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en quelque sorte en revendiquer la « paternité ».<br />
J’avais lu, dans un quotidien, un article consacré<br />
à un fait divers, la découverte et le démantèlement<br />
par les forces de l’ordre d’une maison close près<br />
de Rome qui s’appelait, justement, Locanda Delle<br />
Fate (l’auberge des fées). Donc, ce nom m’avait<br />
particulièrement frappé, car il était très harmonieux<br />
et sonnait particulièrement bien. Donc je proposai le<br />
nom aux autres membres qui l’acceptèrent tout de<br />
suite.<br />
Paolo : Avant Forse le lucciole non si amano più,<br />
avez-vous essayé d’enregistrer un album ou un 45<br />
tours ?<br />
Luciano : Bien sûr, mais à vrai dire, nous n’y avons<br />
jamais véritablement cru. Je me souviens qu’une fois<br />
on était allé à Tortona pour un essai chez la maison de<br />
disques qui appartenait aux producteurs Riccardi et<br />
Albertelli. Nous avions préparé deux morceaux, dont<br />
un qu’on avait appelé Il mercante e lo storpio, qui était<br />
déjà un morceau prog, mais extrêmement difficile à<br />
réaliser et qui ne fut pas apprécié comme il se devait.<br />
Ensuite, nous avons remanié ce morceau et il est<br />
devenu l’un des morceaux qu’on joue dans tous nos<br />
live, La giostra. Mais le vrai tournant a été lorsqu’on<br />
avait déjà tout le matériel pour Forse le lucciole, que,<br />
comme je te disais, on avait enregistré dans la cave,<br />
voilà… Avec ce matériel, nous avons participé à une<br />
émission télé sur Rai 1, en 1976. Il s’agissait d’une<br />
émission spéciale d’une demi-heure environ qui était<br />
diffusée à 18h30, présentée par Giorgio Calabrese,<br />
qui était le talent scout de l’époque, le promoteur<br />
de groupes un peu « bizarres » dans une émission<br />
qui passait à une heure de grande écoute. Donc,<br />
nous nous étions rendus à Rome pour enregistrer<br />
cette émission, avant la sortie même du disque<br />
vinyle. C’est précisément après cette émission que<br />
les contacts qu’on avait noués avec la CBS et la<br />
Phonogram se firent de plus en plus fréquents. Il y<br />
eut même une espèce de compétition entre maisons<br />
discographiques pour nous avoir. Enfin, nous avions<br />
pris la décision de signer avec la Phonogram, label de<br />
Polydor, qui nous fit connaitre Niko Papathanassiou<br />
(le frère de Vangelis, ndlr) qui resta notre producteur<br />
pour toute la période Phonogram.<br />
Paolo : Donc, c’est après cette émission télé que<br />
vous avez pu concrétiser votre idée de faire un<br />
disque...<br />
Luciano : Tout à fait. Nous nous trouvions, un jour, à<br />
la CBS, où on parlait avec le Maestro Mescoli, auquel<br />
on avait remis la cassette de nos enregistrements. Il<br />
nous avait dit : « Dommage, car Giorgio Calabrese<br />
vient de partir, sinon je vous l’aurais fait rencontrer... »<br />
Donc, on avait perdu une occasion, mais on arriva<br />
à faire parvenir quand même la cassette à Giorgio<br />
Calabrese. Lorsqu’il nous rappela, à notre arrivée aux<br />
studios télé, nous étions attendus par les émissaires<br />
de la Phonogram, avec lesquels on avait déjà pris<br />
contact précédemment, qui nous « assiégèrent »<br />
littéralement, en nous expliquant qu’ils avaient des<br />
grands projets pour nous, de ne surtout pas signer<br />
avec d’autres, etc. La CBS fit la même chose, nous<br />
promirent de grands projets, et ses émissaires<br />
furent très énervés lorsque nous prîmes la décision<br />
de signer avec la Phonogram. Donc, lorsqu’on dit :<br />
« vous êtes sortis en retard par rapport au prog,<br />
etc. », je réponds : « oui, mais à cette époque, le<br />
prog – qu’on appelait encore tout simplement rock<br />
– marchait très bien, la preuve : on n’a pas pleuré<br />
pour avoir un contrat, deux des plus grandes majors<br />
se sont disputé notre contrat, et cela démontre<br />
qu’ils y croyaient encore dur comme fer eux aussi.<br />
Le désastre du prog n’était pas encore arrivé; et les<br />
fissures, en admettant qu’elles fussent présentes, ne<br />
se voyaient pas encore bien non plus. »<br />
Paolo : Ce n’est donc pas, selon toi, une<br />
conséquence directe de 1977, avec des troubles<br />
politiques majeurs en Italie et l’arrivée fracassante<br />
du mouvement punk et de la new wave ?<br />
Luciano : Peut-être. Mais, comme je te disais, on a<br />
enregistré à Rome en 1976, l’émission est passée en<br />
janvier 1977 et l’album sort le printemps de la même<br />
année. Donc c’est tout un passage sans continuité<br />
avec ces éléments… Nous nous sommes aperçus<br />
des fissures du genre prog seulement après la sortie<br />
de l’album, à l’été 1977, lorsqu’on a participé à une<br />
tournée promue par le label, qui portait le nom de<br />
Phonogramania. On était alors dans une tournée<br />
avec plusieurs autres artistes, de la Polygram, qui<br />
<strong>Vapeur</strong> <strong>Mauve</strong><br />
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