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Ce que dit La Ferme des animaux
La Ferme du Manoir appartient à M. Jones qui a tendance à lever le coude. Dans cet endroit vivent
Sage l’Ancien, un cochon, mais également d’autres porcs, Boule de Neige, Brille-Babil et Napoléon,
puis Œil rose, un goret ; le chien Filou et deux chiennes, Fleur et Constance ; des chevaux de trait,
Malabar le mâle, Douce sa femelle et une autre jument blanche, Lubie ; Edmée, une chèvre blanche ;
Benjamin, un âne ; Moïse, un corbeau apprivoisé ; on y trouve également un chien berkshire et deux
autres molosses qui se nomment Brille et Minimus ; et le menu fretin, dont des rats et des lièvres, des
poules et des vaches, des pigeons et des canetons, une chatte, mais aussi et surtout des moutons sans
nom… Il va de soi que, dans la logique de la fable, chaque animal est plus que lui : il est un
caractère, un tempérament, et parfois un personnage historique. Je dirai qui est qui ou quoi le
moment venu.
Sage l’Ancien fait un rêve : il a médité toute sa vie, il va bientôt la quitter, il voudrait faire profiter
l’assemblée d’animaux réunis selon ses vœux dans le garage de sa sagesse acquise pendant les ans :
la vie est pauvre et misérable, le travail prend toute la place et, une fois parvenu en bout de course,
quand on est devenu inutile, on est mis au rebut. Le loisir et le bonheur sont choses inconnues. Sage
l’Ancien affirme qu’il faut à chacun une vie digne et décente.
Or, ce serait possible : le pays est prospère, le sol fertile, le climat propice. Nourrir tous les
animaux de la ferme en abondance, voilà qui n’est pas hors d’atteinte. La misère existe parce que le
travail est volé par les humains. « Camarades, là se trouve la réponse à nos problèmes. Tout tient en
un mot : l’homme. Car l’homme est notre seul véritable ennemi. Qu’on le supprime, et voici extirpée
la racine du mal. Plus à trimer sans relâche ! Plus de meurt-la-faim ! L’homme est la seule créature
qui consomme sans produire. Il ne donne pas de lait, il ne pond pas d’œufs, il est trop débile pour
pousser la charrue, bien trop lent pour attraper un lapin. Pourtant le voici suzerain de tous les
animaux. Il distribue les tâches entre eux, mais ne leur donne en retour que la maigre pitance qui les
maintient en vie. Puis il garde pour lui le surplus. Qui laboure notre sol ? Nous ! Qui le féconde ?
Notre fumier. Et pourtant pas un parmi nous qui n’ait sa peau pour tout bien 10-11 ********. »
Que peut-on faire pour en finir avec cette misère ? Sage l’Ancien donne la recette : « Tous les
maux de notre vie sont dus à l’homme. Débarrassons-nous de l’homme, et nôtre sera le produit de
notre travail. C’est presque du jour au lendemain que nous pourrions devenir libres et riches. À cette
fin, que faut-il ? Eh bien, travailler de jour et de nuit, corps et âme, à renverser la race des hommes.
C’est là mon message, camarades. Soulevons-nous ! Quand aura lieu le soulèvement, cela je
l’ignore : dans une semaine peut-être ou dans un siècle. Mais, aussi vrai que sous moi je sens de la
paille, tôt ou tard justice sera faite. Ne perdez pas de vue l’objectif, camarades, dans le temps compté
qui vous reste à vivre. Mais avant tout, faites part de mes convictions à ceux qui viendront après
vous, afin que les générations à venir mènent la lutte jusqu’à la victoire finale 12 . » Et puis ceci, dont il
faudra se souvenir : « Tous les hommes sont des ennemis. Les animaux entre eux sont tous
camarades 12 . »