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- érudits et aux hommes de science (A/ims).<br />
<strong>Le</strong> <strong>Coran</strong> souligne la supériorité de l'alim<br />
le détenteur du savoir : celui qui ne<br />
possède point les attributs de la connais¬<br />
sance, comment serait-il son égal ?<br />
<strong>Le</strong> prophète donne le noble titre d'« héri¬<br />
tiers des prophètes » aux pieux hommes du<br />
savoir, car ce sont eux qui peuvent reconnaî¬<br />
tre les desseins d'Allah et en concevoir la<br />
sublimité. On ne saurait être plus explicite :<br />
« la quête du savoir, de la science, est une<br />
obligation pour tout musulman, homme ou<br />
femme ». Il prescrit ensuite à ses disciples<br />
de chercher partout le savoir scientifique,<br />
fût-ce dans le lointain Cathay.<br />
Ce profond respect des sciences se tradui¬<br />
sit notamment par le mécénat dont la<br />
recherche scientifique bénéficia dans les<br />
pays arabo-islamiques. On pourrait appli¬<br />
quer à la science ce que l'orientaliste H .À. R .<br />
Gibb écrit à propos de la littérature arabe :<br />
« Dans l'Islam plus qu'ailleurs, son épa¬<br />
nouissement dépendait de la libéralité et de<br />
la protection de ceux qui détenaient le pou¬<br />
voir. Là où la société musulmane déclinait,<br />
(la science) périclitait. Mais aussi longtemps<br />
que, dans telle ou telle capitale, des princes<br />
et des ministres jugèrent agréable, profitable<br />
ou utile à leur gloire de protéger (les scien¬<br />
ces), la flamme resta vivante ».<br />
La troisième raison du succès de l'effort<br />
scientifique dans l'Islam a été son caractère<br />
international. D'abord, la communauté<br />
musulmane transcendait les frontières natio<br />
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nales et ethniques, mais surtout, à l'origine,<br />
elle était extrêmement tolérante envers ceux<br />
qui se situaient en dehors d'elle, et envers<br />
leurs idées. Al-Kindi écrivait il y a onze cents<br />
ans : « Il est donc juste que nous ne rougis¬<br />
sions pas de reconnaître la vérité et de la<br />
recueillir à quelque source que ce soit. Pour<br />
qui sait le poids de la vérité, rien n'est plus<br />
précieux que la vérité ; jamais elle ne dépré¬<br />
cie ni n'avilit celui qui la recherche ».<br />
<strong>Le</strong> déclin scientifique de l'Islam com¬<br />
mença après. 494/1100 ; vers 750/1350, il<br />
était un fait accompli. Pourquoi ce recul des<br />
pays musulmans ? Personne ne peut répon¬<br />
dre avec certitude. On peut évidemment<br />
avancer des causes extérieures, les inva¬<br />
sions mongoles par exemple, mais celles-ci,<br />
malgré leurs ravages, n'auraient dû provo¬<br />
quer, semble-t-il, qu'une interruption<br />
momentanée. D'ailleurs soixante ans après,<br />
le petit-fils de Genghis Khan, Hulagu, fon¬<br />
dait un observatoire à Maragha. A mon avis,<br />
la mort de la science au sein de la commu¬<br />
nauté islamique s'explique plutôt par des<br />
causes internes.<br />
Rien ne me fera mieux comprendre<br />
qu'une citation d'Ibn-Khaldoun (732/1332-<br />
808/1406), illustre historien des sociétés,<br />
véritable génie dans son domaine. Voici ce<br />
qu'il écrivait dans sa Muqaddima (Prolégo¬<br />
mènes) : « Nous avons appris récemment<br />
qu'au pays des Francs et au nord de la Médi¬<br />
terranée, les sciences philosophiques sont<br />
très cultivées. Il paraît qu'elles sont de nou¬<br />
veau étudiées et enseignées dans de nom<br />
A gauche, astrolabe persan<br />
en cuivre jaune du 1WXVIIe<br />
siècle. <strong>Le</strong>s astrolabes<br />
servaient â déterminer la<br />
position des étoiles et le<br />
mouvement des planètes,<br />
pour calculer le temps, et<br />
aussi comme instruments de<br />
navigation. Connus avant<br />
l'Islam, ils ont été<br />
considérablement<br />
perfectionnés par les<br />
astronomes musulmans. A<br />
droite, schéma d'un<br />
manuscrit arabe (602/1205)<br />
expliquant le<br />
fonctionnement d'un<br />
astrolabe.<br />
breuses écoles. <strong>Le</strong>s exposés systématiques<br />
qui en sont faits sont, dit-on, exhaustifs,<br />
ceux qui les connaissent, nombreux, et ceux<br />
qui les étudient innombrables... Allah sait ce<br />
qui existe là-bas... Mais il est clair que les<br />
problèmes de physique n'ont aucune impor¬<br />
tance pour nous dans nos affaires religieu¬<br />
ses. Laissons-les donc de côté ».<br />
Aucune curiosité, apparemment, chez Ibn<br />
Khaldoun, aucun regret non plus ; on ne<br />
sent que de l'apathie proche de l'hostilité.<br />
C'est cette apathie qui a conduit à l'isole¬<br />
ment. La tradition d'al-Kindi, recomman¬<br />
dant de se procurer le savoir partout où l'on<br />
pouvait l'obtenir et de l'améliorer, était bien<br />
oubliée ; les milieux scientifiques musul¬<br />
mans n'ont pas cherché à entrer en contact<br />
avec l'Occident, où apparaissait la créativité<br />
scientifique.<br />
Cinq siècles plus tôt, les musulmans<br />
étaient évidemment partis en quête de la<br />
connaissance, d'abord auprès des colonies<br />
helléniques et nestoriennes de Judishapur et<br />
de Harran, où l'on traduisait du grec et du<br />
syriaque. Puis, à Bagdad, au Caire et ail¬<br />
leurs, ils avaient fondé des instituts interna¬<br />
tionaux d'études supérieures (Beit-al-Hikma)<br />
et des observatoires internationaux (Cham-<br />
siyya) où se retrouvaient des hommes de<br />
science de tous les pays.<br />
Au début du 7e/XMIe siècle, des centres<br />
analogues avaient été mis sur pied en Occi¬<br />
dent, à commencer par Tolède et Palerme,<br />
où l'on traduisait fiévreusement les textes