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<strong>Vapeur</strong> <strong>Mauve</strong><br />
100<br />
Septembre 1978 – Le Caire<br />
Rocking the Cradle of Civilization<br />
Une épopée mythique, un nom mystique, un concert qui aurait pu rester dans les annales, un<br />
acte manqué, une histoire de dette et d’Autre-monde… le Grateful Dead à Gizeh.<br />
Le groupe emblématique du San Francisco sound<br />
a vu grand : il a fait venir sa cargaison de matériel<br />
depuis la Californie, monter une scène au pied des<br />
pyramides antiques du plateau de Gizeh et invité<br />
tous ses amis à le rejoindre au Caire. Près de cent<br />
quatre-vingts personnes sont conviées, parmi lesquelles<br />
se retrouvent quelques figures mythiques<br />
de la contre-culture san franciscaine à l’image de<br />
l’écrivain Ken Kesey et de ses Merry Pranksters. Les<br />
« Joyeux Lurons » sont les promoteurs déjantés du<br />
LSD, les instigateurs du psychédélisme et les animateurs<br />
des incontournables Acid Test où le Grateful<br />
Dead s’est découvert un nom, une image et<br />
un univers. Depuis son installation dans le quartier<br />
de Haight-Ashbury en 1966, le Dead est toujours<br />
resté extrêmement proche de ses amis, qu’il intègre<br />
volontiers au cercle familial. La communauté est<br />
conçue comme une extension de la formation musicale<br />
; il était donc indispensable que tous partagent<br />
le trip égyptien. La pharaonique organisation est au<br />
service du groupe qui souhaite donner une série de<br />
trois concerts exceptionnels dans le cadre millénaire<br />
que constituent les tombes de Khéops, Kephren et<br />
Mykerinos. Pour ajouter de la sacralité au gigantisme<br />
de l’événement, les musiciens ne choisissent pas<br />
leurs dates au hasard : les concerts auront lieu les<br />
14, 15 et 16 septembre, la dernière nuit s’achevant<br />
sur une éclipse totale de Lune dans le ciel africain,<br />
sorte d’apothéose finale pour le groupe. Avec une<br />
telle conjoncture, il est impossible d’écarter l’aspect<br />
symbolique. Le Grateful Dead légitime cette organisation<br />
en souhaitant offrir la série de concerts à ses<br />
amis, leur faire un cadeau grandiose, digne de cette<br />
folie des grandeurs à laquelle succombent si souvent<br />
les groupes de rock de cette dimension.<br />
Les circonstances renvoient évidemment à l’attirance<br />
du psychédélisme pour le Moyen-Orient et<br />
plus particulièrement l’Égypte ancienne. Son art a<br />
largement influencé l’iconographie psychédélique<br />
sous toutes ses formes : des affiches de concert<br />
de Jefferson Airplane pour le Fillmore East aux<br />
murs du Matrix, célèbre ballroom de San Francisco.<br />
Elles renvoient également au mysticisme hippie, à<br />
l’attrait pour les spiritualités lointaines et anciennes,<br />
et au goût pour l’orientalisme hérité des beatniks.<br />
En 1978, le psychédélisme et la contre-culture<br />
connaissent un inexorable déclin depuis une dizaine<br />
d’années, ils n’en demeurent pas moins une source<br />
à laquelle puise toujours le Grateful Dead. Ils constituent<br />
le terreau fertile d’où le groupe est apparu,<br />
ils sont les racines du « Mort reconnaissant », son<br />
origine, sa raison d’être. Le Dead n’a jamais rompu<br />
avec l’idéologie contre-culturelle, le mode de vie<br />
communautaire, la recherche de dépassement, et