01.12.2020 Views

The Red Bulletin Decembre 2020 (FR)

  • No tags were found...

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Nous vivons notre vie au jour le<br />

jour à la surface de la planète.<br />

Mais sous cette croûte familière,<br />

il existe de mystérieux labyrinthes<br />

de grottes, crevasses, cavernes<br />

marines et lacs souterrains.<br />

C’est la frontière<br />

oubliée de l’humanité.<br />

Nous avons exploré les pôles, les montagnes et la<br />

lune. Pourtant, plus de la moitié des cavernes de<br />

la planète n’ont pas encore été découvertes. Même<br />

la plus grande grotte connue au monde, Hang So’n<br />

Đoòng au Vietnam, n’a été cartographiée qu’en<br />

2009. Avec 38,5 millions de mètres cubes, elle pourrait<br />

abriter un gratte-ciel de quarante étages. Pourtant,<br />

l’année dernière des explorateurs ont découvert<br />

que la grotte est plus grande de 1,6 millions<br />

de mètres cubes que ce que l’on pensait auparavant.<br />

Elle possède son propre système fluvial, sa jungle<br />

et son microclimat, avec des arbres de 30 mètres<br />

de haut, et des stalagmites de 70 mètres.<br />

Au plus profond du monde souterrain, des scientifiques<br />

ont découvert des organismes qui produisent<br />

des antibiotiques ; une vie microbienne apparentée<br />

aux formes de vie les plus anciennes, existant il y a<br />

des milliards d’années ; et des pierres fantastiques et<br />

des dunes aussi étrangères à nous que les déserts de<br />

Vénus. En 2017, des experts de la NASA ont fait revivre<br />

une forme de vie microbienne qui était restée<br />

endormie dans des cristaux de gypse au fond d’une<br />

grotte mexicaine pendant près de 50 000 ans, faisant<br />

émerger l’espoir que des organismes extraterrestres<br />

puissent être trouvés dans des environnements extrêmes<br />

sur des planètes éloignées.<br />

« J’ai exploré des grottes partout sur la planète et<br />

vu des choses les plus spectaculaires qui soient, dit<br />

l’exploratrice souterraine et microbiologiste Hazel<br />

Barton, qui a travaillé avec la NASA au Mexique. Et<br />

mes yeux ont été les premiers à voir ces microbes.<br />

Quand vous pensez au premier alunissage et à Neil<br />

Armstrong… L’expérience du “premier homme sur la<br />

lune” est un phénomène rare. Mais dans les grottes,<br />

c’est quelque chose qui arrive régulièrement. »<br />

Les spéléologues doivent se faufiler dans des fissures<br />

semblables à des étaux et naviguer dans l’obscurité<br />

totale. Savoir par où commencer est la première<br />

difficulté. « Les grottes sont uniques en ce sens<br />

qu’on ne peut pas les voir, dit Dr Barton. Les montagnes<br />

sont visibles, l’espace est visible. La meilleure<br />

comparaison que nous puissions faire est avec<br />

l’océan, mais on peut le cartographier à l’aide d’un<br />

sonar. Avec les radars à pénétration de sol, on peut<br />

s’estimer heureux si on récolte des résultats à 30<br />

mètres de profondeur. Le seul moyen d’obtenir des<br />

résultats, c’est d’aller sur le terrain. »<br />

Avec le changement climatique et l’accroissement<br />

de la pollution, les calottes glaciaires qui fondent<br />

et les infections résistantes aux médicaments qui<br />

prolifèrent, explorer le monde souterrain n’a jamais<br />

été aussi urgent. Les glaciologues descendent en<br />

rappel dans des trous de glace pour surveiller les<br />

taux de fonte, les microbiologistes vont en profondeur<br />

à la recherche de nouveaux antibiotiques,<br />

et les plongeurs s’enfoncent dans des grottes pour<br />

démontrer la vulnérabilité de nos réserves d’eau<br />

potable.<br />

Selon MacFarlane, le monde souterrain invite<br />

à une perspective de “temps profond” qui va bien<br />

au-delà de notre propre courte durée de vie. Les<br />

paléoclimatologues étudient les stalagmites qui<br />

éclairent sur le changement climatique d’il y a<br />

650 000 ans, alors que les astronautes de l’Agence<br />

spatiale Européenne nagent dans des grottes de<br />

lave en vue d’une éventuelle mission sur Mars.<br />

Les grottes sont donc une métaphore des failles<br />

dans nos connaissances. « Loin des yeux, loin du<br />

cœur, et donc loin de la tête – c’est là le problème,<br />

alerte l’anthropologiste environnemental Dr Kenny<br />

Broad. Nous avons du mal à concevoir que 95 % de<br />

l’eau potable du monde est stockée sous nos pieds,<br />

sous forme d’eau souterraine. » Avec moins d’1 %<br />

de l’eau douce accessible stockée dans les rivières et<br />

les lacs de surface, les eaux souterraines invisibles<br />

constituent le principal système de soutien pour<br />

toute la vie humaine et animale.<br />

Mais comme nous continuons à polluer et à empoisonner<br />

la planète, les photographies, les histoires<br />

et les découvertes exceptionnelles des spéléologues<br />

contribuent à sensibiliser à la beauté et à la fragilité<br />

du monde souterrain. Ils nous forcent à réfléchir<br />

d’où vient notre eau potable, ce que nous faisons<br />

de nos déchets, et combien il nous reste encore à<br />

apprendre. Ici, nous rendons hommage aux « astronautes<br />

souterrains » qui nous donnent des visions<br />

pour le monde de demain dans l’obscurité du<br />

monde du dessous.<br />

ROBBIE SHONE<br />

50 THE RED BULLETIN

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!