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<strong>Vapeur</strong> <strong>Mauve</strong><br />
70<br />
la scène des concerts internationaux et a mené à<br />
plusieurs invitations pour jouer des concertos pour<br />
percussions solos et orchestre symphonique ou<br />
pour donner des soirées solos au cours desquelles<br />
j’ai de plus en plus commencé à intégrer mes<br />
propres compositions pour une grande variété<br />
d’instruments. L’année suivante j’ai obtenu le premier<br />
prix de la Compétition Nationale du Conservatoire<br />
de Musique Allemande dans la catégorie percussion<br />
solo. Et en 1980 j’ai gagné le troisième prix et le Prix<br />
spécial au Concours International d’Interprétation<br />
de la Musique Contemporaine à Radio France Paris<br />
– le premier prix n’a pas été attribué. Ce fut une<br />
semaine fantastique avec un programme obligatoire<br />
infernal – ce concours fut le point culminant de mon<br />
expérience dans la compétition musicale. Jouer avec<br />
l’Orchestre Symphonique de Radio France au rang<br />
final, conduit par Peter Eötvös (qui à ce momentlà,<br />
était l’assistant de Pierre Boulez à IRCAM Paris)<br />
devant une grande audience fut inoubliable.<br />
À cette époque je ne savais pas encore que moins<br />
de deux ans plus tard je déménagerai à Paris pour<br />
continuer ma peinture…<br />
VM : Dans les années 80, tu travailles également<br />
avec Pierre Boulez, comme le fera également un<br />
certain Frank Zappa. À cette époque, Zappa est-il<br />
toujours une influence pour toi ?<br />
JB : Zappa devenait encore plus intéressant, car<br />
avec les années la complexité de ses travaux est<br />
devenue de plus en plus claire pour moi. Donc mon<br />
attention au développement de Zappa était plus ou<br />
moins présente, comme je n’ai jamais perdu d’intérêt<br />
pour le travail fantastique de Pierre Boulez, ainsi que<br />
pour bien d’autres. Mis à part leur grande différence<br />
de style et d’esthétique, bien que pour moi les deux<br />
compositeurs avaient quelque chose en commun. Je<br />
parle de leur intérêt profond pour les transformations<br />
complexes ainsi que les métamorphoses du<br />
matériel musical. Et tous deux ont une approche<br />
très différenciée de l’utilisation sophistiquée du<br />
rythme. C’était fantastique d’entendre que ces deux<br />
protagonistes de musique contemporaine – le génie<br />
énervé et révolutionnaire Pierre Boulez ainsi que le<br />
rebelle inadapté de la musique rock expérimentale,<br />
le fondateur des Mothers of Invention, Frank Zappa<br />
– s’étaient réunis pour plusieurs coopérations.<br />
Quand j’ai commencé mes études de composition<br />
au Conservatoire de Musique d’État, personne ne<br />
connaissait Frank Zappa. Personne ne te prenait<br />
au sérieux si tu passais les disques pour lesquels<br />
tu étais enthousiaste, ces musiques extrêmes et<br />
provocatrices, entre doo-wop-persiflages et albums<br />
expérimentaux comme Uncle Meat, ou le film<br />
musical 200 Motels avec les Mothers of Invention<br />
et l’Orchestre Philharmonique Royal de Londres.<br />
Dix ans plus tard, tout le monde connaissait Frank<br />
Zappa, même si tu n’avais aucun background rock.<br />
Je pense qu’une grande partie de ce changement<br />
positif dans la reconnaissance publique de Zappa se<br />
fit grâce à l’influence et l’esprit d’ouverture de Pierre<br />
Boulez.<br />
VM : Durant cette décennie, tu n’es plus<br />
seulement musicien, mais un photographe, un<br />
peintre ou encore un sculpteur. Tu voyages un peu<br />
partout dans le monde et fais des expositions et de<br />
nombreuses rencontres. Tu peux nous en dire un<br />
peu plus sur cette période ?<br />
JB : Mon intérêt pour des arts différents était présent<br />
dès le début, mais son étendue et son intensité n’a<br />
cessé de grandir – ce qui n’était d’abord qu’un jeu<br />
est devenu maintenant sérieux et conscient – sans<br />
perdre le sens du divertissement qui devait être la<br />
véritable origine et le fondement humain de tous<br />
les arts. Mais tu as raison, quelques années avant<br />
que j’aie terminé mes études au conservatoire, je<br />
me suis senti libre de laisser revenir dans ma vie<br />
mon appétit et mon besoin pour les arts visuels.<br />
Des changements d’adresse avec des contrastes<br />
géographiques importants, passant des villes à<br />
la campagne la plus reculée durant les années 80<br />
ont eu de très forts impacts sur moi, motivant mes<br />
interrogations et mon travail, et ce, définitivement,<br />
quand je suis parti à Paris pour vivre là-bas pendant<br />
plus d’une année, à la Cité Internationale des Arts,<br />
où on a mis à ma disposition un grand atelier, Quai<br />
de l’Hôtel de Ville, en face de la cathédrale Notre-<br />
Dame.<br />
L’année suivante j’ai été invité à donner deux<br />
concerts avec l’Imago Ensemble de Hugh Levick<br />
pour le centenaire du Brooklyn Bridge à New York,<br />
après quoi j’ai immédiatement décidé de ne pas<br />
revenir à la maison, mais de rester aussi longtemps<br />
que possible, d’autant plus que les douanes<br />
allemandes m’avaient accordé un certificat de travail<br />
dont j’ignorais l’existence jusqu’à mon arrivée à New<br />
York. Ainsi, j’ai pu gagner ma vie en jouant du piano<br />
ou des percussions dans plusieurs Écoles de Danse<br />
Moderne de différentes universités ou lycées tout<br />
en continuant mes travaux, à étudier et à visiter les<br />
musées, galeries, concerts et ateliers d’artistes. Tout<br />
cela favorisant mes arts visuels – l’année précédente<br />
j’avais avant tout travaillé à ma peinture. Chaque<br />
chose devenait plus libre, plus ouverte, les traits<br />
et les lignes parlaient un langage nouveau et plus<br />
clair dans mon travail régulier, les formats de mes<br />
peintures devenaient plus grands. À New York j’ai<br />
enfin cédé à une envie de faire de la sculpture, je<br />
préparais systématiquement moi-même tous les<br />
outils dont vous pouvez avoir l’usage dans vos<br />
recherches personnelles et qui sont nécessaires<br />
à notre style. Après être revenu en Europe, j’ai<br />
immédiatement commencé à transposer, en trois