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(1) Michel Onfray - Théorie de la dictature-Robert Laffont (2019)

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mécanicienne sur machine à romans 20 ». Elle est brune, peut avoir un peu moins de trente ans, a des

taches de rousseur et ses gestes sont ceux d’une sportive. Elle porte le vêtement de la « Jeunesse

Antisexe 20 ». Elle l’a regardé, il a craint ce regard : Winston estime que les femmes constituent les

militantes les plus farouches de la cause. Il croit qu’elle pourrait très bien travailler à la « Police de la

Pensée ».

Winston rencontre un autre personnage : O’Brien 21 qui fait partie des hautes sphères du Parti

Intérieur, il en porte l’uniforme – une combinaison noire. C’est « un grand gaillard au cou de taureau,

doté d’un visage brutal et grossier sous lequel perce l’humour 21 ». Il porte des lunettes. Malgré tout

cela, il se dégage de lui des manières et du charme. Instinctivement, Winston estime qu’il n’est

probablement pas d’une parfaite orthodoxie. Mais comment le savoir, voire le lui faire savoir ?

Winston et O’Brien participent aux « Deux Minutes de la Haine 22 » consacrées à Emmanuel

Goldstein, « l’Ennemi du Peuple 22 » dont on montre l’image sur grand écran et qui se trouve hué,

conspué, insulté, sous prétexte qu’il serait le traître, le renégat du Parti et aurait quitté le pays pour

vivre en exil d’où il tirerait les ficelles de toute opposition dans Océania.

À mots couverts, dans Océania, on parle de l’existence d’un mouvement clandestin d’opposition : «

Fraternité 27 ». Mais rien ne permet de savoir si c’est vrai ou faux. On sait que des opposants sont

arrêtés au petit matin et qu’ils disparaissent sans procès, puis que toute trace d’eux sur cette planète

se trouve ensuite effacée.

À son bureau, Winston écrit contre Big Brother qui est le chef du Parti : des affiches montrent son

visage partout mais nul ne sait où il est. Par le télécran, il contrôle tout et, donc, il sait tout. Winston

écrit tout de même contre Big Brother, il sait qu’il va mourir, qu’on lui tirera une balle dans la nuque,

mais il affirme qu’« il s’en fout 29 ». À ce moment, on frappe à sa porte…

C’est une voisine dont l’évier est bouché. Il s’agit de la femme de l’un de ses collègues dont les

enfants sont endoctrinés, assistent aux exécutions capitales mensuelles, écoutent aux portes et

dénoncent à la police de la pensée ceux qu’ils suspectent. Les parents sont fiers de leurs enfants

dénonciateurs – et ils leur devront un jour leur propre arrestation…

Un rêve de Winston nous permet d’apprendre qu’il a perdu ses parents dans les purges des

années 50 ; des souvenirs de ses parents, de son enfance et de sa sœur lui reviennent. Le télécran le

réveille. Il fait sa gymnastique devant l’appareil.

Au travail, Winston détruit des journaux, les réécrit en fonction de l’intérêt du Parti. Par exemple,

ce qui a été annoncé mais qui n’a pas eu lieu est modifié : on efface et on prédit sans risque ce qui a

eu lieu puisque… ce qui a eu lieu a bien eu lieu ! Les livres, les journaux, les archives, les tracts, les

périodiques, les brochures, les affiches, les prospectus, les films, les enregistrements sonores, les

dessins animés, les photos, les poèmes – tout y passe…

Dans Océania, on manque des produits de première nécessité et le luxe n’a pas lieu d’être. Tout est

sale, gras, crasseux. La nourriture et l’alcool sont de très mauvaise qualité.

Le télécran annonce de fausses nouvelles : la bataille de la production est gagnée, le niveau de vie a

augmenté, la délinquance a disparu, les biens de consommation sont en augmentation, la maladie

recule, les enfants naissent en grand nombre. Les gens manifestent leur bonheur. On distribue des

rations de tabac et de chocolat. Tout le monde est laid. Tous portent l’uniforme bleu.

On apprend que Winston a été marié avec Katharine et qu’il avait horreur de la sexualité avec elle

parce qu’elle visait la production d’un enfant qui ne vit jamais le jour. Les femmes sont

conditionnées à ne pas aimer l’acte sexuel qui se trouve réduit par le pouvoir à un pur et simple

mécanisme de reproduction… La vie privée est interdite, la solitude impossible ou impensable, les

loisirs collectifs imposent un usage hygiéniste du corps.

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