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Vapeur Mauve - Rock6070

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déjuge. Une fois que l’on a capté le truc, il y a matière<br />

à rigolade. Ainsi, Masters Of War ne serait pas une<br />

chanson antimilitariste – ah ah ! Dans ses Chroniques<br />

(son autobiographie, publiée en 2004), formidable<br />

exercice de réécriture du réel, il assure avoir bâti<br />

Blood On The Tracks sur une nouvelle de Tchekhov.<br />

Carrément. Évidemment, ça ne tient pas debout.<br />

Blood transpire le désespoir amoureux, Blood a<br />

l’odeur des cheveux de Sara sur l’oreiller le matin.<br />

Mais ces élans impudiques doivent moyennement<br />

plaire au vieux Dylan, alors il Bob-arde.<br />

Et Archibald MacLeish ? Pas mécontent de son effet,<br />

Dylan revient en longueur sur sa rencontre avec le<br />

grand écrivain, au début des années 70. À l’époque,<br />

Dylan devait travailler sur une pièce de MacLeish.<br />

Finalement, le projet avortera et les chansons se<br />

retrouveront sur New Morning. Mais peu importe.<br />

Dans le récit qu’il fait de leur rencontre – de leurs<br />

deux rencontres, en fait – Dylan mélange tout. Il<br />

confond ce qu’il s’est réellement passé avec ses<br />

fantasmes, les mots de Carl Sandburg se mélangeant<br />

aux propres écrits d’Archie. Son échange avec<br />

MacLeish a eu une résonnance particulière dans le<br />

contexte où il s’est produit et il essaie seulement de<br />

rendre compte de cet impact. « Le plus talentueux<br />

des illusionnistes… »<br />

Nobody sings Dylan like Dylan<br />

Rarement slogan publicitaire d’une maison de disque<br />

aura tapé aussi juste. Dylan n’est pas un chanteur,<br />

c’est un interprète. La nuance est fondamentale.<br />

L’inquiétude du Zim ne se situe jamais au niveau<br />

du résultat. Le seul truc qui compte vraiment, c’est<br />

l’intention. La quantité de tripes que tu promènes<br />

dans ta gorge au moment de sortir ta ligne de chant.<br />

Et ça fait des miracles. Vous connaissez Moonshiner,<br />

l’outtake de The Times They’re A-Changin’ ? Un<br />

traditionnel. C’est un puceau qui roucoule dans<br />

les bras de Suze Rotolo à l’époque, et on entend<br />

pourtant résonner l’âme d’un centenaire derrière le<br />

micro. Et le coup d’après, il te gazouille un Boots Of<br />

Spanish Leather si le cœur lui en dit. Un caméléon.<br />

Des cordes vocales greffées sur le bide. Le cerveau<br />

ne sert à rien. Je me suis toujours dit que Dylan était<br />

le seul mec qui chantait sans sa tête. Une bonne<br />

ligne de chant du Zim, c’est un poulet sans tête qui<br />

court dans un pré. Jetez une oreille aux bandes de<br />

66. Un parachutiste qui se lance dans le vide. Sans<br />

contrôle.<br />

Alors, ça râpe, ça grince, ça couine.<br />

Ceux qui moquent sa voix de canard, ses cassures<br />

mélodiques, ses supposés problèmes de justesse<br />

se trompent. Ils ne regardent pas au bon endroit. Ils<br />

l’écoutent de loin. Alors qu’il faut entrer aller toucher<br />

ses amygdales, se délecter ses « s » sifflés en fin de<br />

vers sur Visions Of Johanna. Lorsque Dylan perd la<br />

connexion entre l’intention et le résultat, quand ça<br />

ne sort plus du bide, il se perd. Il n’est plus chanteur,<br />

il joue à être le chanteur. C’est ce que font un paquet<br />

d’artistes, remarquez. Mais chez Dylan, ça se voit<br />

tout de suite.<br />

Prenez sa voix d’Elvis Presley du pauvre sur<br />

Nashville Skyline. Il n’est plus Bob Dylan. Il erre. En<br />

74 ? Le Band est derrière lui, ça sent 66 mais ça<br />

<strong>Vapeur</strong> <strong>Mauve</strong><br />

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