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*~ J'ai parlé aussi d'une communauté scien¬<br />
tifique pour les pays arabes et musulmans.<br />
Une telle communauté existait à l'âge d'or<br />
de la science islamique, quand des hommes<br />
de l'Asie centrale comme Ibn Sina et al-<br />
Biruni écrivaient en arabe, ou quand leur<br />
contemporain Ibn al-Haytham, physicien,<br />
pouvait quitter Basra, sa ville natale, et les<br />
territoires du calife abbasside pour se rendre<br />
à la cour du rival de ce dernier, le calife fati-<br />
mide al-Hakim, sûr d'y être accueilli avec<br />
révérence malgré des différends politiques et<br />
théologiques qui n'étaient pas moins pro¬<br />
noncés qu'aujourd'hui.<br />
Cette communauté scientifique doit être<br />
définie en connaissance de cause et de nou¬<br />
veau admise, spirituellement et matérielle¬<br />
ment, par les hommes de science comme<br />
par les nations. A l'heure actuelle, les scien¬<br />
tifiques des pays musulmans forment un<br />
très petit groupe qui, par le nombre, les res¬<br />
sources et la créativité, n'atteint que le cen¬<br />
tième, le dixième tout au plus de ce qui con¬<br />
viendrait par rapport aux normes internatio¬<br />
nales. Nous devons nous unir, mettre nos<br />
ressources scientifiques en commun. Nous<br />
avons besoin d'une assurance globale<br />
d'immunité, d'une durée de vingt-cinq ans<br />
par exemple, pendant laquelle les membres<br />
de cette communauté scientifique, de cette<br />
Ummat al-ilm ne risqueraient aucune discri¬<br />
mination fondée sur la nationalité ou<br />
d'autres facteurs.<br />
Quant à l'isolement de nos travaux scienti¬<br />
fiques, ce n'est pas seulement celui de<br />
l'homme de science, pris individuellement,<br />
séparé de ses confrères étrangers. Nous<br />
sommes aussi isolés des normes internatio¬<br />
nales de la science : il y a un abîme entre la<br />
jf.ysèW<br />
¥<br />
#<br />
manière dont nous menons la recherche<br />
scientifique dans nos pays et l'autonomie<br />
dont elle jouit dans les pays développés.<br />
La renaissance des sciences au sein d'une<br />
communauté scientifique islamique dépend<br />
donc de cinq conditions sine qua non : un<br />
engagement enthousiaste, des encourage¬<br />
ments généreux, une sécurité garantie,<br />
l'absence de toute discrimination fondée sur<br />
la doctrine ou la nationalité, l'auto-gestion et<br />
l'internationalisation de notre effort scientifi¬<br />
que.<br />
Si je mets tant de passion à prêcher<br />
l'encouragement dans cette entreprise de<br />
création scientifique, ce n'est pas seulement<br />
parce qu'Allah nous a donné le désir de con¬<br />
naître, ni seulement parce qu'aujourd'hui, le<br />
savoir est pouvoir, la science appliquée étant<br />
le grand instrument du progrès matériel.<br />
C'est aussi parce qu'en tant que membres<br />
de la communauté internationale, nous<br />
subissons le mépris (informulé, mais pré¬<br />
sent) de ceux qui font la science.<br />
J'avoue que je me sens atteint dans ma<br />
fierté lorsque entrant dans un hôpital, je<br />
constate que presque tous les médicaments<br />
qui sauvent tant de vies aujourd'hui, de la<br />
pénicilline à l'interféron, ont été inventés<br />
sans que nous y ayons pris la moindre part,<br />
que nous soyons du tiers-monde en général,<br />
des pays arabes et islamiques en particulier.<br />
Passons de la science à la technologie : le<br />
<strong>Coran</strong> insiste, autant que sur la taffaqur<br />
(science), sur le taskhir (technologie) ; sur<br />
une domination progressive de la Nature qui<br />
passe par le savoir scientifique et, au même<br />
degré, sur la création d'un nouveau savoir.<br />
Outre la faiblesse des fondements scienti¬<br />
fiques, quels sont aujourd'hui les obstacles<br />
qui nous empêchent d'accéder aux sommets<br />
de la technologie ? Car enfin, dans toute<br />
l'histoire, on n'a jamais consacré en si peu<br />
de temps autant d'efforts et autant d'argent<br />
à la création d'installations techniques que<br />
nous ne l'avons fait dans nos pays au cours<br />
des dix dernières années. Malheureusement,<br />
la plupart des projets ont été exécutés selon<br />
le système de « l'usine livrée clefs-en-<br />
mains », sans que nos techniciens et nos<br />
ingénieurs, noyau de notre future commu¬<br />
nauté de recherche-développement, y aient<br />
pris une part suffisante. Nos sociétés sont<br />
devenues des consommatrices de technolo¬<br />
gie, mais sans en acquérir l'esprit.<br />
Cela est dû au moins en partie au fait que<br />
les décideurs ne sont généralement pas des<br />
techniciens. Nos pays sont les paradis du<br />
planificateur et de l'administrateur, mais les<br />
spécialistes de la technologie n'y ont pas<br />
voix au chapitre. Pourtant l'expérience mon¬<br />
tre qu'à long terme, l'acquisition de la tech¬<br />
nologie dépend d'une collaboration étroite<br />
entre l'homme de science, le spécialiste de la<br />
technologie et les responsables du dévelop¬<br />
pement national, chacun faisant pleinement<br />
confiance aux autres dans leur domaine. Et<br />
la même règle s'applique à toute la gamme<br />
des applications de la science, à l'agricul¬<br />
ture, à la santé publique, aux systèmes éner¬<br />
gétiques et à la défense nationale.<br />
Je voudrais conclure en lançant trois<br />
appels. D'abord à mes frères, les hommes<br />
de science : nous avons des devoirs, et<br />
aussi des droits. Nous sommes peu nom¬<br />
breux ; nos associations, prises individuelle¬<br />
ment, n'ont pas encore atteint la masse criti¬<br />
que. Mais il n'en serait pas de même si nous<br />
nous rassemblions dans une Ummat al-ilm.<br />
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