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aussi doucement parce que votre poitrine est plus large. » À ce moment je<br />
pensai qu’ils allaient rire, mais pas du tout. Ils tinrent leurs pieds parfaitement<br />
immobiles et même ils contrôlèrent leur respiration de façon à ne faire auc<strong>un</strong><br />
bruit et tous me regardaient avec le plus grand sérieux. Je dis alors : « Je vais<br />
m’en aller très tranquillement, mais le bébé sera plus tranquille que moi ; il<br />
ne fera auc<strong>un</strong> mouvement, ni auc<strong>un</strong> bruit. » Je ramenai le petit à sa mère puis<br />
retournai auprès des enfants, <strong>pour</strong> les trouver toujours immobiles avec <strong>un</strong>e<br />
expression sur leur figure qui disait : « Vous voyez, vous avez fait <strong>un</strong> peu de<br />
bruit, mais nous pouvons être tout aussi tranquilles que ce bébé. » Ainsi tous<br />
les enfants avaient la même volonté ; ils furent tous poussés à faire la même<br />
chose et le résultat fut <strong>un</strong>e classe de quarante-cinq, parfaitement immobile et<br />
silencieuse. On aurait pu se demander comment cette admirable discipline<br />
avait été réalisée quand mon intention avait seulement été de faire rire les<br />
enfants. Le silence était si étonnant que je dis : « Quel silence ! » ; il semblait<br />
que les enfants ressentaient aussi sa qualité et ils restaient immobiles,<br />
contrôlant leur respiration ; et alors je commençai à entendre des sons que je<br />
n’avais pas remarqués auparavant, comme le tic-tac de la pendule, l’eau qui<br />
coulait goutte à goutte d’<strong>un</strong> robinet extérieur et le bourdonnement des<br />
mouches. Ce silence causa <strong>un</strong>e grande joie aux enfants et devint le point de<br />
départ d’<strong>un</strong>e caractéristique de nos écoles. C’est par là qu’on put mesurer la<br />
force de volonté des enfants et c’est en s’exerçant à le faire que la volonté<br />
devint plus forte et la période de silence s’allongea. Bientôt l’on ajouta<br />
quelque chose : nous murmurions le nom de chac<strong>un</strong> des enfants et, à cet<br />
appel, chac<strong>un</strong> venait sans bruit tandis que les autres restaient tranquilles ;<br />
étant donné que chac<strong>un</strong> venait avec précaution et lenteur en s’efforçant de ne<br />
faire auc<strong>un</strong> bruit, le dernier enfant appelé devait attendre longtemps. Ces<br />
enfants se montrèrent capables d’<strong>un</strong>e puissance d’inhibition bien plus grande<br />
que celle de la plupart des adultes ; or c’est la volonté et l’inhibition qui<br />
permettent l’obéissance.<br />
J’avais involontairement encouragé ce premier silence en apportant le<br />
bébé mais je ne pouvais pas toujours compter sur <strong>un</strong> tel visiteur et je voulais<br />
renouveler l’intérêt. Je trouvai que le meilleur moyen était de demander :<br />
« Aimeriez-vous faire le silence ? » Immédiatement, c’était le grand<br />
enthousiasme et je m’aperçus que je pouvais commander le silence et être<br />
obéie. L’expérience d’<strong>un</strong>e maîtresse qui avait déjà enseigné quelque dix ans<br />
est intéressante sous ce rapport. Elle s’aperçut qu’elle devait faire attention à<br />
ne pas donner d’ordres par avance comme : « Rangez tout avant de partir ce