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<strong>Vapeur</strong> <strong>Mauve</strong><br />
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Depuis la fin des années 1960, par conséquent,<br />
ce socle « beat » évolue vers des formes plus<br />
expérimentales, mais le rock italien ne connait<br />
pas encore l’omniprésence des influences blues/<br />
rythm’n’blues caractérisant les groupes anglais<br />
ou américains ; il en découvrira, en revanche,<br />
l’évolution, avec une arrivée précoce, dans la botte,<br />
du progressif anglais. Il faudra en effet attendre 1969<br />
pour que le grand « tournant » se réalise.<br />
Le Orme<br />
1969, année « érotique », année<br />
« politique », année « musicale »<br />
1969 : une pierre milliaire dans l’histoire mondiale.<br />
Tandis que l’homme va sur la lune, le plus grand<br />
festival musical de l’histoire a lieu aux États-Unis,<br />
déterminant, pour certains, le « début de la fin » de la<br />
grande saison des luttes de la jeunesse américaine,<br />
malgré le fait que le Viêt Nam brûle toujours. En<br />
Italie, les usines sont occupées et la première<br />
bombe, attribuée d’abord aux anarchistes, puis aux<br />
fascistes, éclate à Milan, inaugurant les « années de<br />
plomb ».<br />
Ces évènements ont une répercussion directe sur<br />
la jeunesse italienne : le « mouvement » s’intéresse<br />
de plus en plus aux valeurs de la contreculture<br />
américaine : les thèmes de la libération individuelle,<br />
d’une nouvelle spiritualité, d’une sexualité libre<br />
commencent à apparaitre à côté des thématiques<br />
marxistes défendues par les jeunes contestataires.<br />
Cette tendance a des répercussions immédiates sur<br />
le plan musical : la musique « anglophone », qui se<br />
limitait jusque-là aux Beatles et aux Rolling Stones,<br />
est véritablement adoptée par le public italien,<br />
tandis que de grands rassemblements musicaux<br />
s’organisent, souvent autour de festivals lancés par<br />
les revues contre-culturelles.<br />
1969 est aussi l’année de sortie de l’album de<br />
King Crimson, In the Court of the Crimson King,<br />
une œuvre destinée à révolutionner l’histoire<br />
de la musique : les innovations en matière de<br />
composition, l’expérimentation de nouvelles<br />
sonorités, la traduction musicale des perceptions<br />
sous l’influence de drogues hallucinogènes avaient<br />
connu leurs balbutiements dans le grand filon du<br />
rock psychédélique – qu’il s’agisse du son west<br />
coast ou de psyché anglais – mais n’avaient jamais<br />
été poussées à un tel niveau de recherche de la<br />
perfection, tant du point de vue des textes que de<br />
celui des compositions.<br />
Fascinés par ce filon naissant, les groupes italiens<br />
ne tardent pas à se créer ou à se transformer (pour<br />
ceux qui existaient déjà) en affirmant leurs propres<br />
spécificités.<br />
De l’ascension du rock<br />
progressif italien…<br />
Le rock progressif italien, comme nous l’avons vu,<br />
est donc le fruit d’une importation : importation<br />
précoce des albums de groupes anglais, dont les<br />
groupes italiens se pressaient de faire des « covers »,<br />
importation de l’idée du rassemblement musical (par<br />
exemple le « Caracalla pop », qui s’est tenu à Rome<br />
en 1970 et qui voit participer les New Trolls ou le<br />
Banco), importation de l’idée d’« évolution » du rock<br />
caractérisant les grandes formations anglaises.<br />
Toutefois, les groupes italiens présentent une<br />
caractéristique majeure : l’attachement à une<br />
tradition musicale spécifiquement nationale, qui, audelà<br />
des liens déjà cités avec les singers-songwriters,<br />
le beat ou le folk, puise ses racines dans la musique<br />
classique. Il est inutile de rappeler les grands noms<br />
de ces compositeurs ou de leurs œuvres ; disons,<br />
simplement, que la musique classique était, encore<br />
à l’époque, diffusée dans toutes les couches de la<br />
population (même dans sa version « populaire » de<br />
l’operetta napolitaine par exemple) et faisait partie<br />
du patrimoine musical national (tout le monde savait<br />
au moins entonner le refrain de l’Aida de Verdi). La<br />
voie royale d’accès à la musique dite « sérieuse » (par<br />
opposition à celle « légère ») était le conservatoire.<br />
Or, une grande partie d’artistes prog italiens sont<br />
précisément issus du conservatoire et possèdent<br />
ce background classique, ce qui fait du genre une<br />
véritable exception au niveau mondial. Des artistes<br />
Banco