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— Nous avons tenu.<br />
— À un contre trois, oui, nous avons tenu, mais ça ne suffit<br />
pas.<br />
— Dès l’aube nous aurons des troupes fraîches et l’armée de<br />
Davout. Les Autrichiens, eux, n’espèrent aucun renfort.<br />
— Leur armée d’Italie…<br />
— Elle est encore loin.<br />
— Nous devons l’emporter demain, Marbot, et à n’importe<br />
quel prix !<br />
— Si vous le dites, ce sera ainsi.<br />
— Oh, ne me flatte pas !<br />
— Je vous ai vu à l’attaque cent fois, et l’armée vous aime.<br />
— Je les offre aux canons et aux baïonnettes et ils m’aiment !<br />
Parfois, je ne comprends plus.<br />
— Votre Excellence, c’est bien la première fois que je vous<br />
entends douter.<br />
— Ah bon ? En Espagne, je devais douter en silence.<br />
— Nous arrivons…<br />
De ce côté des bivouacs de Masséna il n’y avait pas de<br />
sentinelles, et les deux hommes passèrent sans un bruit entre<br />
les soldats qui somnolaient par terre. Près d’un feu, ils virent la<br />
longue silhouette au dos courbé de Masséna, et, à ses côtés, celle<br />
de Bessières. Comme Marbot marchait en avant, le maréchal<br />
Bessières le reconnut à son chapeau de civil ; en effet, à cause<br />
d’une blessure au front qu’il avait reçue en Espagne il ne pouvait<br />
supporter le traditionnel bonnet de fourrure des ordonnances<br />
de Lannes. Bessières crut qu’il venait seul et lui jeta :<br />
— Capitaine, puisque vous venez aux renseignements je vais<br />
vous en donner un. Retournez dire à votre maître que je<br />
n’oublierai pas ses insultes !<br />
Lannes, qui avait un tempérament bouillant, poussa de côté<br />
son aide de camp et apparut dans la lumière du bivouac.<br />
— Monsieur, dit-il à Bessières en contenant mal sa colère, le<br />
capitaine Marbot sait risquer sa vie et prendre des coups !<br />
Parlez-lui sur un autre ton ! Il a été dix fois blessé tandis que<br />
d’autres paradent devant l’ennemi !<br />
Bessières leva la voix, ce qui ne lui ressemblait pas :<br />
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