 1220 à 1222, ici p. 1221). Les dé<strong>la</strong>is pour obtenir une décision<strong>dans</strong> le cadre d’une <strong><strong>de</strong>man<strong>de</strong></strong> <strong>de</strong> <strong>diffusion</strong> d’une <strong>réponse</strong> <strong>dans</strong> l’audiovisuel, sont en pratique nettement pluslong que le dé<strong>la</strong>i décrit ci-<strong>de</strong>ssus. En moyenne, on constate que les décisions sont rendues <strong>dans</strong> un dé<strong>la</strong>i d’environtrois mois à dater <strong>de</strong> l’introduction <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong><strong>de</strong>man<strong>de</strong></strong>, et parfois nettement plus.213. Voir supra, n os 56 et s.9447