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Dom Juan

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monastère Santa Engracia de Saragosse, où l’on se massacrait<br />

au premier plan devant une vierge de pierre blanche ; ce qui<br />

retenait, dans cette composition, c’était le monument arabisé, le<br />

ciselé du cloître, la tour carrée, le ciel. Aboukir, c’était la lumière<br />

crue sur la presqu’île, une chaleur qui faisait trembler les gris et<br />

les jaunes. Louis-François ne regardait donc pas les soldats en<br />

goguette, il admirait l’allure du palais Pallavicini, et le fronton<br />

du palais Trautson lui évoquait Palladio. Cet amour permanent<br />

des belles choses avait naguère rapproché Louis-François<br />

d’Henri Beyle, et leur amitié en naquit, que les guerres comme<br />

les absences ne brisèrent pas.<br />

— Nous arrivons, dit Lejeune comme ils entraient dans le<br />

quartier plutôt élégant de la Jordangasse.<br />

Soudain, au tournant d’une rue il cabre son cheval. Là-bas,<br />

des dragons entrent et sortent d’une maison rose les bras<br />

chargés de tissus, de vaisselle, de flacons, de jambons fumés<br />

qu’ils amoncellent dans une carriole de l’armée. « Ah ! les<br />

sagouins ! » crie Lejeune en piquant sa monture pour faire<br />

irruption au milieu de cet essaim de voleurs. Surpris, ils en<br />

laissent tomber un coffre qui se fend. L’un d’eux perd son<br />

casque dans la bousculade, un autre valse contre le mur. Henri<br />

s’approche. Toujours à cheval, mais dans le vestibule, son ami<br />

distribue des coups de cravache et de botte.<br />

— La ville est à nous, mon officier ! dit un grand cuirassier à<br />

la capote taillée dans la bure d’un moine espagnol ; il porte des<br />

éperons à ses espadrilles et semble décidé à poursuivre le<br />

déménagement.<br />

— Pas cette maison ! hurle Lejeune.<br />

— Toute la ville, mon officier !<br />

— Sors d’ici ou je te casse la tête !<br />

Lejeune arme son pistolet d’arçon qu’il pointe sur le front de<br />

l’insolent, qui sourit :<br />

— Eh bien tire, mon colonel !<br />

Lejeune lui envoie un coup violent du canon de son arme ;<br />

l’autre, durement frappé à la joue, crache trois dents et du sang,<br />

puis il tire son sabre, mais ses compagnons le ceinturent et lui<br />

maintiennent les poignets.<br />

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