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malveillants ont pu croire qu’un jour le commandement premier était : « Aucun animal ne boira
d’alcool » !
La reconstruction du Moulin mobilise tout le monde. Malabar est malade. On le soigne. La
Révolution
naissante avait décidé d’un âge de retraite et du versement d’une pension – mais il n’y a ni retraite ni
pension. L’hiver est rude. Les cochons réduisent les portions, sauf les leurs et celles des chiens.
Brille-Babil explique qu’« une trop stricte égalité des rations eût été contraire aux principes de
l’Animalisme 88 » qui est un égalitarisme 88 … Quand il y a « réduction » des rations, ce cochon
préposé à la propagande explique que ce mot n’est pas approprié et qu’il faut bien plutôt parler de «
réajustement 88 ».
Puis il explique, chiffres à l’appui, que les animaux mangent plus, travaillent moins, vivent plus
longtemps, que la mortalité infantile a diminué, que l’hygiène s’est améliorée, le confort également ;
or les animaux voient bien qu’ils travaillent dur, qu’ils ont faim et soif, froid aussi ; mais ils croient
se souvenir que c’était bien pis avant et puis qu’ils ne sont plus esclaves, comme avant, mais libres !
Napoléon, qui est le seul dans la Ferme à manger du sucre et l’interdit aux autres parce que ça fait
grossir, engrosse lui-même les truies et éduque les gorets à l’écart. Les cochons commencent à avoir
un statut à part. Ils vivent séparés. Les autres animaux doivent leur céder le passage. Le dimanche, ils
arborent un ruban vert à la queue. Toute l’orge leur est réservée. Elle sert ensuite à brasser la bière
que ces animaux sont les seuls à consommer. Des manifestations à la gloire de la Ferme avec
processions militaires et culte de la personnalité, célébration de la productivité et coups de feu tirés
en l’air, déclenchent la ferveur des moutons. Tous les animaux apprécient, bien qu’ils n’aient rien à
manger.
La république est proclamée, on élit un président ; Napoléon, qui est le seul candidat à se présenter,
est plébiscité. Le corbeau Moïse réapparaît et reprend ses prêches. Du genre : « Là-haut, camarades,
[…] de l’autre côté du nuage sombre, là se trouve la Montagne de Sucrecandi. C’est l’heureuse
contrée où, pauvres animaux que nous sommes, nous nous reposerons à jamais de nos peines 91-92 . » Il
dit y être allé lui-même un jour et avoir vu « un gâteau tout rond fait de bonnes graines (comme les
animaux n’en mangent pas beaucoup en ce bas monde), et des morceaux de sucre qui poussent à
même les haies, et jusqu’au champ de trèfle éternel 92 ». Il enseigne que cette vie sur terre est vouée à
la peine et à la souffrance, mais que l’autre vie sera faite de bonheur et de loisir, d’abondance et de
joie. La relation entre les cochons et Moïse est singulière, car les porcs « étaient unanimes à
proclamer leur mépris pour la Montagne de Sucrecandi et toutes les fables de cette farine, et pourtant
le laissaient fainéanter à la ferme, et même lui allouaient un bock de bière quotidienne 92 C’ ».
Vient un jour où, vieillissant, Malabar donne des signes de faiblesse et de fatigue. Puis il tombe
malade. Douce le soigne avec tendresse, Benjamin chasse les mouches autour de lui. Malabar se dit
qu’une fois guéri il prendra sa retraite, aura des loisirs, se cultivera et apprendra enfin à lire. Brille-
Babil vient dire que Napoléon a décidé de l’envoyer à l’hôpital des hommes pour le soigner et le
sauver. Un camion arrive pour le chercher. Mais Benjamin arrive tout excité et s’oppose à son départ,
car il a lu sur le véhicule qu’il s’agissait du fourgon d’un équarrisseur ! Les animaux se pressent
autour du véhicule pour dire au revoir à leur compagnon. Benjamin dit : « Ils emmènent Malabar
pour l’abattre 95 ! » Cris d’horreur des animaux, le cocher fouette ses chevaux, le chariot part à toute
allure, Douce se précipite, Malabar se lève et montre son nez à la fenêtre, tous les animaux lui disent
qu’on le conduit à la mort, il essaie de défoncer l’habitacle à coups de ruades. Les animaux de la
ferme implorent les chevaux qui tractent. Rien n’y fait. Personne n’a jamais revu Malabar. Brille-
Babil vient annoncer sa mort en racontant ses derniers moments qui auraient été tout à la gloire de la