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<strong>Vapeur</strong> <strong>Mauve</strong><br />
34<br />
À l’entrée du point restauration, on me dit de<br />
demander à Claude. Claude est un militant et<br />
bénévole de longue date à la fête. Il s’occupe du<br />
transport des artistes des loges VIP à la grande<br />
scène depuis 32 éditions. Cela m’étonne : le petit<br />
parcours doit faire 200, 250 mètres maximum : mais<br />
« les artistes sont parfois un peu spéciaux, et il y en<br />
a qui nous demandent de les conduire en voiture. »<br />
Joan Baez ressort du restaurant entouré de son staff<br />
et se dirige vers sa loge. Je commence à me dire<br />
que ça va être impossible avec tous ces gens qui<br />
l’entourent, les productions, etc. Puis, par magie,<br />
je la vois repasser seule. Elle me sourit, elle me dit<br />
« bonsoir », mais elle se rend rapidement vers l’autre<br />
côté des loges. J’essaie de l’appeler : peine perdue,<br />
un membre de son staff s’approche et me dit des mots<br />
incompréhensibles dans la langue de Shakespeare,<br />
parmi lesquels je saisis seulement : « no photos ».<br />
Pourquoi ? Je n’en sais rien, je n’ai pas d’appareil à<br />
portée de main... Soudain, Thierry revient et me fait<br />
connaître Edgard Garcia, le présentateur de la grande<br />
scène. Je décide de lui poser deux ou trois questions,<br />
car je commence sérieusement à penser écrire un<br />
article sur les coulisses et non pas sur Joan Baez.<br />
Edgard m’explique qu’il n’a plus peur, désormais, de<br />
se retrouver devant un grand public, mais qu’il est<br />
toujours impressionné. Il ajoute : « tout comme Joan<br />
Baez, je sais qu’elle est très impressionnée de revenir<br />
ici après 40 ans ». Je me dis : encore elle ! Là ça va<br />
hanter mes nuits, cette histoire ! Du coup, je décide<br />
de faire une dernière tentative : aller voir la personne<br />
que j’avais eue au téléphone de visu. Je la retrouve<br />
un peu par hasard. Je lui réexplique la situation, mais<br />
elle me répond de manière presque méprisante, en<br />
ajoutant : « c’est pas la peine de faire deux fois le<br />
même discours. » Ça alors ! Je lui dis que « quand<br />
même, on est à la Fête de l’Huma et on accepte déjà<br />
assez de pubs et du capitalisme comme ça, alors<br />
j’estime que les journalistes du journal, qui plus est<br />
bénévoles, devraient avoir libre accès aux artistes<br />
invités ». Elle ne m’écoute presque pas, elle semble<br />
perdre sa patience et me lance un regard noir. Je<br />
me dis, alors : « Tant pis, je vais faire un article sur la<br />
vraie fête, et les vraies coulisses, celles de Claude,<br />
Amélie, Élise, de tous ces bénévoles qui font vivre<br />
ces trois jours magiques, et non pas celles des loges<br />
dorées et des producteurs insensibles à une autre<br />
logique que celle du marché. »<br />
Et, sous le déluge, je retourne vers le Peuple, le vrai,<br />
celui du devant de la grande scène, pour écouter<br />
enfin le concert de Joan Baez. Loin du show-biz et<br />
du capitalisme.<br />
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