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compilé des dictionnaires biographi¬<br />
ques et aphoristiques d'autres mystiques<br />
musulmans.<br />
Mais c'est la poésie mystique qui a eu le<br />
plus d'influence sur les masses musulma¬<br />
nes. D'abord écrite en arabe, langue cul¬<br />
tuelle et culturelle de l'Islam, elle s'est pro¬<br />
gressivement exprimée dans d'autres lan¬<br />
gues. Que ce soit en persan pour Hafez de<br />
Shiraz (8e/XIVe siècle), en turc pour You-<br />
nous Emré (8e/XIVe siècle) ou en ourdou<br />
pour Khwaja Mir Dard (12e/XVIIIe siècle),<br />
elle chante toujours l'expérience suprasensi¬<br />
ble :<br />
Hier soir, au coucher de soleil, on m'a libéré<br />
d'angoisse ; et dans l'obscurité de la nuit,<br />
on m'a donné l'Eau d'éternité.<br />
(Hafez)<br />
Je peux offrir maintenant mes doutes au pil¬<br />
lage...<br />
Car j'ai renoncé à moi-même.<br />
Je me suis débarrassé du voile qui couvrait<br />
mes yeux.<br />
Etje suis parvenu à l'union avec l'Ami.-<br />
(Emré)<br />
Où mon crur, ô Dard, a-t-il jeté son<br />
regard P Quoi que je contemple, je ne vois<br />
nul autre que Toi.<br />
(Dard)<br />
<strong>Le</strong>s mystiques musulmans ont toujours eu<br />
une vision universelle. Hosayn ibn Mansur<br />
al-Hallaj, mystique martyr du 4e/Xe siècle, en<br />
donne la raison : « J'ai réfléchi sur les déno¬<br />
minations confessionnelles, faisant effort<br />
pour les comprendre, et je les considère<br />
comme un principe unique à ramifications<br />
nombreuses. Ne demande donc pas à un<br />
homme d'adopter telle dénomination con¬<br />
fessionnelle, car cela l'écarterait du principe<br />
fondamental. C'est le principe lui-même qui<br />
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doit venir le chercher, lui en qui s'élucident<br />
toutes les grandeurs et toutes les significa¬<br />
tions, et l'homme, alors, comprendra ».<br />
C'est ainsi que Nasir Khosraw, poète-<br />
philosophe ismaélien iranien du 5e/Xle siè¬<br />
cle, démontre, dans son Livre réunissant les<br />
deux sagesses, l'harmonie entre la philoso¬<br />
phie grecque et la gnose islamique. De<br />
même, le prince Dara Shikoh, fils de l'empe¬<br />
reur indien Shah Jahan et mystique lui-<br />
même, a pu affirmer, au 11e/XVIIe siècle,<br />
que le soufisme et le Vedanta (système phi¬<br />
losophique du brahmanisme) de l'Advaita<br />
étaient essentiellement une seule et même<br />
chose, avec quelques différences superfi¬<br />
cielles de terminologie. On trouve aussi dans<br />
le soufisme des récits relatifs au Bouddha,<br />
tels ceux sur lesquels Avicenne fonda son<br />
Récit de Salman et Absal.<br />
« Nous sommes plus près de lui que la<br />
veine de son cou », dit Dieu dans le <strong>Coran</strong><br />
(L, 16) à propos de l'homme. Et un hadith du<br />
Prophète cité par les mystiques dit « Celui<br />
qui connaît son âme (nafs), connaît son Sei¬<br />
gneur ». C'est à travers les profondeurs<br />
cachées de son être que l'homme peut aspi¬<br />
rer à connaître la Réalité suprasensible. Mais<br />
celle-ci ne peut se connaître par les facultés<br />
humaines du corps ou de l'esprit. Reconnaî¬<br />
tre cette limitation de la nature humaine,<br />
c'est déjà pressentir le monde suprasensible,<br />
comme le disent Abu Bakr, premier calife de<br />
l'Islam « Louange à Dieu qui n'a donné de<br />
route à ses créatures pour atteindre à Sa<br />
connaissance que leur incapacité à <strong>Le</strong> con¬<br />
naître » et Dho'nnun al-Misri, mystique<br />
égyptien du 3e/IXe siècle « Celui qui con¬<br />
naît le plus Dieu est celui qui est le plus per¬<br />
plexe à Son sujet ».<br />
La réalité suprasensible ne peut être con¬<br />
nue que par l'éclosion chez l'homme d'une<br />
<strong>Le</strong>s calligraphies soufis (mystiques<br />
musulmans) ont souvent employé une<br />
composition double, en miroir, dans<br />
laquelle la partie droite reflète celle de<br />
gauche. Page ci-contre : calligraphie<br />
géante du mot Huwa, "Lui" (Dieu) qui<br />
figure dans le mausolée de Rumi, le<br />
grand poète soufi de langue persane, à<br />
Konya (Turquie). Calme, équilibrée,<br />
cette calligraphie en miroir exprime<br />
l'unité soufie avec Dieu. A gauche, por¬<br />
trait de Djalal al-Din Rumi (604/1207-<br />
672/1273), connu aussi sous le nom de<br />
Mawlana (dans la prononciation turque,<br />
Mevlana). Fondateur de la confrérie des<br />
derviches tourneurs, Rumi est consi¬<br />
déré comme l'un des plus grands poè¬<br />
tes mystiques de tous les temps. Outre<br />
son duvre en prose, il est l'auteur,<br />
entre autres, d'Odes mystiques (Diwan-<br />
e Shams-e-Tabrizi) et d'un poème<br />
monumental d'environ quarante-cinq<br />
mille vers, le Mathnawi, véritable épo¬<br />
pée mystique qui a marqué d'une<br />
empreinte profonde la pensée religieuse<br />
de l'Islam.<br />
faculté de perception spirituelle que l'on<br />
appelle l'Oeil duCqui est une grâce de<br />
Dieu et ne peut être acquise par la volonté<br />
de l'homme. « J'ai vu mon Seigneur avec<br />
l'Oeil de mon Seigneur », dit le Prophète.<br />
Attar explique : « Tu dois connaître Dieu par<br />
lui-même, et non par toi ; c'est Lui qui ouvre<br />
le chemin qui conduit à Lui, non la sagesse<br />
humaine ».<br />
<strong>Le</strong>C(Qalb), ou Ame spirituelle, est un<br />
état ontologique qui se situe entre la nature<br />
humaine (nasut) et la Nature divine (lahut). Il<br />
est l'isthme (barzakh) séparant les deux<br />
mers auquel fait allusion le <strong>Coran</strong> (XXV, 53).<br />
Il est l'inter-monde, la Terre céleste séparant<br />
la terre et le Ciel. Il est le monde angélique<br />
Calam al-malakut)', celui de l'ange Gabriel. Il<br />
est le centre spirituel symbolisé par la Ka'ba<br />
de la Mecque et par le Rocher de Jérusalem<br />
vers lequel se dirige l'aspirant mystique pour<br />
accomplir son pèlerinage ésotérique, le<br />
Grand Pèlerinage. Il est l'Imagination active<br />
ou l'Intellect qui contemple le monde intelli¬<br />
gible. Il est le Trône de Dieu ; un hadith<br />
qodsi du Prophète cité par les mystiques dit,<br />
« Ma terre ne peut Me contenir, ni ne le peut<br />
Mon ciel, mais le C de Mon serviteur<br />
croyant peut Me contenir »<br />
<strong>Le</strong> C ou Ame spirituelle, ne fait que<br />
réfléchir sa propre Ame, qui est l'Esprit saint<br />
(ruh al-qods). « L'âme est cachée dans le<br />
corps, et Tu es caché dans l'Ame », dit<br />
Attar, « ô Ame de l'Ame, Tu es plus que<br />
tout et avant tout. Tout se voit par Toi, et<br />
l'on Te voit en toutes choses ». C'est Lui la<br />
Face du Seigneur à laquelle fait allusion le<br />
<strong>Coran</strong> (LV, 27). C'est Lui le Bien-Aimé des<br />
mystiques, et l'Intelligence active des philo¬<br />
sophes. C'est Lui la Nature divine (lahut) qui<br />
cache l'Essence divine (hahut) ou Abîme<br />
divin. Ibn 'Arabi décrit son songe mystique<br />
ainsi : « Cette puissance de l'Imagination