The Red Bulletin Decembre 2020 (FR)
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les préparatifs de la foire annuelle des<br />
Navajos de l’Ouest, l’un des plus grands<br />
événements de l’année dans toute la<br />
réserve. Au lieu de cela, il a été transformé<br />
en un lieu de logistique pour<br />
diverses organisations d’aide aux<br />
populations.<br />
Dans un local, Robbins nous montre<br />
des tas de caisses de bouteilles d’eau<br />
Arrowhead, vestiges d’un énorme don<br />
de Nestlé du début de la pandémie, qui<br />
a obligé DigDeep à cesser d’installer ses<br />
systèmes d’eau. Il ne semblait plus sûr<br />
pour les plombiers et les techniciens de<br />
travailler chez les gens pendant des<br />
heures d’affilée. Dans le même temps,<br />
la pandémie n’avait fait qu’accroître les<br />
besoins en eau. « Le don d’une tonne de<br />
bouteilles d’eau par Nestlé fut le bienvenu,<br />
explique Robbins, mais il n’a pas<br />
résolu le problème sous-jacent : comment<br />
se laver les mains avec de l’eau<br />
embouteillée ? »<br />
DigDeep s’est positionné comme un<br />
astucieux bouche-trou : au lieu d’installer<br />
des systèmes d’eau dans les maisons<br />
des gens, comme ils le faisaient auparavant,<br />
ils ont placé des réservoirs d’eau<br />
temporaires à côté des maisons des<br />
Navajos. Des réservoirs en plastique<br />
de forme cubique logés dans des cages<br />
métalliques, une méthode déjà largement<br />
utilisée sur ce territoire. Ils<br />
contiennent mille litres, sont durables<br />
et faciles à empiler sur un camion. Dig-<br />
Deep a amélioré la conception existante,<br />
en ajoutant un robinet qui peut être<br />
Pré-pandémie, le programme<br />
installait des citernes qui<br />
donnaient l’eau courante aux<br />
bénéficiaires, mais il a pivoté sur<br />
ce système de citernes pour<br />
minimiser les risques sanitaires.<br />
allumé et éteint, et en élevant le réservoir,<br />
pour faciliter le remplissage des<br />
seaux. Mille litres représentent moins<br />
de deux jours de consommation par<br />
l’Arizonien moyen, non navajo, mais<br />
cela devrait suffire pour l’instant. « Nous<br />
sommes en train d’apprendre énormément<br />
de choses », dit Robbins.<br />
Plus tard, au ranch du couple Dugi,<br />
Smallcanyon nivelle un carré de terre<br />
avec une pelle, et Chief, le plus grand,<br />
le plus fort et le moins expérimenté des<br />
deux, fait passer des parpaings et une<br />
plaque de contreplaqué du camion pour<br />
construire une petite plate-forme sur<br />
laquelle le réservoir pourra être posé.<br />
Ensemble, ils soulèvent le réservoir de<br />
la remorque et le mettent en place, puis<br />
ils font passer un gros tuyau bleu sur le<br />
dessus, en le vaporisant d’abord avec<br />
une solution d’eau de javel pour éviter<br />
la contamination.<br />
Yazzie présente au couple un accord<br />
à signer, qu’elle explique patiemment<br />
en navajo : le réservoir leur appartiendra,<br />
et ils seront responsables de son nettoyage<br />
et de son entretien. Il sera rempli<br />
par DigDeep toutes les deux ou trois<br />
« LES VISAGES DES<br />
DUGI S’ILLUMINENT.<br />
QUI N’AIME PAS<br />
LE BRUIT DE L’EAU<br />
COURANTE ? »<br />
semaines, ou peut-être tous les mois,<br />
jusqu’à la fin décembre. Après cela, ils<br />
devront fournir leur propre eau. Elle<br />
leur conseille de couvrir le réservoir avec<br />
une bâche, pour empêcher la croissance<br />
des algues, et de le rincer au moins une<br />
fois par mois. Ensuite, Smallcanyon met<br />
en marche une petite pompe à essence<br />
qui donne vie à la cuve et fait jaillir de<br />
l’eau pure et claire. Les visages des Dugi<br />
s’illuminent. Qui n’aime pas le bruit de<br />
l’eau courante ?<br />
Les Dugi vivent dans un luxe<br />
relatif par rapport à certains<br />
des endroits que nous visitons<br />
ce jour-là. Leur maison est en<br />
dur, pas une caravane accidentée, ils<br />
ont des fenêtres intactes et une porte<br />
qui fonctionne -– et des moutons, bien<br />
sûr. La richesse des Navajos. Au fur et<br />
à mesure que la journée avance, nous<br />
voyons des situations bien pires. J’ai<br />
voyagé et fait des reportages en Afrique<br />
et en Amérique du Sud, mais j’ai rarement<br />
été témoin d’une pauvreté aussi<br />
désespérée que pendant les deux jours<br />
où j’ai suivi les équipes de DigDeep dans<br />
les coins les plus reculés de la réserve.<br />
Nous concevons souvent la pauvreté<br />
comme un manque d’argent, mais le<br />
manque d’eau représente un niveau<br />
de besoin bien plus profond.<br />
« Quand vous vivez sans eau, c’est<br />
un souci qui détermine, dit McGraw.<br />
Cela détermine la façon dont vous organisez<br />
votre journée. Vous vous réveillez<br />
en pensant : comment vais-je avoir assez<br />
d’eau pour moi et ma famille ? »<br />
De nombreuses personnes de la<br />
réserve, comme les Dugi (et même les<br />
Yazzie), ont des problèmes d’eau structurels<br />
à long terme. Ils vivent dans des<br />
endroits reculés où il n’y a pas beaucoup<br />
d’eau. Ou si elle est disponible, elle est<br />
chère : une famille peut dépenser près<br />
de 300 dollars par mois pour l’eau transportée,<br />
des douches façon camping<br />
et l’essence pour le camion-citerne,<br />
explique Shanna Yazzie. Les besoins<br />
dans la réserve sont énormes : rien que<br />
dans la petite communauté de Dilkon,<br />
en Arizona, il y a une liste d’attente de<br />
près de 200 foyers qui ont besoin d’un<br />
système d’approvisionnement en eau.<br />
DigDeep a réussi à en installer neuf<br />
avant l’arrêt dû à la pandémie.<br />
Pour d’autres personnes que nous<br />
rencontrons, leurs problèmes d’eau sont<br />
conjoncturels. Quelques mauvaises<br />
passes dans la vie, et leur accès à cette<br />
ressource vitale est soudainement mis<br />
en danger. C’est le cas de notre premier<br />
client aujourd’hui. Juste à la sortie de<br />
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