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l’ambiance est sombre, noire, glauque, sale, crasseuse, visqueuse,
poisseuse, sordide, malpropre ; mais il est dit ici ou là que l’espoir peut
venir des prolétaires, les « prolos » dans le texte, qui constituent 85 % de la
population : « S’ils le voulaient, ils auraient la puissance de faire exploser le
Parti du jour au lendemain » 104 . Ou bien encore : « S’il y a un espoir, il est
du côté des prolos 104 . » Et ceci : « Les prolos sont restés humains. Ils n’ont
pas le cœur endurci. Ils n’ont pas abandonné les émotions primaires 196 . » Et
encore : « L’avenir appartient aux prolos […], les prolos sont immortels.
[…] Au bout du compte, leur réveil adviendra. Et d’ici là, quand bien même
il faudrait patienter un millénaire, ils resteront en vie contre toute attente,
tels les oiseaux du ciel, se transmettant par la voie du corps la vitalité que le
Parti ne partage pas et qu’il ne parvient pas davantage à étouffer 258 . » Certes,
ce sont des discours que Winston se tient à lui-même ou à Julia dans leurs
moments de complicité, c’est son espoir. Mais la fin du roman ne témoigne
pas en faveur de cet espoir : après une incarcération et les épreuves de la
torture, le rebelle Winston entrera dans le rang, finira par aimer Big Brother
et se fera tuer par le régime en souscrivant à cette décision, tout entier
acquis à sa servitude volontaire.
Que faut-il faire de cet espoir ? Est-ce une leçon dans l’esprit libertaire de
La Boétie qu’Orwell nous donne en laissant croire à son lecteur que la
dictature n’existe que par le consentement de ceux sur lesquels elle s’exerce
et qu’il suffirait au peuple, aux prolos, de ne plus consentir pour que la
dictature ne soit plus ? On peut le croire.
Mais ne serait-ce pas un vœu pieux ? Car La Ferme des animaux donne
une autre leçon. Du moins on n’y trouve pas une seule parcelle d’espoir : la
Révolution est trahie, le peuple en est la victime, point à la ligne. On peut
même extrapoler : il est dans la nature de toute révolution d’être trahie et
dans l’ordre des choses que le peuple en fasse toujours les frais. C’est la
thèse de cette fable…