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(1) Michel Onfray - Théorie de la dictature-Robert Laffont (2019)

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L : L’Assemblée est le Soviet suprême. Sur le papier, c’est l’idéal : le

conseil y décide en effet de façon collective lors de débats ce qui est le

mieux pour la communauté ; mais, dans la réalité, c’est moins le lieu du

débat entre tous que celui des affrontements d’ego entre des tendances

idéologiques et politiques adverses : l’opposition de Napoléon à Boule de

Neige, pourtant deux cochons que leur fratrie devrait réunir, met en scène

l’affrontement de deux tempéraments : celui de Staline-Napoléon et de

Trotski-Boule de Neige. Il est bien évident que le silence des membres de

l’assemblée rend possible le pugilat verbal des deux figures, un pugilat dont

les animaux, donc le peuple, font toujours les frais. Ce qui se joue dans

cette « Assemblée 29 » qui est la matrice du Soviet suprême, c’est moins le

Conseil ouvrier que la lutte pour le leadership de la Révolution. Quand les

marins de Cronstadt se révoltent en 1921, c’est justement parce que les

équivalents de Napoléon et Boule de Neige ont confisqué le pouvoir qui

n’est plus, ou pas, si tant est qu’il l’ait jamais été, entre les mains des

travailleurs.

M : La création des commissions est l’un des premiers marqueurs de la

trahison de la Révolution : c’est en effet la bureaucratie qui se profile contre

le soviet. Cette bureaucratie va être moins un instrument au service du

prolétariat qu’un dispositif utilisé contre les travailleurs eux-mêmes. Le

soviet était l’outil de la démocratie directe qui permettait une authentique

démocratie – l’exercice du pouvoir par le peuple, pour le peuple ; la

bureaucratie devient l’appareil de démocratie indirecte qui prive le peuple

du pouvoir sur lui-même en le confiant à des bureaucrates impavides, à des

techniciens étroits, à des ingénieurs idéologisés, à des commissaires du

peuple fanatisés et autres auxiliaires de la dictature non pas du prolétariat

mais sur le prolétariat.

N : Personne ne niera qu’en URSS ou dans d’autres pays communistes

l’illettrisme ait reculé – c’est d’ailleurs souvent un argument des

thuriféraires de ces régimes… Mais la lecture et l’écriture n’y étaient pas

des instruments de libération intellectuelle, comme dans une démocratie

digne de ce nom où l’offre intellectuelle est large et diverse, contradictoire

et multiple, mais le moyen sûr d’un asservissement idéologique.

L’inexistence de la littérature universelle et critique dans les bibliothèques

ou les librairies des pays marxistes-léninistes et la seule présence d’une

littérature de propagande en témoignaient. La lutte contre l’illettrisme est à

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