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Dom Juan

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as meurtris, à moitié assommé, sent un liquide chaud et<br />

gluant lui coller aux doigts. Il est sûrement blessé, se dresse sur<br />

les mains, regarde autour de lui une mêlée de voltigeurs et de<br />

hussards. Il secoue son voisin, le retourne face au ciel ; il a les<br />

yeux révulsés. Derrière, un cheval éventré rue de douleur et<br />

frappe des sabots, il a le ventre ouvert et disperse ses intestins.<br />

Sur un champ de bataille, se dit Paradis, on ne comprend<br />

vraiment rien. Est-ce que je suis mort ? Ce sang ? Non, il ne<br />

m’appartient pas. Celui du cheval ? Celui de mon voisin dont je<br />

ne connais même plus le nom ?<br />

— Pssst !<br />

Paradis voit Rondelet à plat ventre et qui lui cligne de l’œil. Il<br />

lui demande :<br />

— T’as rien ?<br />

— Rien mais faut pas l’répéter. J’fais le cadavre par<br />

prudence.<br />

— Attention !<br />

Un Autrichien désarçonné s’approche en boitant. Il a<br />

entendu le dialogue du faux moribond et lève son sabre. Mis en<br />

garde par son ami, Rondelet roule sur le côté sans demander<br />

d’explication et Paradis lance une poignée de terre dans les yeux<br />

du hussard ; aveuglé, ce dernier trébuche et risque une série de<br />

dangereux moulinets quand l’adjudant Roussillon, qui a<br />

ramassé une baïonnette, la lui plante dans le dos en poussant<br />

fort.<br />

— Blessés ou pas, debout ! commande l’adjudant. Ils vont<br />

revenir.<br />

— Ils sont donc partis ? soupire Rondelet que l’adjudant<br />

attrape par le gras du bras et soulève :<br />

— Toi, t’as même pas pris un sabot dans la joue ! Et toi ?<br />

— C’est du sang, ah oui, répond Paradis, mais je sais pas<br />

celui de qui.<br />

— On se regroupe derrière le chemin creux, et plus vite que<br />

ça !<br />

Les miraculés se lèvent, étourdis, maladroits sur leurs<br />

jambes.<br />

— Et ramassez les gibernes, bougonne l’adjudant Roussillon.<br />

Faut pas gaspiller les cartouches.<br />

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