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Dom Juan

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D’un coin de son tablier, Percy ôta les vers qui s’étaient<br />

infiltrés dans la plaie du suivant, lequel délirait, les yeux<br />

retournés.<br />

— Fichu ! Le suivant !<br />

Deux aides, l’un le tenant sous les bras, l’autre aux mollets,<br />

déposaient le soldat Paradis sur la table du chirurgien.<br />

— Qu’est-ce qu’il a, ce gars, à part une bosse ?<br />

— On sait pas, docteur.<br />

— Il vient d’où ?<br />

— Il était dans le lot qu’on a ramassé près du cimetière<br />

d’Aspern.<br />

— Mais il n’a pas été blessé !<br />

— Il avait des bouts de chair sur le visage et sur la manche,<br />

on a cru qu’il avait pris un boulet mais c’est parti quand on a<br />

essuyé.<br />

— Eh bien il a pris en pleine figure le corps d’un camarade<br />

déchiqueté. De toute façon, ça a dû lui taper sur la tête.<br />

Percy se baissa vers le faux blessé :<br />

— Tu peux parler ? Tu m’entends ?<br />

Paradis resta immobile mais bredouilla pour réciter son<br />

identité :<br />

— Soldat Paradis, voltigeur, 2 e de ligne, 3 e division du<br />

général Molitor sous les ordres du maréchal Masséna…<br />

— T’inquiète pas, je ne vais pas te renvoyer là-bas, tu n’es<br />

plus en état de tenir un fusil. (À Morillon :) Ce gars est costaud,<br />

allez me l’habiller, on a de quoi l’employer.<br />

Le docteur et son assistant rétablirent Paradis sur ses<br />

jambes, et le voltigeur en caleçon suivit Morillon avec docilité.<br />

Dehors, sur des ballots de paille entassés, les blessés que Percy<br />

jugeait condamnés, faute de médicaments et de matériel,<br />

portaient sur le front une croix à la craie ; ainsi on ne les<br />

confondait pas avec les nouveaux arrivants, et on ne risquait pas<br />

de les ramener par inadvertance sur la table de chirurgie. Les<br />

agonisants ne verraient sans doute pas l’aube, ils étaient perdus<br />

pour la bataille et pour la vie. Tout près, sous une haie<br />

d’ormeaux, les rabatteurs des ambulances avaient disposé une<br />

sorte de boutique où ils revendaient pour leur compte les<br />

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