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Frontalier magazine N° 110 - Groupement transfrontalier européen

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www.frontalier.org<strong>Frontalier</strong> <strong>magazine</strong> : Comment comprendre qu’on parleautant des « effets frontière » dans l’Arc jurassien et qu’on ensache si peu ?Alexandre Moine : L’une des difficultés est de réunir les donnéescar elles sont disséminées. En 1959, le mémoire Daveau a été l’undes premiers à s’interroger sur le fait qu’une frontière puisse modifierl’existence des habitants et entraîner des modes de vie différents dansdes conditions naturelles à peu près identiques. A l’époque, on estimaitles frontaliers à 500 sur la totalité de l’Arc jurassien ! Aujourd’hui,ils sont 40 000, chiffre en progression constante puisqu’il était de 13000 à 16 000 dans les années 90. C’est un champ d’observationsnouveau qui s’ouvre à nous.Quel en a été votre postulat ? Quel angle d’analyse avez-vousretenu ?Nous sommes partis d’un constat fait dans la partie suisse de l’Arcjurassien. A savoir que la vitalité de l’immobilier était une caractéristiquedu versant français et que lespromoteurs locaux tentaient d’y attirer lesclients suisses, dans le Doubs notamment.Ce qui laissait supposer qu’un fluxcroissant de ressortissants quittaient laConfédération pour la Franche-Comté. Lesmarchés immobiliers du canton deNeuchâtel, à La Chaux-de-Fonds et au Locle, seraient devenusatones à cause de ce basculement, entendait-on. Les professionnelset les élus suisses s’en inquiétaient. Il fallait le vérifier.Certains prétendent que l’Arc jurassien découvre les affres deGenève et Annemasse. Le parallèle vous paraît-il pertinent ?C’est mélanger des dynamiques qui n’ont rien à voir. Au sud,Genève est un espace très contraint, une ville internationale avecbeaucoup de tertiaire, une population importante, des hautsrevenus. Elle ne peut plus se développer, ce qui explique ces reversementssur la Savoie et l’Ain. A l’inverse, au nord, vers Bâle, il y a desdisponibilités foncières mais leurs coûts sont tels que des Allemandset des Suisses choisissent la France. Les motivations sont différentes.Dans notre étude sur cette mobilité résidentielle, nous démontronsque le problème concerne la bande frontalière entre Morteau et LesRousses car c’est là que se développe l’essentiel du travail frontalier.Maîche, Damprichard ou Le Russey échappent à cette logique. VersMaîche, le vis-à-vis de la Suisse est fait de montagne et de rural. Leslieux d’embauche sont trop éloignés et les conditions de circulationtrop difficiles l’hiver pour que cela suscite des effets de masse. EntrePontarlier et Métabief Mont d’Or, nous sommes au cœur de la question.A l’immobilier lié au travail frontalier, s’ajoute la problématiquede l’hébergement touristique. De Mouthe à Chapelle-des-Bois, c’estun « entre deux » avec sa dynamique. Cet effet frontière se ressentà 30 km par rapport au point de franchissement, soit 20 km à vold’oiseau.Comment cela s’est-il traduit, sur le marché du logement ?On a vu surgir depuis cinq ans des lotissements de frontaliers, auplus près des lieux de passage, aux Verrières ou à La Cluse-et-Mijouxpar exemple. Ils se remarquent par la taille et le coût des lots, plusélevés que d’ordinaire en raison du pouvoir d’achat de ces salariéset de leur propension à posséder une demeure qui leur donne unevisibilité. A Morteau, une maison de frontalier, c’est 150m 2 enmoyenne. La conséquence, c’est que le tourisme est en danger.Entre louer douze semaines à des vacanciers et l’année complèteà des travailleurs français en Suisse, peu de propriétaires hésitent,pour des raisons de rentabilité. La Franche-Comté devra se demandersi elle a encore les moyens de sa politique touristique en termes“A l’immobilier lié au travail frontalier,s’ajoute la problématiquede l’hébergement touristique..”d’hébergement. Autre inquiétude, l’habitat individuel devientanarchique. Quand un maire n’a plus de foncier, le frontalier choisitun terrain privé qui lui plaît, l’achète et bâtit. C’est la pratique dans90 % des cas. Comme les plans locaux d’urbanisme ont été adoptésen ordre dispersé, que les petites communes veulent que leurpopulation croisse, la cohérence d’ensemble ne peut être assurée.Cela se fait au détriment du logement social. Les agents de la DDEont coutume de dire que c’est « comme si une poignée de maisonsavait été lâchée du ciel ».Quelle pourrait être la solution, pour harmoniser ces implantations?La mise en place de schémas de cohérence territoriale. Ce sont desdocuments qui déterminent un projet de territoire et intègrentl’urbanisme, l’habitat, les déplacements, les équipements commerciauxdans un environnement préservé et valorisé. Ils ne sont pasprescriptifs mais leurs orientations sont respectées lors de l’établissementdes plans locaux d’urbanisme. Cecidit, le retard est tel que le fait accomplis’imposera en grande partie. Le Pays duHaut-Doubs prévoit d’en adopter un, leParc naturel du Haut-Jura aussi, un projetexiste vers Belfort et Montbéliard. Il n’y ahélas rien d’annoncé dans le Pays horlogermais j’espère que le Parc naturel <strong>transfrontalier</strong>, en cours de constitution,fera « office de », avec ses contraintes propres.Si nous en revenons aux flux, combien de Suisses, dans ceslogements ?Lors du recensement 2006 ce sont 33 000 ménages suisses, soit177 000 personnes, qui vivaient en France mais il est difficile detraduire localement ce chiffre. Si on zoome sur le nord du canton deNeuchâtel, entre les années 2007 et 2009, 1 500 migrants sontpartis en France sur l’ensemble de la période, dont 35 % pours’installer dans l’Arc jurassien global et 7 % dans la bande frontièredes 30 km entre Maîche et Mouthe. C’est très ténu et ça ne correspondpas à l’idée d’une arrivée en masse. A l’inverse, 88 000 Françaishabitaient en Suisse, soit l’équivalent d’une moitié des Suissesenregistrés en France. Ce sont des flux de quelques centaines depersonnes par an, ce qui est insignifiant.Comment sont-ils constitués ?Les types de ménages concernés sont différents. Certains frontaliersparticipent à ce flux vers la France dans le cadre d’une véritablestratégie résidentielle. Ce sont les jeunes, isolés ou en couple, à 90 %sans enfants, plutôt dans le tertiaire, diplômés, avec un pouvoird’achat leur permettant d’assumer un loyer local, qui ont préféré audépart habiter en Suisse dans une logique de proximité avec leurlieu de travail, pour s’éviter du temps de transport et mieux profiterde la vie. Quand une naissance survient, ils reviennent en Franceafin d’y bénéficier de crèches et dans la perspective de la scolarisationcar le système helvétique ne leur convient pas. Ils ont les moyensd’acquérir leur logement, parfois dès l’âge de 26 ans. L’autre profil,ce sont les Suisses qui s’installent en France. La plupart sont desdoubles nationaux, soit que la personne seule dispose du statut, soitque le ménage soit composé d’un conjoint suisse et d’un autrefrançais, portugais, italien, etc. L’accession à la propriété les taraudeet elle est plus facile en France pour l’obtention d’un prêt ou enraison du coût du foncier. Ils ont 30 ou 35 ans et deviennent alorsdes frontaliers, ce dont ils souffrent un peu. Enfin, des retraitéschoisissent notre pays pour y finir leurs jours. Ces mouvements nesont pas déstabilisants pour le marché du logement. Ils ne font ques’ajouter et renforcer ses tendances.Juin 2012 - <strong>Frontalier</strong> <strong>magazine</strong> N° <strong>110</strong> 25

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